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CONTRE LA BOURSE DU PROFIT, UNE
BOURSE DES IDÉES |
1] |
DE L'IMPERTINENCE DES
JOURNALISTES |
2] |
DÉCLARATION UNIVERSELLE DES DROITS
DE L'ÊTRE HUMAIN |
3] |
ÇA S'EST PASSÉ UN DIMANCHE… |
4] |
HUMILITÉ |
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CONTRE LA BOURSE DU PROFIT, UNE BOURSE
DES IDÉES |
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On a
assisté, en France, non à une victoire de l’extrême droite
mais à l’effondrement d’un système politique qui, sous couvert
de représenter les citoyens, ne représente plus que lui-même.
Plus soucieux de la gestion de leurs émoluments
et de leurs rivalités de pouvoir que du bien public, les
hommes politiques se sont coupés des réalités sociales et des
problèmes de l’existence quotidienne. La crise de la politique
spécialisée dans la gestion de la faillite sociale est le
reflet de la crise inhérente à une économie qui n’investit
plus dans la production des secteurs vitaux, ferme les usines,
démantèle les services publics et, se consacrant
principalement à la spéculation boursière, ne vise plus qu’à
arracher, au coup par coup, des profits à court terme.
Depuis des décennies, les électeurs sont
confrontés à une alternance où l’incompétence de gauche et
l’incompétence de droite se succèdent immuablement avec, à sa
traîne, la corruption, la surenchère démagogique, le
clientélisme, l’obédience aux multinationales. L’écœurement,
le ressentiment et la fascination masochiste que provoquent
tant de cynisme, de mépris, d’ignorance de la part de ceux qui
prétendent nous gouverner ne font pas seulement le lit de
l’extrême droite la plus bête d’Europe, ils risquent aussi
d’abêtir la foule qui élève, dans un désarroi émotionnel
similaire, les barricades de la raison et de l’humanisme
contre la barbarie raciste, xénophobe, concentrationnaire d’un
Père Ubu, parfaitement rompu aux manipulations
médiatiques.
Le « front uni » contre le populisme n’est pas
un programme, c’est une dérobade qui risque de se payer cher
si une nouvelle forme de gouvernement du bien public n’est pas
mise en place par une politique de proximité rencontrant les
préoccupations de chacun, dans son village ou son
quartier.
L’individu a toujours été au service de la
communauté, il est temps que la communauté soit au service de
l’individu. Il est temps qu’à l’aveuglement grégaire se
substitue la conscience individuelle. Le refus de la société
marchande implique la création d’une société vivante.
Nous n’écraserons les factions du profit et de
la mort qu’en créant partout les conditions d’une vie
meilleure. Considérant que l’imagination, la créativité, la
volonté d’améliorer la vie quotidienne et son environnement
font cruellement défaut aux forces les mieux disposées au
changement de société, nous souhaitons en appeler à
l’inspiration créatrice des hommes, des femmes, des enfants en
publiant et diffusant toutes recherches visant au seul progrès
qui nous intéresse : le progrès humain des comportements, des
mœurs, des sociétés.
Contre la Bourse du profit, c’est une bourse
des idées que nous voulons mettre en œuvre en collationnant un
ensemble de réflexions, de rapports d’expérience, de projets
d’amélioration de la vie quotidienne.
Une première liste de thèmes
|
- invention, mise en œuvre, modes d’emploi et
financement d’énergies.
- innovations thérapeutiques. Comment les soustraire
à la dictature du profit.
- développement et financement de l’agriculture
naturelle.
- comment garantir la sécurité des citoyens par le
refus de la prédation généralisée et contre
l’idéologie sécuritaire et le marché de la peur ;
comment créer des territoires libérés du fétichisme de
l’argent.
- projets de reconstruction environnementale, îlots
boisés, potagers publics, rues restituées aux
promeneurs et aux enfants et libérées de l’ennui et de
son agressivité, élimination des ghettos de riches et
de pauvres.
- fin de l’enseignement concentrationnaire : comment
exiger la multiplication de petites entités scolaires
avec des classes d’une douzaine d’élèves et des
accompagnateurs d’apprentissage plus nombreux, mieux
qualifiés et mieux payés.
- allocation de base accordée à tous les citoyens
dès l’âge de 18 ans.
