ASPECTS ECONOMIQUES ET SOCIO-POLITIQUES
DU TRAFIC DE STUPEFIANTS
(Août 2000).
Guillaume
Fournier
SOMMAIRE
1.1. Marché mondial des stupéfiants,
évolutions et tendances
1.1.1. Croissance et concurrence
1.1.2. Cycles de vie
1.1.3. Le marché de consommation
dans les pays du Sud
1.1.4. Comportement des
consommateurs
1.1.5. Concentration des acteurs
1.2. Contexte économique des zones de
trafic
1.2.1. Localisation des marges
1.2.2. Réciprocité des termes de
l’échange avec les pays du Nord
1.2.3. Dette extérieure et
développement des activités informelles
1.2.4. La maladie hollandaise
1.3.1. Recyclage des capitaux
1.3.2. La Colombie
1.3.3. Le Myanmar
2. Enjeux politiques
et modèle de civilisation, une étude de cas: la Bolivie
2.1. Rapport de la drogue aux cultures
locales
2.2. L’État, entre
complaisance et faiblesse
2.3. Poids d’une hégémonie
extérieure
2
A- Bolivie: Statistiques délivrées par le Département d’État
des
États-Unis
On
n'imaginerait pas les représentants des pays musulmans exiger l’arrachage de la
vigne en Gironde ou en Californie, puis devant la résistance des populations
sidérées que ne manquerait pas de provoquer une telle intrusion dans leurs
habitudes agricoles, économiques, alimentaires et culturelles, ces États
envoyer des troupes terrestres et aéroportées pour se livrer à des épandages de
défoliant, destructions des installations, arrestations des personnels et
dirigeants des entreprises de production et de distribution. Cette situation
inimaginable dans nos contrées est pourtant celle qui a lieu en Amérique andine
pour la filière de la coca. En revanche, beaucoup d’Occidentaux avaient été
choqués que la consommation d’alcool soit interdite à leurs troupes stationnées
en Arabie saoudite pendant la Guerre du Golfe. Voilà en forçant quelque peu le
trait, la drogue envisagée sous un jour relativement inédit, celui du rapport
de force civilisationnel.
Ce point de
vue posé nous amène inévitablement à envisager ce qu’est une drogue. Est-ce un
produit qui modifie l’état de conscience, qui entraîne une dépendance
psychologique ou physique, qui a des conséquences nuisibles pour la
santé ? Réunit-il toutes ces caractéristiques ou seulement certaines
d’entre elles ? La réponse n’est pas simple et les pharmacologues
eux-mêmes s’y perdent. Que l’on songe au tabac qui entraîne une forte
dépendance physique mais ne modifie pas l’état de conscience, à l’alcool qui
modifie la perception de l’environnement jusqu’à la perte de conscience mais
n’entraîne de dépendance que chez certains sujets prédisposés. Que dire du
contexte social dans lequel évoluent les sujets qui, outre les dispositions
génétiques, joue un rôle considérable dans la gestion des toxiques ? Que
dire également du chocolat qui apaise ceux qu’il possède sous l’emprise de son
charme et dont les adeptes transportent toujours une tablette avec eux ?
N’oublions pas la médecine qui donna aux hommes l’héroïne comme un remède
effectivement très efficace contre la toux mais également la morphine qui
soulage les douleurs les plus insupportables. Y a-t-il des drogues dures au
premier rang desquelles les opiacés et des drogues douces comme le cannabis ou
le kat ? Le thé et le café sont des excitants certains et procurent une
dépendance mais sont-ils des drogues ? Les aliments nous donnent un
plaisir évident mais la richesse des régimes devient un important problème de
santé publique dans les pays développés. Ils ne sont certainement pas des
drogues et pourtant, les amateurs de bonne chair reconnaissent aux mets fins
des vertus apaisantes. Drogues de riches, drogues de pauvres, drogues du Nord,
drogues du Sud, drogues de plaisir, drogues de besoin, drogues socialement
intégrées, drogues allogènes, drogues prohibées et drogues subventionnées…
L’étendue est telle que l’on recense aujourd’hui plusieurs centaines de substances,
dont certaines parfaitement courantes, qui peuvent répondre à une définition
large des drogues.
Louis Lewin
dans son avant-propos à Phantastica, commençait par ces mots :
« Les aliments exceptés, il n’est de substances qui n’aient été aussi
intimement associées à la vie des peuples, dans tous les pays et dans tous les
temps ». Le pharmacologue berlinois qui s’était mis en tête de rédiger un
précis sur les différents psychotropes connus en 1924 avait fini par se prendre
au jeu et rédiger une histoire des drogues. Tantôt anthropologique, parfois
médical, Phantastica parcourt le monde, des fumeries d’opium du Chinatown
de San Francisco de la fin du XIXe siècle aux plateaux andins où
l’on mesure le temps et la distance en cocadas. Partout où il rencontre
des hommes, il rencontre les drogues que ces derniers instrumentalisent dans la
quête insatiable qu’ils mènent pour échapper à la condition humaine, celle de
la conscience du destin fatal vers lequel les emmène inéluctablement la vie.
Calmer les peurs, effacer les angoisses, échapper à la rudesse des conditions
de vie, soulager les douleurs, communiquer avec les dieux, sacrifier à leurs
rites, tromper l’ennui, quel homme, même au faîte de sa vanité, peut prétendre
pouvoir se passer des drogues ? Elles sont partout, de toutes les
civilisations, du pavot des pharaons à l’ecstasy des ravers, de tous les milieux, de la colle
du mendiant à la cocaïne du ministre, de tous les âges, du joint de
l’adolescent au somnifère de son grand-père.
La réponse
à la question de la définition de la drogue est en dernier recours donnée par
les lois : est drogue le produit dont les pouvoirs publics m’interdisent
la consommation, pour mon propre bien. Mais le concept est récent et n’inclut
pas les produits dont l’usage s’était répandu avant le XIXe siècle.
