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MOCHUELO BAJO

Projet de travail communautaire –Etudiants de l’Université Nationale de Colombie

Durant le cours "Fondements de l'éducation" on nous a demandé une réflexion sur une proposition pédagogique ; c'est au cours du travail résultant de collecte d'informations, de données, et de différents apports que nous nous sommes intéressés aux jeunes des populations déplacées. Au fur et à mesure des contacts que nous établissions pour savoir qui sont ces jeunes et la problématique sociale dans laquelle ils vivent, nous nous sommes rapprochés peu à peu de personnes concernées directement par cette réalité. Ce sont ces personnes qui nous ont emmenés à Mochuelo Bajo, et aujourd'hui que le cours sur les fondements est terminé, la réalité de Mochuelo fait partie de notre réalité.

Le projet Mochuelo Bajo est né comme une action collective d'un groupe d'étudiants de l'Université nationale qui peut se situer dans un cadre plus large d'application des cursus universitaires à certains secteurs de la société. Conscients que la situation (sociale, politique, économique) de notre pays fait que certains secteurs de la population ont un accès très limité à la connaissance, nous avons commencé notre travail avec la communauté de Mochuelo Bajo et plus exactement avec des jeunes de ce quartier. Précisons que pour nous, la connaissance est un outil qui favorise une participation démocratique, légitime, consciente ainsi que la coexistence pacifique.

Dès ses débuts, le projet a recherché la concertation et la valorisation permanente des moyens et les buts de notre travail, en accord avec les réflexions qui sont nées de l'observation et du développement que nous présenterons dans cet article. Nous commencerons par une description très superficielle pour donner une idée du quartier et des gens qui l'habitent.

Mochuelo Bajo est un des quartiers de la périphérie de la ville de Bogota, qui se situe plus exactement dans la zone rurale à l'extrême sud dans la localité de Ciudad Bolivar. Il faut noter qu'aucun moyen de transport public ne permet une connexion directe de Mochuelo vers le centre de la ville, ce qui provoque un certain isolement et rend plus difficile la mobilité de ses habitants. Par sa situation géographique, l'économie est basée sur l'agriculture et l'élevage, et par ailleurs les sources d'emplois les plus importantes sont la décharge industrielle de Dona Juana (qui emploie jeunes et adultes comme salariés temporaires) ainsi que les briquetteries qui pullulent dans la zone, et qui engagent des journaliers à 8000 pesos par jour). En général les voies d'accès pour piétons sont en terre, et il n'est pas rare de voir les eaux usées passer dans des fossés de part et d'autre des rues. L'eau potable vient d'une source dans la montagne et les travaux pour construire un réservoir et un réseau de distribution d'eau potable viennent à peine de commencer. Quant au service d'énergie électrique, il est assuré par une entreprise du secteur privé.

Le secteur de Mochuelo Bajo est divisé en 4 quartiers, chacun avec une association d'action communale (AAC); on y trouve une école primaire, le jardin de mères communautaires de l'Institut colombien de la famille, et une crèche née de la collaboration et du travail commun de la communauté et d'une ONG (fondation Apoyemos) qui travaillent avec des communautés dans différents points de la ville. Pour terminer cette description physique, précisons que dans tout le quartier il n'y a qu'un téléphone géré par l'une des AAC et qui couvre les 4 quartiers.

Intéressons-nous à présent pour les gens de Mochuelo Bajo, nous verrons que dans ce quartier vivent des familles issues de toutes les régions du pays qui, en majorité, sont arrivées à Bogota à cause du phénomène de déplacements forcés de population. Il y a également des familles et des individus qui vivent dans le quartier pour des raisons de sécurité, pour des raisons économiques ou de famille, qui les amènent à abandonner les zones plus centrales et les zones déprimées du noyau urbain. Le nombre d'enfants et d'adolescents dépasse largement celui des adultes et des personnes âgées. Un grand nombre de familles compte 6 à 8 personnes ou plus, dont seule une ou deux travaillent. Dans beaucoup de cas c'est la femme qui assure la subsistance des familles et quelques enfants sont également employés dans les briqueteries ou comme auxiliaires dans les autobus collectifs qui "descendent" les habitants de Mochuelo Bajo à San Joaquin (noyau urbain).

Comme nous l'avons indiqué, l'organisation communale est composée par quatre associations d'action communale, qui ont entrepris les quelques travaux qui ont été réalisés ; ces associations ont présenté des projets à la mairie locale et ont effectué les démarches auprès du département du plan district pour que le quartier soit reconnu et légalisé. En plus de ces associations, la communauté est organisée en deux autres groupes :

Le groupe des jeunes est apparu il y a deux ans comme un groupe d'appui aux associations d'action communale, pour appuyer auprès de la mairie locale un projet de construction d'un jardin récréatif. Le projet a été approuvé, mais dix-huit mois plus tard les travaux n'ont pas commencé. En collaboration (intermittente) avec la fondation Apoyemos, des activités ont été organisées avec des enfants du quartier (brigades de santé et activités récréatives). Les membres du groupe reconnaissent eux-mêmes que les projets naissent spontanément et bien qu'ils aient pu les mener à bien, ils n'ont pas pu constituer un processus à l'intérieur de la communauté. C'est à ce moment précis que les étudiants de l'université nationale et les "muchach@s" de Mochuelo ont commencé à travailler ensemble.