- comment assurer le financement des secteurs
publics par une taxe imposée aux spéculations
boursières et aux revenus élevés.
- tribune des inventeurs.
- tribune de défense internationale de la femme et
de l’enfant.
- comment assurer la gratuité des transports
publics.
- dépassement de la démocratie parlementaire par la
démocratie directe telle qu’elle s’exercerait dans les
assemblées citoyennes et selon le principe
« l’humanité prime le nombre ». (De quelque
adhésion massive qu’ils se prévalent, nous refusons
les édits de la barbarie et des entreprises
mortifères. Il n’existe ni liberté, ni loi, ni droit
privé ou public, ni excuse, ni protection, ni réserve,
ni exception qui puisse susciter, autoriser,
justifier, tolérer un acte contraire à l’humanité,
qu’il soit le fait d’un gouvernement, d’un État, d’une
nation, d’une région, d’une ethnie, d’une tribu, d’une
collectivité, d’une famille, d’un groupe, d’un
individu. À chacun est dévolu le droit de le dénoncer
et d'intervenir avec les moyens dont il dispose et le
secours de la solidarité qu’il éveille, car il n’est
personne qui ne se trouve concerné par une barbarie,
soit-elle perpétrée aux dépens d’un seul).
- comment éviter dans les assemblées citoyennes les
pièges du corporatisme, du protectionnisme, du
régionalisme, de la bureaucratisation de type syndical
ou politique ; comment passer d’une position défensive
(contre des nuisances locales, par exemple) à la
création d’un nouveau tissu social.
- comment assurer la liaison constante entre des
projets locaux et le caractère global des problèmes
posés par le totalitarisme de l’économie
mondiale.
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1] |
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DE L’IMPERTINENCE DES
JOURNALISTES |
Quelle audace ! Incisifs, pugnaces,
combatifs, refusant les faux-fuyants, les réponses tronquées,
les échappatoires trop commodes, revenant sur le passé, les
affaires, les dérapages, les jeux de mots ignobles, les
journalistes nous ont donné, ces derniers jours, une image
revigorante du métier d’intervieweur, de cet irrespect qui
fait les bonnes questions, de cette impertinence qui oblige
aux réponses éclairantes.
Bravo ! Jean-Marie Le Pen n’a qu’à bien se tenir.
Mais pourquoi diable avoir attendu la douche froide du 21
avril pour rompre ainsi avec cette retenue, pour ne pas dire
cette complaisance, qui caractérisent si souvent les rapports
entre le monde de la presse et celui de la politique ?
Pourquoi ne pas avoir usé de cet esprit frondeur, dérangeant,
de ce mordant face à un Jacques Chirac, à ses revirements, à
ses promesses non tenues, à ses égarements, à ses
indélicatesses ?
Comme s’il s’agissait de se faire pardonner on ne sait
quelles "fautes" : le suivisme à l’égard des sondages, le
traitement sensationnaliste de l’insécurité… Comme si, pour se
rattraper, on en rajoutait, au point de confondre parfois le
devoir d’informer et le besoin de se justifier. Comme si l’on
devait se résoudre à répondre aux simplismes ravageurs du
Front national par des arguments qui relèvent au mieux de la
propagande électorale ou du marketing politique - le "nouveau"
Chirac - , au pire d’un racisme à rebours : ce "facho" de
"grand blond".
On en fait trop, au mépris des règles d’équité dont doit
bénéficier tout candidat, quel qu’il soit. Que si peu de
commentateurs aient relevé ce qu’il y a de choquant dans le
refus de Jacques Chirac de débattre avec le leader de
l’extrême droite est, de ce point de vue, éclairant et
instructif. Comment ne pas souligner la mauvaise foi, la
tromperie, qui consistent à tenter de nous faire croire que le
refus de tout compromis avec le Front national doit conduire
nécessairement au refus de tout débat ? Beau tour de
passe-passe ! Comme si l’on ne devait débattre qu’entre gens
bien élevés… C’est vrai qu’il est assez commode de choisir ses
adversaires. Pratique mais guère démocratique.
Discutable du simple point de vue du respect des électeurs,
ce refus est, de plus, politiquement stupide : c’est justement
cette impression d’un traitement inégal de la part des médias,
selon que l’on appartient ou non à la classe dirigeante, qui
alimente notamment le vote protestataire. Laissons aux
professionnels de l’antifascisme les imbécillités du genre
"pas de liberté pour les ennemis de la liberté" qui
redeviennent de mode sur le pavé parisien et répétons qu’il
n’y a pas de petits arrangements avec les principes, fût-ce au
nom des meilleures causes.