L’homme de la rue, tirant sur sa cigarette devant une bière à la terrasse d’un
café ne se considère à coup sûr pas comme le drogué dont on lui parle
dans les journaux, cet être famélique, menteur, voleur, violent s’il le faut,
toujours en quête d’un larcin pour payer son dealer. Le libertaire, lui,
s’interroge : pourquoi l’État lui interdit-il de rester maître de son
propre plaisir et des désagréments qui pourraient éventuellement en
découler ? La prohibition ne touche en fait que les produits que
l’Occident refuse d’ajouter à la panoplie de ceux qui causent déjà les ravages
que mettent en avant les hygiénistes et dont l’inexpérience qu’en a notre
civilisation ne ferait qu’ajouter à leur dangerosité intrinsèque. Les alcools
et tabacs y échappent (provisoirement ?) mais les législateurs prennent
inconsciemment la mesure du besoin de nouvelles drogues que leurs sujets
manifestent et laissent, sous couvert d’encadrement médical, se développer
toute une pharmacopée des pilules pour ceux qui veulent se droguer, sans pour
autant être perçus comme des drogués.
Cette
dimension morale est à la base du manque de neutralité qui caractérise les
débats sur la drogue. La nécessité de se départir des a priori et des
idées reçues est d’autant plus difficile à obtenir que toutes sortes d’intérêts
s’expriment. Les manufacturiers de tabac veulent continuer à manufacturer, les
vendangeurs à vendanger, les fiscaliseurs à fiscaliser, les pharmaciens à
pharmacier, les contrebandiers à contrebander, les forces de l’ordre à
ordonner. Alors la Loi dit, sans qu’il soit envisageable d’y revenir, ceci sera
drogue et ceci ne le sera pas. Et lorsqu’il faut se mettre d’accord entre
contrées de traditions et de cultures différentes, on choisit de ne pas
discuter et d’imposer ce qui au Nord est déjà une évidence, la civilisation
européenne est universelle et le reste du monde doit l’adopter car, si ce qui
est bon pour l’homme occidental l’est tout autant pour l’indigène, l’inverse ne
peut qu’être vrai. Cette vision simpliste fut à l’origine de la substitution
des drogues traditionnelles dans les pays du Sud, alors que ces substances
étaient socialement intégrées et leur usage maîtrisé, par des produits
occidentalisés (alcool ou drogues chimiques) qui ont alors engendré des
problèmes comparables à ceux que posait la diffusion des drogues exotiques au
Nord.
C’est alors
la prohibition qui crée la drogue, qui lui donne son statut de marchandise
interdite, donc d’autant plus convoitée, d’autant plus chère bien qu’elle n’ait
plus rien de rare. Si on me l’interdit, c’est que l’on veut me cacher
quelque chose mais moi, je veux savoir, quitte à transgresser. Et la
transgression, n’est-elle déjà pas la première amorce du plaisir, le premier
goût de l’interdit ?
C’est
pourquoi, nous nous intéresserons, dans le cadre de cette étude,
essentiellement aux drogues prohibées, principalement produites au Sud et que
le Nord, après en avoir bien souvent organisé la production et le commerce,
quand il ne les a pas inventées de toutes pièces, aimerait faire disparaître.
En effet, l’Occident, après avoir engendré l’industrie, s’était mis en tête de
l’appliquer à tous les domaines, c’est pourquoi l’on parle de stupéfiants
industriels[1]. Ces produits que sont l’héroïne,
fille de la chimie et de l’opium, la cocaïne et les nouvelles drogues de
synthèse, par opposition au cannabis qui ne requiert pratiquement pas de
transformation, ne peuvent être produits massivement que grâce à l’existence
d’entreprises originales qui ont développé un double savoir-faire :
fabriquer de la drogue à partir de complexes agro-industriels et les distribuer
en échappant à la répression, en faisant en sorte, à l’instar des États, que
les individus qu’elles emploient acceptent l’éventualité du sacrifice à leur
service. « Frère si tu tombes, un autre prendra ta place » est le
postulat de leur survie. En face, les forces chargées d’endiguer ce flot ne
peuvent qu’être impuissantes face à un adversaire qui a à sa disposition
l’inépuisable réservoir de toutes les misères du monde. Leur rendement est
médiocre mais ils sont si nombreux…
Nous
touchons à une conviction qui anime certains auteurs[2], le trafic de stupéfiants est un
phénomène fondamentalement économique. Contrairement à la plupart des autres
activités de la délinquance vénale qui agissent suivant une stratégie
essentiellement parasitaire sur la distribution des richesses, la production de
drogue est, elle, une création nette de richesse. C’est à ce titre qu’elle peut
légitimement prétendre à un revenu compensateur de l’énergie déployée. Si ce
revenu est disproportionné, ce n’est qu’en raison de la prohibition qui agit
sur les termes de l’échange en permettant la rémunération du risque et en
opacifiant le marché[3].
Par
ailleurs, même si l’on reconnaît au trafic une dimension politique, elle n’est
que la conséquence de son économie. Nous prenons en effet le parti de penser
que l’économie, en ce qu’elle tend à utiliser les moyens de production de la
manière la plus efficiente en l’état des technologies, conditionne en grande
partie les développements sociaux et politiques. C’est pourquoi ce travail
commence par une étude détaillée de la situation économique du trafic de
drogue.
