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Les sales guerres de la coca Courrier International n° 605 - 6-12 juin 2002 |
DE BOGOTA
Pourquoi le modèle criminel colombien s’est-il
déplacé à Madrid ?
GENERAL ROSSO JOSE SERRANO L’Europe était auparavant un pays consommateur
d’héroïne en provenance d’Asie. Mais, depuis
trois ans, la cocaïne colombienne est détournée
là-bas à cause de l’influence de la mafia
russe. Résultat : l’Europe détient aujourd’hui
la seconde place dans le monde en matière
de consommation de cocaïne après les Etats-Unis.
L’Espagne dispose de plusieurs ports stratégiques
qui favorisent l’entrée de la drogue en Europe.
Et, avec la recrudescence de la violence
en Colombie, de nombreux délinquants choisissent
de partir pour des pays de langue espagnole
où les associations de malfaiteurs latinos
sont très puissantes.
Comment freiner cette immigration criminelle ?
La Police espagnole a fait de grands progrès en ce domaine. En 1996 et 1998, grâce à un travail commun, nous avons saisi d’importantes quantités de drogue. Le problème c’est que l’Europe ne dispose pas des mêmes dispositifs de surveillance ni des mêmes mesures préventives que la Colombie.
Mais pour l’instant les drogues ne vont pas disparaître et le marché ne va pas être légalisé. Que faut-il faire ?
Le problème majeur, c’est l’absence de solidarité internationale. Pour l’instant, seuls les pays consommateurs commencent à reconnaître une certaine part de responsabilité. Pour freiner un peu le phénomène, il faut, en plus des contrôles sur le blanchiment d’argent et sur la consommation, restreindre la vente des composés chimiques en provenance d’Europe, du Brésil et du Mexique. Sans composés chimiques, pas d’héroïne, ni de cocaïne. Et au lieu d’une éventuelle légalisation, il faudrait mieux s’attaquer aux puissants et non aux faibles. Mais c’est un autre problème. Aux Pays-Bas, par exemple, les “coffee-shops” ont fait augmenter la consommation au lieu de la réduire comme on l’avait prétendu.
A combien estimez-vous l’argent gagné par la guérilla des FARC qui règne aujourd’hui sur la drogue en Colombie ?
Lors de ces trois années de processus de paix, les FARC ont gagné deux milliards de dollars net sans compter les sommes perçues grâce au racket et aux enlèvements. Ils ne payent ni impôts, ni rien. Ils échangent la cocaïne contre des armes.
Quels sont les pays grands consommateurs en Europe ?
Le Royaume-Uni, l’Espagne, la Belgique et l’Allemagne.
Pensez-vous que les nouvelles drogues vont remplacer un jour la cocaïne, l’héroïne et la marijuana ?
Dans le futur, la compétition entre les drogues naturelles et les drogues de synthèse va être féroce. Les producteurs de drogues de synthèse vont essayer de convaincre le consommateur des avantages de leurs drogues sur les naturelles. C’est un commerce apparemment sans fin.
Peut-on dire que le processus de paix en Colombie [1998-2002] a favorisé le trafic de drogue ?
Le trafic de drogue s’est développé pendant le processus de paix. Les années 80 étaient les années mafieuses. Le “capo” Pablo Escobar voulait figurer sur la liste Forbes des milliardaires et rivaliser avec Al Capone. Mais ces narcotrafiquants ne faisaient pas le poids et ont fini par tomber. En revanche, la guérilla est habile. Elle nous a fait croire à un faux processus de paix parce qu’elle savait que le trafic de drogue lui permettrait de se renforcer. Les FARC ne feront jamais de propositions de paix parce qu’elles se sont habituées à vivre comme des narcotrafiquants. Une guérilla qui boit du whisky et possède l’air conditionné dans la forêt est une guérilla sans idéal. J’ai du mal à imaginer Lénine ou Staline avec un sac de coca sur les épaules. Ils doivent se retourner dans leur tombe s’ils voient ces nouveaux représentants du communisme.
Si le processus de paix a favorisé le trafic de drogue, est-ce à cause de la zone de “détente”, ce territoire cédé aux FARC en 1998 pour reprendre le dialogue interrompu en février ?
La zone de “détente” a eu des bons côtés. Nous avons découvert qui étaient vraiment les FARC. Nous avons découvert que les guérilleros étaient des narcotrafiquants, chose qu’il avait été impossible de prouver auparavant, et nous avons réussi à susciter l’intérêt de la communauté internationale.
Le trafic de drogue est donc le principal obstacle au rétablissement de la paix ?
Nous aurons beau faire la paix le lundi, le mardi d’autres groupes se formeront pour défendre le trafic de drogue. Pas pour défendre des idées. Il ne faut pas se tromper de combat. Les gens pensent que le problème est idéologique. Non. Le problème de la Colombie est avant tout celui du trafic de drogue.
Propos recueillis par Alejandra De Vengoechea
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