Alors que le Front national renoue avec la violence faite à
la presse - une équipe de Canal + a été malmenée lors
d’une conférence de presse au siège de ce parti à Saint-Cloud
comme l’ont été une quinzaine de journalistes ces dernières
années, parfois plus violemment encore -, il serait judicieux
que les journalistes évitent le piège tendu en permanence par
ce spécialiste des médias qu’est le chef de file de l’extrême
droite. Pour y échapper, qu’ils n’offrent pas d’eux-mêmes une
image arrogante, qu’ils n’adoptent pas un comportement qui
confond trop souvent un nécessaire travail d’explication sur
le Front national, son histoire, son programme, les hommes qui
l’animent - ce que l’on a pu lire depuis quelques jours dans
les colonnes de nos meilleurs titres - et une agressivité, un
militantisme de la 25e heure qui ne peuvent
qu’alimenter encore le sentiment d’abandon, de mépris qui
nourrit les scores de Jean-Marie Le Pen.
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2] |
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DÉCLARATION UNIVERSELLE DES DROITS
DE L’ÊTRE HUMAIN |
- Tout homme a le droit de devenir un être
humain
et d’être traité comme tel.
- Tout être humain a droit à
l’indépendance. Considérant que le temps des maîtres et
des esclaves est désormais révolu, nous tenons pour une
prérogative irrévocable que nul ne soit plus jamais astreint
à obtempérer à un ordre ; à s’agenouiller devant une
autorité, quelle qu’elle soit, sociale, politique,
idéologique, religieuse, économique, scientifique,
artistique ; à courber la tête en face d’un prétendu
supérieur ; à manifester des marques de respect ; à
s’inféoder à une personne ou à un système.
- Tout être humain a droit au savoir.
Chacun a le droit d’être instruit gratuitement, sans
distinction de sexe, d’âge, de capacité individuelle, de
spécificité géographique, en l’ensemble des connaissances
anciennes et nouvelles, pratiques et théoriques, concrètes
et spéculatives, littéraires, artistiques, scientifiques et
technologiques.
- Tout être humain a droit au bonheur.
Le bonheur de l’individu doit être la base et le but de
toute organisation sociale.
- Tout être humain a droit à la libre
disposition de son temps. Le temps imparti à l’existence
s’étant trouvé réglé, refoulé et aliéné, jusqu’à ce jour,
par le temps dû au travail, nous sommes en droit de le
reconquérir, afin de le restituer aux sollicitations d’une
vie à laquelle il a été abusivement arraché.
- Tout être humain a droit de se déplacer
où et comme il l’entend. Nul ne peut être contrarié dans
la libre disposition de soi. Chacun a donc le loisir de se
déplacer comme il l’entend en vertu d’un droit de nomadisme
que ni frontières, ni contrôles, ni entraves d’aucune sorte
ne sauraient limiter.
- Tout être humain a droit à la gratuité
des biens utiles à la vie, à la gratuité des modes de
transports mis en place par et pour la collectivité, à la
libre disposition d’un logement accordé à ses désirs.
- Tout être humain a droit à une
nourriture saine et naturelle. Nul n’a à payer par
quelque servilité, redevance ou obligation, le droit de
satisfaire le besoin de se nourrir. Par besoin, il faut
entendre non seulement l’apport des éléments nutritifs
nécessaires à la santé du corps mais aussi la qualité et la
variété des produits cultivés selon ce que la nature offre
de meilleur et le génie humain de plus inventif.
- Tout être humain a droit à la santé.
Le droit à la santé n’est qu’une conséquence du droit au
bonheur.
- Tout être humain a le droit de jouir
gratuitement des ressources et des énergies naturelles.
- Tout être humain a le droit d’exercer un
contrôle permanent sur l’expérimentation scientifique
afin de s’assurer qu’elle sert l’humain et non la
marchandise.
- Tout être humain a le droit d’être
lui-même et de cultiver la conscience de sa singularité.