Ce domaine
de recherche, récent, est encore largement inexploré. Si les médecins étudient
depuis toujours les drogues au sens large, les sciences humaines n’ont
développé un domaine spécifique d’étude de la drogue que depuis que ce
phénomène est devenu fait de société, c’est à dire depuis la fin des années
1960. Historiens, géographes, sociologues, économistes, juristes sont amenés à
mettre leurs compétences au service d’un sujet qui requiert une approche
interdisciplinaire et que ces différents éclairages ne suffisent pourtant pas à
rendre entièrement compréhensible. C’est ce qui fait de la drogue un terrain
d’étude passionnant car, si la recherche a fait d’indéniables progrès ces
dernières années, notamment à la suite de la prise de conscience des
déséquilibres comptables internationaux à la fin des années 1980[4], beaucoup reste à faire et le
temps des pionniers n’est pas encore tout à fait révolu. La matière reste donc
ouverte à des axes d’analyse novateurs et nous espérons que notre travail
contribuera à alimenter le débat qui anime ceux qui en sont devenus les
spécialistes.
Les chiffres
présentés sont, dans la mesure du possible, ceux d’une année de référence qui
est 1997. Cette date a été retenue pour deux raisons : tout d’abord, il
s’agissait des dernières données disponibles au moment où cette recherche a été
entamée, c’était de plus l’année pendant laquelle il a été donné à l’auteur de
ces lignes de réaliser ses observations in vivo.
Ce document
se donne donc pour but de présenter la question des stupéfiants illicites dans
ses aspects liés au développement des pays du Sud et dans les rapports que ces
derniers entretiennent avec les pays du Nord. Il ne constitue pas une étude
exhaustive de cet axe de recherche tant le sujet est vaste et complexe mais
s’attache à présenter les grandes tendances économiques que connaissent les filières
et leurs répercussions dans les zones de production ainsi qu’une situation
politique et sociale typique, celle de la Bolivie. Cette présentation, dont ce
diplôme exige qu’elle soit délibérément parcellaire, est l’embryon d’un travail
que nous espérons plus vaste. Il devrait cependant permettre, dans un premier
temps, de dégager la problématique du trafic de drogue comme révélateur de
l’iniquité du rapport Nord / Sud.
La drogue est d’abord une activité
économique et à ce titre elle rencontre les mêmes préoccupations que les autres
secteurs d’activité, à savoir production, transport, distribution, promotion...
Il est donc intéressant d’observer qu’en dehors de tout cadre légal, les
activités liées à la drogue ont reconstitué l’organisation traditionnelle des
filières économiques, avec une spécialisation des tâches relativement évoluée.
Les filières professionnelles du secteur sont en effet organisées de manière
très classique avec les différents compartiments suivants : approvisionnement
en matières premières, production des composants industriels (agricoles et
chimiques), activités de transformation, négoce (import et export),
distribution (grossistes et détaillants), ainsi qu’un pré-système financier de
compensation et de change, voire dans certains cas d’assurance. On peut donc
parfaitement leur appliquer l’ensemble des règles et théories macro et micro
économiques.
L’estimation des tendances du
marché peut se faire à travers la compulsion des différents indicateurs dont
disposent les chercheurs. En raison de la nature clandestine du trafic, les
données sont évidemment très imparfaites mais permettent tout de même de
dégager des tendances. Il s’agit en premier lieu de l’évaluation de la demande.
Sur ce point, le Gouvernement des États-Unis a mis en place un réseau
d’observation épidémiologique particulièrement efficace fondé sur des séries
d’enquêtes en population générale, reposant sur de vastes échantillons[5]. Un tel réseau n’existe
malheureusement pas en Europe où les données sont très hétérogènes suivant les
pays et toujours de qualité très inférieure à celles du NHSDA. Pour le reste du
monde, il faut se contenter d’avis intuitifs de praticiens ou d’évaluations
approximatives d’institutions spécialisées (PNUCID et OMS[6]) pour recueillir des
appréciations sans grande valeur probante.
L’évaluation de l’offre repose sur
des données tout aussi délicates à collecter et à interpréter. Il y a tout
d’abord l’estimation des surfaces cultivées, cette dernière peut se faire par
satellite mais des vérifications sur le terrain s’imposent toujours pour
évaluer les rendements qui peuvent différer dans de très importantes
proportions d’une région ou d’une année à l’autre. D’autre part, les
possibilités de camouflage existent et certaines zones de production sont
difficilement accessibles. L’offre de drogues de synthèse qui, par définition,
ne donne pas lieu à des cultures est plus difficile à évaluer bien que des
programmes de surveillance des précurseurs chimiques existent. Enfin, les
services répressifs fournissent les statistiques de leurs activités (saisies,
arrestations…) mais ces chiffres témoignent plutôt, comme souvent en
criminologie, du niveau d’activité de ces mêmes services que de celui des
délinquants, ils constituent toutefois une donnée corrélative. Il convient tout
particulièrement de manipuler les chiffres des saisies avec beaucoup de
précaution, notamment lorsqu’ils intègrent des prises importantes réalisées
dans le cadre de « livraisons contrôlées ». Il arrive fréquemment que
ce type d’opérations qui suppose l’infiltration d’organisations de trafic par
des agents des organes de lutte anti-drogue donne lieu à des commandes
artificiellement disproportionnées de la part de ces derniers, sans rapport
avec les débouchés réels qu’offrirait le marché cible. Nombre de ces
« saisies record » faussent l’idée que l’on peut se faire de
l’importance réelle d’un marché.
Enfin, la principale source de
données compulsées étant le Gouvernement des États-Unis, sans qu’aucun autre
pays ou organisme ne soit en mesure de présenter d’indications aussi complètes
qui permettraient d’effectuer des comparaisons, il est arrivé que certaines
informations soient soumises à des corrections arbitraires en fonction du
contexte international et des exigences de sa politique extérieure. Deux
exemples sont flagrants : tout d’abord la surévaluation du trafic en
transit sur le territoire iranien, ainsi qu’un dénigrement de la politique
anti-drogue de cet État, alors que ce dernier se livre à une lutte vigoureuse
et déterminée ; d’autre part, la sous évaluation chronique de la
production domestique de marijuana alors que les États-Unis sont
vraisemblablement devenus un des premiers producteurs mondiaux d’herbe de
cannabis.