Nous nous sommes présentés à cette communauté comme des citoyens avec une préoccupation claire, ou plutôt avec une idée derrière la tête : l'éducation populaire. Notre projet est purement éducatif, même si nous sommes conscients des aspects politiques qu'il peut comporter. Ainsi donc nous avons commencé le travail en proposant une auto-observation des conditions sociales et économiques de Mochuelo Bajo, et c'est cette description, réalisée par les jeunes du quartier, que nous avons brièvement présenté au début de cet article. Une fois munis de quelques éléments d'information, nous avons établi quelques noeuds de problématique, comme les drogues, les mères célibataires, la stabilité de l'unité familiale, l'insécurité au travail et la désorganisation et les rivalités entre les habitants (ces dernières étant très marquées).

En vérité, la problématique de Mochuelo est encore plus ample et reflète la réalité du pays, mais même dans ces conditions nous savons qu'un apport éducatif est un élément clé très important. Après les observations et les réflexions que nous avons menées, nous les étudiants de L' Université nationale, nous proposons un processus qui puisse à son tour ouvrir des alternatives pour la résolution des noeuds de problématique que nous avons mentionnés. Au-delà du traitement de ces situations de conflit, nous souhaitons que les muchachos du groupe puissent développer certaines capacités et utiliser certains outils qui leur confèrent le rôle de promoteurs des changements culturels qui amèneront des changements dans la façon de vivre la société, la politique et l'économie. Finalement il s'agit que la construction d'une communauté qui comporte des individus actifs, participatifs et acteurs du changement se fasse à partir d'un processus d'éducation populaire.

À ce point de notre réflexion, il est nécessaire de parler de la proposition pédagogique, et à cette fin il nous faut exposer brièvement quelques idées sur le pourquoi des thématiques, des moyens et des buts recherchés dans les ateliers que nous avons réalisé avec les muchach@s.

Nous entendons par actes de communication toutes les situations qui passent pas le langage (écrit, corporel, visuel ou auditif) dont les éléments sont un émetteur, un message et un récepteur qui interagissent et qui échangent une charge culturelle, des intentions et des attentes gérées par un système d'inférences individuelles. De ce qui précède, nous retenons l'intention de l'émetteur (qu'il s'agisse d'informer, de demander ou de susciter une réaction ou une attitude) et la réponse correspondante du récepteur. Comme nous l'avons dit, les actes de communication ont une intention et cherchent à engendrer un effet chez le récepteur, ou à obtenir une réponse de ce dernier. Il est clair que de nos jours, sous le bombardement de publicité, radio, feuilletons, livres, religions, vingt écoles et d'une longue liste d'émetteurs, nous, qui sommes à l'autre extrémité du canal, somme censés prendre des positions, adopter des attitudes et répondre à toute cette intentionnalité, le tout en essayant de sauvegarder le plus précieux de notre personnalité et de notre identité de colombiens dans les cadres informels qui ont pu rester intacts en dépit du bombardement informatif intentionnel.

Ce que l'on voit aujourd'hui, c'est que ces cadres familiaux et communautaires sont de plus en plus imprégnés de ces informations qui poussent individus et collectivités vers la culture globale de l'endormissement de la valeur de l'être humain et vers l'acceptation en masse de l'exploitation non discriminée de de la terre et de l'homme par l'homme comme axe de la vie sociale. Le tout dans le cadre d'une société experte dans l'art du déguisement et de la mascarade. Jour après jour, on nous présente les dernières avancées technologiques, qui mettent au défi la sagesse infinie de la nature, comme preuve du pouvoir de la mentalité machiavélique de certains scientifiques ou gouvernants. Par ailleurs, ils mentionnent, ils promulguent, ils se retranchent, ils luttent et ils font des navires de guerre à cause de, pour et avec la DÉMOCRATIE. Ils nous vendent de tout, depuis des habits et des appareils électroménagers jusqu'à des politiques internationales et des conflits armés, comme des accessoires nécessaires pour maintenir la LIBERTÉ et l'ORDRE.

Pour certains, tout ce qui précède n'est pas une découverte, pour des milliers de gens c'est une réalité entre théâtre, machination et déguisements, réalité qui se perd dans le spectacle routinier de l'information délivrée par les médias et d'autres scénarios communicatifs qui vont du religieux à l'éducatif. Il est très possible que ceux qui ne rencontrent rien nouveau dans ce texte aient reçu une éducation privilégiée et développé une certaine habileté linguistique qui, dans une certaine mesure, leur ont permis de construire un bouclier-filtre qui les protège plus ou moins du bombardement qui laisse hébétées tant d'autres personnes.