La différence entre les individus tient à la diversité des
modes de vie qu’ils choisissent. Elle ne peut se confondre
avec les classifications auxquelles les civilisations
marchandes recourent pour ranger leurs sociétaires selon les
hiérarchies prescrites par le système d’exploitation : degré
de pouvoir et de richesse, couleur de peau, âge, sexe,
caractère, origine géographique, état social, idéologie,
religion culture, lignage familial, état de santé.
- Tous les êtres humains ont le droit de
se grouper par affinité et de substituer aux
gouvernements étatiques une fédération mondiale de petites
collectivités locales où la qualité des individus garantit
l’humanité des sociétés. L’inhumanité ne se discute pas,
elle se refuse. Aucune majorité n’a pouvoir d’imposer les
décrets de la barbarie. Le choix humain d’un seul a plus de
poids que l’inhumaine décision de beaucoup. La qualité de
vie abroge la dictature du nombre et du quantitatif.
- Tout être humain a le droit de
construire sa propre destinée.
- Tout être humain a le droit de créer et
se créer. Créer est le propre de l’homme. l’exercice de
la création est la seule activité qui soit à hauteur de nous
dispenser de travail et de révoquer la servile habitude de
quémander aide et assistance, si longtemps instillée par
l’exploitation de l’homme par l’homme.
- Tout être humain possède le droit de
s’ingérer et d’intervenir partout où le progrès de l’humain
est menacé. Il n’existe ni liberté, ni loi, ni droit
privé ou public, ni excuse, ni protection, ni réserve, ni
exception qui puisse susciter, autoriser, justifier, tolérer
un acte contraire à l’humanité, qu’il soit le fait d’un
gouvernement, d’un état, d’une nation, d’une région, d’une
ethnie, d’une tribu, d’une collectivité, d’une famille, d’un
groupe, d’un individu. A chacun est dévolu le droit de le
dénoncer et d’intervenir avec les moyens dont il dispose et
le secours de la solidarité qu’il éveille, car il n’est
personne qui ne se trouve concerné par une seule barbarie,
soit-elle perpétrée aux dépens d’un seul.
- Tout être humain a le droit d’améliorer
son environnement afin d’y vivre mieux.
- Tout être humain a droit aux égards dus
à sa sensibilité. Nul n’a à subir le mépris, la menace,
la culpabilisation, le reproche, le jugement. Personne ne
doit tolérer d’être opprimé, brimé, bafoué, harcelé,
commandé, gouverné, insulté, méprisé, traité avec morgue ou
condescendance. Chacun est en droit d’en appeler à la
solidarité sociale pour mettre fin aux agissements des gens
de pouvoir et aux conditions qui leur confèrent une
quelconque autorité.
- Tout être humain a droit à une vie et
une mort naturelles. Nous voulons associer
impérativement à la création d’un style de vie le souci
thérapeutique de repousser l’échéance de la mort jusqu’aux
frontières que la nature lui assigne.
- Tout être humain a droit à la
paresse. Le privilège de la paresse affinée, c’est
d’empêcher la paresse du désir.
- Tout être humain a droit à l’effort et à
la persévérance.
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3a]
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ÇA S’EST PASSÉ UN DIMANCHE… |
Ce n’est pas pareil, ce n’est pas le
fascisme.
Non, c’est le Canada Dry du fascisme. Pourtant,
l’impensable est advenu et se présente sous les traits
goguenards d’un bonimenteur de café du Commerce - on dirait de
"brasserie" si nous parlions allemand.
Ce n’est pas pareil. On vous dit que ce n’est pas
pareil. Et puis l’histoire ne recommence jamais
de la même manière. D’ailleurs, les circonstances ne sont pas
semblables : il n’y a pas de chômage ni d’incivilités… et
la France est beaucoup trop fine pour se laisser avoir par un
discours "populiste" du genre enjôleur, vulgaire et menteur.
Seuls les chômeurs et les "sans grade" ont voté pour lui à
30%.
Ce n’est pas pareil…
Et pourtant, à lire les derniers discours, on reconnaît une
musique déjà entendue, des mots déjà lus dans des livres d’une
histoire qu’on n’enseigne déjà plus. Ce sont les mêmes
manières rassurantes pour passer de rien à la majorité au
Parlement. La même façon de dire qu’on vient du peuple,
qu’on parle au nom du peuple, qu’on exprime la volonté du
peuple. C’est la même mécanique de la progression avec les
mêmes acteurs : les sociaux-démocrates, les communistes, le
centre et la droite…
Et les autres, rigolards.