Nous verrons, dans une première
partie, quelles sont les tendances et les axes d’analyse du marché mondial des
stupéfiants. Le contexte économique des zones de trafic, au titre duquel seront
abordés la question de la répartition des gains et celle des effets
macro-économiques du trafic, fera l’objet d’une seconde section. Enfin, le
développement que permettent (ou non) la production de stupéfiants et le
traitement de ses capitaux sera examiné dans un troisième volet.
1.1.
Marché mondial des stupéfiants, évolution et
tendances
Ce chapitre évoque l’organisation pratique du
commerce des stupéfiants pour lequel nous définissons le marché des stupéfiants
comme celui représentant l’ensemble des produits légaux ou illégaux, détournés
de leur usage initial ou non, existants ou à inventer et consommés dans le but
de modifier l’état de conscience.
Si les indications sur
les tendances du marché dans les pays occidentaux ne relèvent pas directement
de la situation des pays du Sud, leur évocation est toutefois nécessaire pour
appréhender le terrain sur lequel se rencontrent les acteurs économiques
originaires de ces dernières régions. En effet, la concurrence entre le crack
et l’héroïne, respectivement issus des filières sud-américaine et asiatique,
pour retenir cet exemple, se déroule sur les marchés de débouchés principaux
qu’abritent les pays développés. Les distributeurs établis dans ces pays
(qu’ils soient d’extraction locale ou expatriés pour le compte d’une
organisation productrice du Sud) ont un rôle privilégié dans l’orientation de
ces marchés et peuvent agir en tant que prescripteurs, leur politique
influencera alors les situations dans les zones de production. Les marchés de
consommation du Sud, en plein développement seront également abordés afin de
présenter un tableau global des débouchés. De plus, passer d’une appréhension
intuitive des débouchés à l’acquisition d’une vision rationnelle et
scientifique des marchés de consommation semble être depuis quelques années une
préoccupation de plus en plus fréquente des acteurs. C’est en quoi il est
primordial de connaître avec précision les tendances actuelles pour anticiper
les évolutions et deviner les intentions des entrepreneurs du secteur.
Citons quelques manières
d’accroître une assise économique auxquelles les entrepreneurs ont
habituellement recours : élargir le marché et / ou augmenter sa
part de ce marché, concentrer les activités afin de cumuler les marges
(concentration verticale), tenter d’obtenir une position dominante
(concentration horizontale), réaliser des économies d’échelle en tirant profit
des concentrations ci-dessus évoquées. Examinons successivement ces différentes
tendances en ce qu’elles s’appliquent à la filière des stupéfiants.
1.1.1. Croissance et concurrence
On distingue en marketing
les concepts d’usagers actuels ou potentiels, les cœurs de cible et les
interactions aux frontières (aisément représentables sous forme de schéma), les
marchés de niche et les marchés de masse[7]. Tous ces concepts sont
applicables et appliqués au marché des stupéfiants. Ce dernier est segmentable,
soit par filière (opiacés, cocaïnes, amphétamines, alcools, tabacs, etc.), soit
par catégorie de consommateurs, la corrélation pouvant donner lieu à une
classification tenant compte de ses différents facteurs. L’approche discriminée
se révèle utile, car, outre la finesse qu’elle apporte à l’observateur, elle
est particulièrement adaptée au marché des drogues dans la mesure où des
produits massivement distribués et consommés (comme l’alcool, le tabac ou le
cannabis) font face à des niches parfois non marchandes (comme celle que
constituent les champignons hallucinogènes sauvages). Une attention constante
doit cependant y être consacrée dans un domaine où les mouvements de mode sont
brusques et les tendances en permanente évolution, tout au moins à la frange
des grands segments de consommation de masse où la relative jeunesse des
consommateurs est un facteur d’imprévisibilité. Le marché reste donc ouvert
comme le montre la tendance récente à la diversification de l’offre de drogues
de synthèse.
En ce qui concerne la croissance
globale du marché des drogues exotiques, elle était d’abord limitée aux zones
traditionnelles de production avant de s’ouvrir en direction des pays
occidentaux pendant le XIXe siècle (à l’exception du tabac, introduit
en Europe dès le XVIe siècle). D’abord consommées par des voyageurs
excentriques, des artistes, des membres du corps médical, des fonctionnaires et
colons des territoires d’Outre-mer puis très utilisées par les militaires, les
drogues et leur usage s’étendent après les Première et Seconde Guerres
mondiales, tout d’abord à des groupes restreints ou marginaux de la société
puis, profitant du vent de libération des mœurs des années 1960, à une grande
partie de la jeunesse des classes moyennes. C’est le début de la massification
de l’usage des stupéfiants en Occident. Le taux de pénétration (pourcentage des
individus ayant consommé au moins une fois sur une période de référence) des
drogues illégales, toutes substances confondues, sur les individus nés après
1960 et vivant en Occident en milieu urbain est particulièrement élevé, les
études sociologiques et épidémiologiques sur le sujet font état de variations
suivant les générations mais témoignent d’une progression (des contacts réels
ou des aveux de contact ?) depuis cette période. Chaque individu de cette
catégorie de population est devenu un utilisateur potentiel.