Si nous parlons d'habileté linguistique, c'est pour nous référer de façon spécifique à celle qui permet le développement de facultés cognitives supérieures. Parlons d'alphabétisme. L'alphabétisme constitue la troisième étape du développement du langage, attendu que les deux premières consistent à utiliser le langage pour nommer les choses dans le monde qui nous entoure, nous référer à l'expérience immédiate et réguler l'activité quotidienne.

Nous donnerons deux exemples de facultés cognitives supérieures : la réflexion consciente individuelle sur les connaissances acquises et la faculté de connecter des expériences vécues, des connaissances théoriques et des formulations empiriques quand il s'agit d'utiliser notre langage dans des situations spécifiques. Mais il faut principalement garder l'esprit cette faculté cognitive qui permet de reconnaître l'intentionnalité des actes de communication, et qui a réuni des éléments très important, tant sur le plan linguistique que sociologique et culturelle. Cette faculté, c'est ce que nous avons appelé un bouclier-filtre.

Ainsi donc, nous considérons l'alphabétisme comme l'une des facultés linguistiques qui entraînent le développement des facultés cognitives supérieures et qui permettent une série d'exercices mentaux qui peuvent amener l'individu à reconnaître, évaluer et critiquer les actes de communication avec lesquels il est en contact quotidiennement.

Dans certains contextes, l'alphabétisme est considéré comme une faculté tout ou rien (comme dans le contexte politique, où il est un indicateur de développement culturel et économique), c'est-à-dire que lorsqu'on arrive à développer une manipulation syntactiquement et grammaticalement correcte, tant en lecture qu'en écriture, des signes graphiques d'une langue, on passe de l'analphabétisme à l'alphabétisme. À ce niveau, on n'a pas encore exploré ni développé tout le potentiel du langage écrit, qui permettrait d'aller au-delà d'un simple commentaire ou d'une narration des événements de la vie quotidienne (qui, bien qu'ils passent par le langage écrit, feraient partie des deux étapes primaires du développement du langage que nous avons mentionnées). "Ce n'est qu'en écrivant qu'on lutte contre les mots et les sens pour atteindre la précision de ce que l'on cherche à communiquer". De cette façon, nous voulons introduire une réflexion sur l'importance de l'alphabétisme (lecture et écriture), son développement graduel et sa relation avec la vie sociale des individus, de façon à pouvoir évaluer et recommander une attention toute particulière à ce thème, si l'on envisage que les carrières universitaires en sciences du langage puissent déboucher sur un apport social, et si l'on propose des alternatives de recherche et d'action en éducation populaire.

Telle est l'orientation que nous avons donné aux ateliers, de telle façon que les muchach@s puissent explorer, expérimenter et exploiter leurs compétences communicatives. Précisons que le projet a évolué, et que nous avons expérimenté d'autres langages comme les langages corporel, musical, ludique et visuel. Nous avons également découvert des niveaux de compétence communicative dans ces langages, ce qui nous a amené des nouvelles questions et de nouvelles activités. Les thématiques, qui au début tournaient autour de thèmes choisis individuellement, sont à présent connectées avec la problématique locale. De ce point de vue, nous-mêmes, étudiants de l'Université Nationale, avons insisté sur l'étude et la réflexion sur la problématique globale comme outil de formation critique.

Nous ne nous étendrons pas sur les thèmes étudiés ni dans une explication de la dynamique des ateliers, et il est trop tôt à ce stade pour présenter des résultats finaux. Il faut néanmoins garder à l'esprit que les conditions économiques de développement du projet sont précaires et, même si l'organisation d'événements (fêtes et loteries) nous apporte quelques ressources, celles-ci ne sont pas suffisantes. Le principal frein à la croissance de notre groupe est le manque de direction artistique adaptée (si nous tenons compte de la formation académique des étudiants de 'lUniversités Nationale qui participent au projet) et des matériaux nécessaires. Il est important que d'autres étudiants s'impliquent dans les ateliers. Nous avons en projet des activités avec les adultes âgés et avec la communauté en général, par exemple un ciné-club qui projette des films à thématique sociale et humaniste, qui puissent générer conscience et union dans la communauté.

Finalement, nous voulons dire que Mochuelo Bajo est une terre fertile pour la coexistence pacifique et la construction d’une communauté, et que notre source d’idées est loin de se tarir. Tant les muchach@s que les étudiants de l’UN comprenons que jusqu'à présent nous n’avons fait qu’entrevoir un horizon, ce qui nous pousse à ramer lentement, à mesurer notre effort et à continuer.

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