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3b]
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RESUMÉ D’UNE PAGE DE MANUEL D’HISTOIRE
CONSACRÉE AU 20e SIÈCLE |
En 1928, en Allemagne, après avoir
raté cinq ans plus tôt un putsch minable, un SDF marginal de
Bavière, né en Autriche en 1889, fait 2,6% aux élections
législatives. La classe politique considère les partisans du
marginal comme des clowns.
Après le putsch, le gouvernement allemand a mis le marginal
en prison et songé à lui faire subir un traitement
psychiatrique. Ce marginal, qui se prétend artiste, s’adonne à
l’aquarelle et remplit plusieurs cahiers d’écolier de sa prose
confuse et obsessionnelle (éditée, ce sera Mon
Combat).
A ces élections de 1928, le social-démocrate Streseman a
été renversé par une majorité plutôt conservatrice. Le
maréchal Hindenburg, vieux soldat de l’Empire détruit par la
défaite de 1918, est président de la République. La campagne a
porté sur deux thèmes : l’insécurité et le chômage (dont les
causes sont attribuées aux influences étrangères).
En 1930, nouvelles élections. Le petit
parti du taré de Bavière approche des 20% et rentre au
Parlement avec 107 députés. Mais personne ne s’en effraie : il
faut avant tout respecter la démocratie. La droite est
heureuse de s’appuyer sur un bon report de voix.
En 1932, à l'élection présidentielle par
suffrage indirect, le raté (le "caporal de Bohême", comme
l’appelait Hindenburg) arrive en deuxième position. Au second
tour, Hindenburg gagne avec 53% des voix. Par esprit de
classe, les communistes allemands ont maintenu leur candidat,
Thaelmann, mais ont perdu 1,2 million de suffrages entre les
deux tours. Le monde entier respire… et s’habitue à l’air
modeste et à l’imparfait du subjonctif remarquablement manié
par le marginal aux courtes moustaches et à la mèche
rebelle.
Aux législatives qui suivent, malgré une forte abstention
(34%), le parti du marginal Hitler frôle la majorité et le
maréchal Hindenburg appelle le "caporal de Bohême" à la
chancellerie du Reich.
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3c]
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PÉDAGOGIE A L’USAGE DES PETITS
LAPINS |
Janvier 1933 : Hitler devient chancelier du
Reich
Un mois plus tard
5 mars 1933 : Elections législatives.
Les nazis obtiennent 44% des voix soit, en nombre:
17 217 180 bulletins (5 500 000 suffrages
supplémentaires).
Les socio-démocrates se maintiennent avec 7 100 000 voix.
Les communistes en perdent un million et se retrouvent à 4 800
000. Les Catholiques bavarois et le Parti du Centre ont
respectivement 5 500 000 et 4 500 000. Les
nationalistes (on dirait aujourd’hui les souverainistes) ne
progressent que de 200 000 voix et totalisent
3 160 000 voix (soit 8% des suffrages). Ce sont
eux qui vont faire la décision. Leurs 52 députés
rejoignent les 288 nazis et donnent ainsi la majorité (16
voix) à la coalition conduite par Hitler…
Cependant, celui-ci ne veut pas sortir de la "légalité" :
il imagine de faire voter un "décret d’habilitation" lui
donnant le pouvoir total pour "quatre ans" et mettant le
nouveau Parlement "en vacance". Pour ce, il lui est nécessaire
d’obtenir une majorité des deux tiers. Il l’obtient en faisant
arrêter les 81 députés communistes (suspectés de complicité
dans l’incendie du Reichstag - 27 février 1933) et en
interdisant l’entrée de la salle provisoire (opéra Kroll) à
certains députés socio-démocrates. Seul, le socialiste Otto
Wells peut se dresser contre Hitler :
" Nous… faisons le vœu solennel de défendre les principes
d’humanité et de justice, de la liberté et du socialisme.
Aucun acte d’habilitation ne peut vous donner le pouvoir de
détruire des idées qui sont éternelles et
indestructibles."
Hitler trépigne de rage :
" L’étoile de l’Allemagne se lève et la vôtre se couche.
Le glas de votre mort a sonné. Je ne veux pas de vos voix.
L’Allemagne sera libre, mais sans vous !"