Quarante pour cent des appelés au
Service national en 1996 déclaraient avoir pris au moins une fois un stupéfiant
illicite et 15 % précisaient s’adonner à une consommation régulière (au
moins une fois par semaine) le produit évoqué étant dans l’immense majorité des
cas le cannabis, suivi par l’ecstasy (5 %). Précisons que ces déclarations
sont très vraisemblablement sous évaluées, compte tenu du contexte des
entretiens. Une autre étude fait état, toujours pour la France, de 32 % de
la population adulte (entre 15 et 44 ans) déclarant avoir consommé au moins une
fois[8]. Aux États-Unis, premier marché
du monde, 6 % des individus reconnaissaient en 1994 consommer une drogue
illégale régulièrement (au moins une fois par mois) ; ces chiffres
impliquent 80 % de consommation de marijuana et 10 % de chlorhydrate
de cocaïne. Si l’on ajoute à ce noyau, les consommateurs occasionnels, on peut
tripler ce pourcentage. Ces niveaux de consommation subissent des variations
parfois importantes sur quelques années, ainsi le nombre d’usagers a diminué de
moitié aux États-Unis depuis 1987, date de l’apogée du marché, toutes
substances confondues[9]. Le marché occidental de la
consommation solvable de masse reste néanmoins ouvert aux stupéfiants depuis
les années 1970.
Cette situation permet de se
livrer à une véritable sociologie des différents produits, tant chacun d’entre
eux semble se destiner à des catégories de consommateurs spécifiques, en
fonction de leurs profils sociaux ou bien à des occasions de consommation
typiques dans le cas des polyconsommations[10] séquentielles ou simultanées
(notons tout de même que ces dernières tendances sont en progression). Marketing
à dessein ou bien construction empirique de l’Histoire, il semble constant qu’à
l’exception de ces derniers comportements, chaque classe de produit rencontre
une clientèle spécifique (on peut alors l’isoler en segment). On citera à titre
d’illustration la cocaïne, plutôt destinée aux classes moyennes et supérieures,
le consommateur type appartenant à l’ethnie majoritaire, socialement bien
intégré, exerçant souvent une profession valorisante ; à l’opposé, le
consommateur d’héroïne sera souvent en position délicate vis à vis du reste de
la société, en situation d’échec voire ouvertement marginalisé. De fait, la
concurrence entre les différents produits s’exerce sur des périodes assez
longues et quand deux d’entre eux s’adressent explicitement au même groupe de
population (comme c’est le cas par exemple de l’ecstasy qui vise la partie plus
jeune de l’hétérogène et vaste clientèle du cannabis), leurs effets divergents
les réservent chacun à des usages et occasions nettement différenciées. Ainsi,
si l’on ajoute à cette description les substances psychotropes légales (alcool,
tabac, médicaments, calmants et excitants divers...), on est en mesure de
constater qu’à la quasi-totalité des contextes et des catégories de population
correspond respectivement un ou plusieurs produits avec lequel des rapports
privilégiés sont entretenus. Il n’appartient pas au cadre de cette étude de
mener une réflexion sur l'inexorabilité de la consommation de produits
stupéfiants à travers les lieux et les époques et le rôle que ces derniers
jouent dans le fonctionnement et l’organisation de la société mais il n’en
reste pas moins que la fulgurance avec laquelle les drogues balayent les
barrières morales et légales amène à se poser la question de leur utilité au
sein du groupe, au-delà de l’approche mono analytique développée autour du
concept de la relation transgression/pharmacodépendance.
Le crack constitue un exemple type
de l’application au marché des drogues de la règle commerciale qui dicte de
diversifier la ou les cibles auxquelles est destinée une famille de produit
afin d’en étendre ses débouchés ainsi qu’un exemple de concurrence
inter-filières explicite. A ce titre, il constitue un véritable cas d’école de
stratégie industrielle. Cette nouvelle préparation a permis d’offrir, alors que
l’appareil productif de cocaïne connaît une surcapacité chronique par rapport
aux débouchés, un produit issu de la même filière mais positionné de manière
radicalement différente (en fait en direction des clients potentiels de
l’héroïne, les deux produits s’affrontant sur le même segment). La réflexion
commerciale semble ne pas avoir été seule à l’origine de la mise au point du
crack, à la fin des années 1970. Le contrôle des produits chimiques précurseurs
(en l’occurrence l’éther) à destination d’Amérique andine était devenu si
sévère que les laboratoires de transformation de pâte de coca en chlorhydrate
de cocaïne ont été amenés à convertir une partie de leur stock de matières
premières en un produit inédit dont la fabrication ne requérait pas ce composant
devenu rare. Il en avait finalement résulté un moyen inespéré de concurrencer
les producteurs asiatiques d’héroïne auprès de leurs clientèles habituelles.
Quelques années plus tard, les producteurs colombiens ont entrepris d’assurer
une diversification de leur offre en se livrant à la production d’héroïne pour
le marché nord-américain.
Concernant la concurrence entre
drogues légales et illégales, si l’on se réfère à la situation française où
existe une forte culture de consommation de boissons alcoolisées, on observe
que la consommation d’alcool a fortement baissé ces trente dernières années
(22,5 litres/an par habitant en 1973 ; 11 litres en 1997), cette baisse est
symétrique avec l’augmentation de la consommation de drogues illégales. On peut
mentionner comme indicateur le nombre de décès par surdose constaté en
France : un en 1969, entre 150 et 600 par an depuis 1977 ; cet indicateur
est malheureusement très imparfait puisqu’il implique 85 % de
consommations excessives d’héroïne, associées ou non à d’autres produits, et
pour la presque totalité du reliquat par celle de médicaments et solvants qui
ne sont pas des produits illégaux. Il ne témoigne pas en particulier du
développement massif de la consommation de cannabis dans la même période ainsi
que, dans une moindre mesure, de celui de la cocaïne et des nouveaux produits
de synthèse : ecstasy-MDMA, amphétamines, molécules synthétiques diverses.