L’acte d’habilitation de Hitler est acquis par 441 voix
contre 84 voix des socio-démocrates encore libres. La droite
"souverainiste" et le centre se sont
couchés.
… et après
Les communistes ont été anéantis. Ceux qui n’ont pas
été assassinés dans des conditions horribles sont conduits
dans l’un des premiers camps de concentration ouverts sur les
landes de Luneburg (nord-ouest de l’Allemagne) ou à
Sachsenhausen - ou encore sur des pontons (vieux rafiots) en
mer Baltique.
Les socialistes vont bientôt les rejoindre (tout ça en
mai-juin 1933) après avoir cru qu’ils pourraient composer avec
les nazis. Ils ont cessé de voter contre ce que Hitler leur
fait avaler. Ils proposent des compromis. Hitler les injurie.
La police saisit leurs journaux et confisque leurs biens. Le
parti social-démocrate est dissous car "subversif et hostile à
l’Etat".
Quand les militants et dirigeants socio-démocrates arrivent
à leur tour dans les camps, les gardiens (qui sont aussi la
première version des SS) les rouent de coups et les livrent…
aux détenus communistes en excitant les excités (la vieille
haine stalinienne contre les "sociaux-traîtres" joue à
plein).
C’est à cette époque-là qu’est composé le Chant des Marais
sur un vieil air populaire allemand.
… et après
1er mai 1933 : Recevant les délégués ouvriers
rassemblés à Berlin-Tempelhof pour la "Journée du Travail
national", Hitler dit :
" Vous verrez combien est inique et injuste l’affirmation
selon laquelle la révolution est dirigée contre les
travailleurs allemands. Tout au contraire (…) Honneur au
travail et respect aux travailleurs ! "
Un peu plus tard, le Dr Ley (à qui Hitler a confié la
direction du Front du Travail) :
" Travailleurs! Vos institutions sont sacrées pour nous
autres nationaux-socialistes. Je suis moi-même le fils d’un
pauvre paysan et je comprends la pauvreté… je sais comment
le capitalisme anonyme vous exploite. Travailleurs! je
vous le jure, non seulement nous maintiendrons tout ce qui
existe, mais nous étendrons encore la protection et les
droits des travailleurs. "
Trois semaines plus tard… la grève devient illégale et les
conventions collectives sont supprimées. Seul le patron a le
droit désormais de décider. Les syndicats sont supprimés
(leurs dirigeants assassinés ou emprisonnés).
… et après
Discours du 6 juillet 1933 : Hitler parle en ces termes
aux gouverneurs des Etats allemands (depuis peu choisis parmi
les nazis) :
" Le flux de la révolution (nationale-socialiste) doit
être guidé dans le canal sans danger de l’évolution. Nous ne
devons pas congédier un homme d’affaires s’il est un bon
homme d’affaires, même s’il n’est pas encore un
national-socialiste, et surtout pas si le
national-socialiste qui doit prendre sa place ne connaît
rien aux affaires. (…) Les points de notre programme ne nous
obligent pas à nous conduire comme des imbéciles et à tout
bouleverser mais à réaliser soigneusement et prudemment nos
projets. A la longue, notre pouvoir politique sera d’autant
plus sûr que nous aurons mieux réussi à lui donner un
soutien économique. "
… et avant
Citation de William Shirer extraite de Le
IIIe Reich (Stock, 1967), page 263.
" Le soir du 10 mai 1933, environ quatre mois et demi
après que Hitler fut devenu Chancelier, une scène se déroula
à Berlin comme on n’en avait pas vu dans le monde occidental
depuis le Moyen Age. Vers minuit, une retraite aux flambeaux
dans laquelle défilaient des milliers d’étudiants vint
s’arrêter sur une place de Unter den Linden, en face de
l’Université de Berlin. A l’aide des torches, le feu fut mis
à un énorme tas de livres rassemblés là et, quand les
flammes montèrent, d’autres livres furent jetés dans le
brasier, et finalement quelque vingt mille volumes furent
brûlés. L’incendie des livres avait commencé.
" Parmi ces livres jetés dans les flammes à Berlin ce
soir-là par de joyeux étudiants, sous l’œil approbateur du
Dr Goebbels, il y en avait qui avaient pour auteurs des
écrivains de réputation mondiale. Parmi les écrivains
allemands, il y avait Thomas et Heinrich Mann, Léon
Feuchtwanger, Jakob Wassermann, Arnold et Stefan Zweig,
Erich Maria Remarque, Walther Rathenau, Albert Einstein,
Alfred Kerr et Hugo Preuss - ce dernier étant le lettré qui
avait rédigé la Constitution de la République de Weimar.
Mais on ne brûla pas seulement des ouvrages de douzaines
d’écrivains allemands. Bon nombre d’auteurs étrangers
étaient, eux aussi, compris dans la liste : Jack London,
Upton Sinclair, Margaret Sanger, H.G. Wells, Havelock Ellis,
Arthur Schnitzler, Freud, Gide, Zola, Proust. Suivant les
termes d’une déclaration d’étudiants, était condamné à être
détruit par les flammes tout livre qui a une action
subversive sur notre avenir ou porte atteinte aux racines de
la pensée allemande, du foyer allemand, et des forces
motrices de notre peuple. "
… on peut aussi méditer ceci :
" L’âme du peuple allemand peut de nouveau s’exprimer.
Ces flammes n’illuminent pas seulement la fin définitive
d’une ère ; elles éclairent aussi l’ère nouvelle. "
Discours du Dr Goebbels, ce même soir, à ces mêmes
étudiants.
(à suivre, car à chaque jour suffit son
cauchemar)
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4]
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HUMILITÉ |
Si l'on parvient à casser la sombre canaille Le Pen dans
les urnes, nous ne serons qu'au début d'une longue marche. Et
un début ne commence pas par des incantations. Des certitudes
lancées aux masses ignorantes et coupables. Des concepts de
cristal jetés comme des miettes d'intelligence à ce "salaud de
peuple".
Commençons par le B A BA et quelques exercices d'humilité.
D'écoute. De réapprentissage de la démocratie et de la
république. Marcel Gauchet a raison : nous apprenons en
ce moment à vivre la démocratie vraie. Dure . Pas celle bien
verrouillée par les certitudes de progrès et de science
d'avant-hier. Non, une démocratie dépouillée des
transcendances. Des disciplines de parti, de croyances,
d'obeissance, et d'idéologie. Une démocratie nue. Et c'est
difficile. Nous avons souhaité une société ou l'individu soit
au centre, le réseau en travers et la politique sur les
marges. Très bien. Ça a du bon mais ça a aussi un prix. Celui
de la désarticulation des unités et des évidences partagées,
de la fragmentation du Droit, de l'explosion des petites
maisons d'intolérance, religieuses, sociales, corporatives, où
nous nous trouvons au chaud ou au froid. Le plus souvent au
tiède. Reste à trouver de la colle pour que la tour de Babel
tienne debout. Pour que le mille-feuille soit digeste. Pour
que la pièce montée implique les uns et les autres : la
crème fouettée des élites, le caramel des sous-officiers et la
farine des faubourgs.
Ce qui est en cause, ce n'est pas le capitalisme en soi, la
flexibilité en soi, l'État providence en soi, l'individualisme
en soi, la précarité en soi, c'est d'abord le processus de
relégation dans lequel nous plongeons les micro-réseaux qui ne
font plus société. Sans diplôme, un individu est aujourd'hui
cantonné au même sous-statut social toute sa vie sauf miracle.
Sans revenu suffisant, un petit proprio qui a épargné toute sa
vie n'a pas les moyens de s'extraire d'un territoire où règne
l'insécurité sociale et physique. A l'autre bout de la chaîne,
l'élite est reléguée dans une sphère confortable. En
stabulation.
Cette castisation des statuts a contribué à faire infuser
les contentieux, les peurs, les craintes et les muettes
tragédies sans que jamais elles ne trouvent vraiment de
relais. Le vote Le Pen, c'est aussi ça. Ce thermomètre de
notre cécité à tous. Il est frappant d'observer dans les
témoignages ces drames recuits, ces sentiments d'abandon, de
trahison qui n'expriment rien d'autre qu'une demande d'écoute
déçue depuis des décennies. Le tout mis bout à bout fait
poudrière car toutes ces exigences sont contradictoires. Or
l'État providence, contrairement à ce que pense la gauche, ne
peut plus les satisfaire comme le ferait un grand Léviathan
rêvé en 1848. La droite, puis les socialistes, et derrière eux
la techno structure, ont passé leur temps à diviser pour
régner. A mouliner de la tactique sociale sans stratégie
d'émancipation. Et puis peu à peu, ce devenait inutile. Jospin
a repris le pays en main en vantant un Etat volontariste au
pire de la crise avec les emplois jeunes et les 35 heures.