D’autre part, le nombre de comportements à risque semble plus lié à la
politique menée envers les consommateurs d’héroïne qu’à leur nombre. A titre
d’exemple, on a observé qu’une chute de l’offre d’héroïne peut entraîner une
hausse du nombre d’accidents, notamment en raison du développement de la
consommation par voie injectable, dû au besoin de compenser la rareté du
produit, ainsi qu’à l’irrégularité des taux de pureté qu’engendre
inévitablement une situation de pénurie. Mentionnons en outre que le nombre de
décès par surdose s’est effondré avec la monté en puissance des politiques de réduction
des risques (voir ci-dessous, la section 1.1.4. Comportement des
consommateurs), de près de 600 par an en 1993, il a chuté à moins de 150 en
1997, soit une baisse de 75 %.
En ce qui concerne le cannabis, la
multiplicité des lieux de production, y compris en Europe et en Amérique du
nord, le coût très faible et la simplicité de la culture, l'absence de
transformation complexe en fait une drogue particulièrement bon marché, sa
relative innocuité achevant de la rendre très populaire. Il est par ailleurs
notable que les drogues chimiques développées et produites en Amérique du nord,
en Europe et en Russie (L.S.D., ecstasy, amphétamines ainsi que différents
produits synthétiques) tentent, avec succès, de concurrencer les drogues à base
de produits naturels. Nous assistons ainsi à une lutte entre le Nord et le Sud
pour la relocalisation non seulement de la part la plus importante des
bénéfices mais également des coefficients multiplicateurs les plus élevés
résidant dans l'acte de production (voir à ce sujet la section 1.2.2. La
localisation des marges). C’est la révolution des drogues synthétiques à la
carte (custom ou designer drugs[11]), dont la consommation a explosé
ces dernières années, notamment parmi la jeunesse européenne.
Si la concurrence inter-produits
(c’est à dire la concurrence entre différents producteurs proposant la même
substance dans des qualités spécifiques) est permanente et vive (de plus
constamment renouvelée du fait du prélèvement des acteurs auquel se livre
l’appareil répressif), la concurrence inter-segments (entre les différentes
catégories de produits) répond, elle, à des tendances s’affirmant à plus long
terme. Par exemple, sur le marché nord-américain de l’héroïne, les différentes
filières et qualités de produits se confrontent de manière instantanée. En
revanche, la substitution d’une partie du marché de l’héroïne par celui du
crack a pris une génération. Un autre exemple de mode suivant les générations
de consommateurs est la diffusion d’hallucinogènes du type L.S.D., lui aussi
très en vogue dans les années 1970 et qui a très fortement régressé depuis les
années 1980 (précisons tout de même que ce produit paraît connaître un
renouveau en Europe depuis le milieu des années 1990). La consommation
d’héroïne semble être en passe de tomber en désuétude en Europe, sa population
de consommateurs habituels étant décroissante et surtout vieillissante. En
revanche, sur le marché nord-américain, les dernières études signalent que ce
produit séduit une nouvelle classe de jeunes consommateurs, lycéens et
étudiants des classes moyennes, vogue connue du grand public sous le nom d’héroïne
chic. Les analystes attribuent ce renouveau au mode de consommation fumable
qui se répand, moins stigmatisant et moins nocif que l’injection, ainsi qu’à
l’ignorance par ces classes d’âge des dommages que l’épidémie d’héroïnomanie
des années 1970 avait provoqués. Cette clientèle haut de gamme pour l’héroïne a
peut-être également pour cause le développement de sa production en Colombie et
sa distribution par les circuits qu’emprunte également la cocaïne. Reste à
savoir la proportion de consommateurs dépendants qui sera issue de cette mode
encore marginale mais dont l’avenir reste incertain. Toutefois, l’essentiel de
l’augmentation de la production d’opiacés semble désormais destiné aux marchés
du Tiers monde (Pakistan, Afrique, Chine populaire, Russie, Asie centrale,
Mexique…) où le produit est distribué massivement à des tarifs adaptés au
pouvoir d’achat de ces populations (voir ci-dessous 1.1.3. Le marché de
consommation dans les pays du Sud). Plus récemment, on observe que les
nouveaux produits de synthèse s’adressent à la clientèle traditionnelle de la
cocaïne et connaissent une véritable explosion alors que, comme nous l’avons
vu, la consommation de drogues légales dures comme l’alcool se réduit très
nettement.
On peut en déduire la tendance de
fond que suit la diffusion des psychotropes depuis l’avènement de la société de
consommation, à savoir une importante capacité de remplacement des substances
traditionnelles par des produits nouveaux. Cette facilité avec laquelle le
marché est régulièrement repénétré semble apparemment due à l’attente très
forte de changement qu’expriment les consommateurs. Ce goût pour la nouveauté
est peut-être à mettre partiellement au compte du mécanisme transgressif qui
accompagne la prise de drogue et qui commanderait de se démarquer des aînés
(corrélation entre les segments de produits et les générations). On peut
également voir dans le développement du marché des produits illégaux le signe
de sociétés de plus en plus hostiles à l'immixtion des lois dans le domaine de
la sphère privée. A ce sujet,
Aperçu de la sous segmentation du marché des
psychotropes (par filière) :
- Boissons alcoolisées ;
- Solvants et produits
industriels détournés ;
- Opiacés : héroïnes,
morphines, etc. ;
- Cocaïnes : chlorhydrates
et bases libres « crack » ;
- Drogues synthétiques
illégales : MDMA (ecstasy), LSD, etc. ;
- Médicaments :
amphétamines, sédatifs, antidépresseurs, produits de substitution, etc. ;
- Tabacs ;
- Cannabis : herbes (marijuana), résines
(haschich), huiles.
1.1.2. Cycles de vie
On s’accorde à reconnaître quatre
phases dans la vie des produits et de leur marché : la naissance, le développement, la maturité
(elle-même subdivisée en phases croissante, stable ou déclinante) et le déclin[13].
Rappelons pour mémoire que les symptômes de la
maturité d’un marché sont la saturation des besoins, l’inélasticité de la
demande, la surcapacité de production, l’apparition de produits de
substitution, la maturité technologique et la sophistication des modes de
consommation. Tous ces symptômes s’appliquent apparemment au marché des
stupéfiants dans son ensemble.
Cette classification s’applique également à toutes
les subdivisions (segments) d’un marché pris au sens large. Ainsi, à
l’intérieur de ce marché en maturité croissante, on peut dire qu’une nouvelle custom
drug (substance chimique produite en petite série et répondant
à un cahier des charges personnalisé) est dans sa phase de naissance lors de
son introduction. L’ecstasy est, elle, en phase de développement de son marché.
Le cannabis est toujours en phase de maturité. Quant à l’alcool ou au segment
des opiacés de contrebande, ils sont en phase de déclin (sous réserve du
développement de la consommation évoqué plus haut), ce qui n’empêcherait pas
telle qualité d’héroïne d’être en phase de développement, bien que faisant
partie du segment précité, de même pour telle boisson alcoolisée. Naturellement
la tendance déclinatoire n’est pas toujours définitive et peut se retourner sur
le plus long terme, c’est la situation que connaissent le L.S.D. sur le marché
européen et l’héroïne sur le marché américain. L’entrée en phase de déclin ne
signifie pas la mort commerciale d’un produit, tout du moins à relativement
brève échéance.
En résumé de ce bref aperçu de
l’état du marché des psychotropes au Nord, on peut relever que l’usage massif
du cannabis s’est pérennisé au-delà des effets de mode, que celui des alcools,
tabacs et opiacés est en déclin, que celui de la cocaïne semble connaître un
pic (avant déclin ?) et que celui des drogues synthétiques (médicaments,
ecstasy et custom drugs) est en pleine expansion.
Nous retiendrons donc de cette
section que les marchés du Nord suivent une tendance à s’auto-approvisionner, les
drogues synthétiques étant produites sur place, en Europe, en Amérique du nord
ou à proximité immédiate du marché de consommation (dans des zones
périphériques comme le Mexique, l’Europe centrale et orientale…). La technicité
requise par les processus de production n’est pas la seule cause de
relocalisation de la production puisqu’il semblerait que les États-Unis soient
devenus un des premiers producteurs mondiaux de cannabis, cette plante assurant
la part la plus importante du revenu agricole réel du pays[14]. De même, les Pays-Bas ont
développé une véritable industrie de la culture sous serre de cannabis dont une
partie est légale et l’autre relativement tolérée. Les législations évoluent
d’ailleurs en ce sens puisque la Suisse franchit en 2000 le pas de la création
d’une filière entièrement légale de la production et de la distribution du
cannabis. Certains États américains avaient également établi une législation
permettant la délivrance de cette plante à titre médical, avant que la Cour
suprême ne sanctionne ces dispositions en mai 2001. Cette
« re-capture » des activités de production de stupéfiants par les
pays du Nord, inédite depuis la décolonisation, ne va pas sans entrer en
concurrence avec la production du Sud. Afin que le profit qui en résulte ne
soit pas intégralement confisqué, les producteurs et trafiquants du Tiers monde
ont entrepris, sciemment ou non, de développer les marchés du Sud en prenant
appui sur celui des pays émergents où la demande s’est solvabilisée .
1.1.3. Le marché de consommation dans les pays du Sud
Cet aperçu
du marché des stupéfiants ne serait pas complet si l’on ne s’intéressait à la
consommation dans les pays sources et, plus largement, dans les pays du Sud qui
constituent, de plus en plus, de nouveaux débouchés. La connaissance de la
consommation de drogues au Sud présente en outre un intérêt pour la perception
de l’offre de drogues sur les marchés du Nord puisque l’on n’estimera la
disponibilité de produit qu’après déduction des consommations au Sud et c’est
principalement dans ce but que son analyse avait tout d’abord été promue.
Les
produits considérés comme drogues et de ce fait internationalement prohibés ne
l’ont été que du point de vue occidental moderne qui considère les psychotropes
indigènes comme une menace pour les ethnies européennes. L’opinion communément
répandue jusqu’au début du XXe siècle concernant la dangerosité
sociale des drogues était que ce n’est que l’apparition de produits allogènes
ou inédits dans des sociétés inexpérimentées au regard de leur usage qui est la
cause de comportements indésirables.
Forte de ce
constat, la diffusion des drogues exotiques a donc fait l’objet pendant une
grande partie de l’ère coloniale d’une diffusion réglementée et encouragée
auprès des populations autochtones par les administrations coloniales (sans que
l’on en tire pour autant de conclusions réciproques concernant la nocivité de
la diffusion de l’alcool auprès des peuples qui ignoraient son usage).
L’exemple le plus flagrant est celui de la Grande-Bretagne qui avait
développé un véritable complexe industriel autour de la fabrication d’opium de
la fin du XVIIIe au début du XXe siècle. La production
avait lieu en Inde et était exportée principalement en Chine et dans toute
l’Asie. Cette politique fut la cause des Guerres de l’opium, expression de la
rébellion de l’Empereur de Chine mais dans lesquelles les Britanniques
triomphèrent systématiquement, réussissant à imposer la libre importation de
l’opium et des autres produits proposés par les marchands anglais. La Couronne
britannique obtint, à titre de dédommagement, la concession de Hong
Kong lors du traité
de Nankin en 1842. De leur côté, les colonisateurs français imposèrent un
système de régie pour la distribution de l’opium en Indochine[15]. Il est à ce titre remarquable
d’observer que les politiques de la France et de la Grande Bretagne
établissaient à la fin du XIXe siècle des modes de distribution très
en rapport avec leurs cultures respectives de l’État, étatisé pour la France ou
confié au secteur privé pour la Grande Bretagne. En Afrique du nord,
l’administration coloniale française instaure également des « régies du
tabac et du kif » et y prélève les taxes afférentes. Cette fiscalisation
des drogues génère des appoints indispensables à l’équilibre des budgets coloniaux.