Fort bien. C'était nécessaire. Sauf que ce tout-Etat n'a cessé
de décevoir par la suite ses obligés en croyant les
combler : les profs pourtant aidés se sentent abandonnés,
les jeunes qui ont voté ont voté d'abord Le Pen…
Nous ne sommes même plus dans une société de classes, mais
quasiment dans une société d'Ancien Régime où les
corporations, les ordres, les privilégiés, petits et grands,
stérilisent la représentation en en confisquant les strates.
En l'immobilisant. Dans des bunkers où tout un chacun trouve
des petites satisfactions et une infinie inquiétude.
Les petites frappes philosophantes qui ne voient que
complot dans "l'idéologie sécuritaire" de la droite française
ou de la gauche anglaise sont sympathiques s'ils pensent à la
préservation des libertés civiles. Mais ils sont
irresponsables s'ils ne comprennent pas que c'est sur cette
panique, réelle ou présumée, que la petite classe moyenne, la
moyenne moyenne et le peuple des employés peuvent aujourd'hui
échanger un peu. Dialoguer un peu.. Elaborer un peu.. Laisser
ce bâton de merde à la droite ou à Le Pen ou à des tribus
néolithiques gauchistes, est suicidaire. Il faut le prendre à
pleines mains.
Car l'insécurité de nos contemporains les plus exposés est
aujourd'hui dans les têtes et dans le ventre.. Insécurité du
trajet au boulot ou vers chez soi, insécurité du revenu, du
statut, de la solidarité, de la retraite, pour les enfants,
les parents et pire encore insécurité d'un monde traumatisé
par le 11 septembre. Réduire le périmètre de l'Etat providence
qui n'en peut mais sans le dire vraiment et sans promouvoir de
nouveaux continents d'autonomie, ne donner comme perspective
que l'auto-responsabilité de soi-même amène à une insécurité
de l'intime comme l'a fort bien montré Alain Erhenberg.
Aujourd'hui, on transfert vers les psys la douleur de
l'individu souverain et bunkerisé. On le laisse, dans la
réorganisation du travail, se débrouiller avec
l'auto-performance. Avec lui-même. C'est dégueulasse.
Sécuriser les trajets professionnels, flexibles ou non,
comme le met en avant un de nos très grands juristes Alain
Supiot, ignoré par les clercs en cours, faire tomber les
lignes Maginot des métiers qui refoulent les candidats non
estampillés, redonner de la 2e chance, valider les
acquis, faire de la revendication entrepreneuriale une
exigence démocratique, élargir les autonomies du tiers secteur
sans les vassaliser aux collectivités publiques, sont parmi
les premières idées qui viennent en tête. De vieilles idées
déjà. Mais ce ne sont là que pistes sur le front du travail.
Reste à trouver les instances pertinentes de délibération pour
repenser le "Faire France". Par le local ? Le
national ? L'Europe ? Le professionnel ? Peu
importe, il faut de ce point de vue aller vers une
Constituante. Pas pour opter entre régime parlementaire ou
présidentiel mais pour refonder les corps intermédiaires qui
ne soient pas des corporations d'ancien régime. Mais des
mixers à intérêt général. On disait des générations de l'Urss
des années trente et cinquante qu'elles avaient laissé à leurs
fils et petits-fils une ruine et des dettes. Qu'elles avaient
failli. La génération soixiante-huit a fait tout de même
mieux. Mais elle laisse en 2002 à ses enfants un pays où 20%
et plus sont des électeurs de Le Pen. C'est à pleurer. Cette
génération qui a beaucoup desserré les mailles de la
démocratie d'autorité et réamorcé l'invention sociale s'est
racornie dans ses certitudes. S'est persuadée qu'elle avait le
monopole de la réforme. Elle doit passer la main. Ou donner un
coup de main qui soit autre chose qu'un geste bienveillant.
Que le don de quelques boucliers du temps jadis.
No Passaran, franchement, c'est court.
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[ la suite au prochain numéro ] |
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