La distribution réglementée des drogues dans les territoires d’Outre-mer est
remise en cause au début du XXe siècle par les États-Unis et la
Chine qui convoquent dans ce but la Conférence de Shanghai en 1909. La
distribution se poursuit néanmoins jusqu’à la décolonisation dans certains pays
(par exemple en Indochine). La toxicomanie de masse du Sud et les complexes
agro-industriels d’approvisionnement hérités de la politique coloniale des
puissances européennes sont à la base des organisations qui inonderont par la
suite les marchés occidentaux des anciennes métropoles.
La
saturation des marchés du Nord a amené ces dernières années la nécessité, pour
les producteurs de drogues, de développer de nouveaux débouchés au Sud. Cette
stratégie commerciale recoupe souvent celle à laquelle se livrent les
manufacturiers de tabac confrontés aux mêmes tendances.
Aujourd’hui,
la consommation de drogue dans les pays du Sud revêt différents aspects :
- la
consommation locale traditionnelle (en développement ou en mutation) ;
- la
consommation sur les voies de transit (en développement et accentuée du fait de
la rémunération des intermédiaires en marchandise) ;
- le
développement de nouveaux marchés, du fait de l’élévation du niveau de vie de
pays émergents ou de régions dans lesquelles certaines catégories de population
sont en voie d’enrichissement relatif, qui deviennent des aires de chalandises
à conquérir. En direction des marchés potentiels les plus pauvres, sont
pratiquées des politiques de positionnement tarifaire adaptées (qualité et
dosage inférieurs) aux pouvoirs d’achat locaux.
Ces trois
causes d’ouverture des marchés peuvent entraîner le développement d’une
industrie de production ou de transformation locale qui pourra, à son tour,
devenir exportatrice.
La
consommation d’héroïne touche massivement les populations du Pakistan (où plus
de deux millions d’individus seraient héroïnomanes), de Chine (plus d’un
million d’usagers, alors que l’opiomanie du début du siècle avait été presque
entièrement éradiquée par la Révolution), de Thaïlande (300 000 personnes,
signalons que dans ce dernier pays, une partie des héroïnomanes sont d’anciens
opiomanes poussés au changement de leurs habitudes par des politiques
d’éradication des cultures et de la consommation traditionnelles mal
calibrées). Elle se développe par ailleurs de manière lente mais régulière au
Mexique. La cocaïne et son dérivé bon marché, le crack, ont depuis longtemps
été intégrés aux habitudes de consommation des habitants des Caraïbes. Ils
trouvent également des nouveaux débouchés dans le reste de l’Amérique du sud
(particulièrement au Brésil) et plus récemment en Afrique du sud[16].
En Iran,
malgré de très lourdes sanctions pouvant aller jusqu’à la peine de mort, on
dénombre près de 500 000 toxicomanes. Comme pour les habitants du Pakistan
et du Bassin caraïbe, les Iraniens doivent cette toxicomanie massive à la
position géographique de leur territoire, passage obligé du transit en
direction des marchés les plus éloignés. Les routes de la drogue sont ainsi
clairement marquées par des taux de consommation anormalement élevés.
En Afrique,
le Nigeria est une plaque tournante notoire de trafic de drogues de provenances
diverses et à destination de nombreux marchés. La consommation locale n’est pas
non plus oubliée et celle de l’Afrique de l’ouest connaît un fort
développement. L’Afrique du sud est, elle, assaillie par différentes catégories
de produits, du cannabis, produit sur place, à la cocaïne importée d’Amérique.
Ce ne sont pourtant pas les drogues illégales qui sont les plus préoccupantes
dans les régions subsahariennes mais le développement du marché des médicaments
psychotropes détournés de leur usage « thérapeutique »[17]. La vente de ces produits se fait
le plus souvent de manière ouverte sur les marchés sans subir aucun contrôle.
Les laboratoires pharmaceutiques occidentaux et asiatiques ne font évidemment
rien pour contenir cette tendance bien que l’on ait signalé la vente de
contrefaçons importées ou produites sur place. Signalons que l’Asie connaît également
un fort développement de la consommation de ces produits mais n’en est-il pas
de même au Nord où malgré un encadrement apparent, leur abus est de plus en
plus répandu ? La drogue qui garde la faveur des Africains pour son aspect
traditionnel (malgré son introduction parfois très récente, notamment à
l’Ouest) reste tout de même le cannabis, très largement consommé et produit
dans la plupart des régions.
1.1.4.
Comportement des consommateurs
« Sous le terme général
de toxicomanie, on a longtemps amalgamé des pratiques consommatoires
hétérogènes englobant la nature des produits, les modes de consommation, les
personnes qui consomment et la sévérité des problèmes. Le produit psychotrope
était alors considéré comme seul à l’origine des troubles, ce qui a conduit à
l’emploi du terme drogué, celui-ci faisant référence à la notion
d’intoxication. » C’est avec ces mots que le Professeur Parquet[18] introduit sa présentation de la
distinction des trois types de consommation arrêtés par l’Association
américaine de psychiatrie et reprises par l’OMS : l’usage, l’usage
nocif (ou abus) et la dépendance.
Abusus non tollit usum[19]
La diversité des produits
ainsi que celle des conduites des consommateurs à leur encontre rend très
délicat le fait d’envisager des approches homogènes de consommation de drogues.
Cette situation tend de surcroît à se compliquer avec la multiplication des
comportements de polyconsommations qui témoignent de la propension
hédoniste des nouvelles générations de consommateurs à absorber, simultanément
ou non, plusieurs types de produits, légaux ou illégaux. Il n’en reste pas
moins que l’approche concentrique évoquée ci-dessus présente la pertinence
d’envisager le groupe des consommateurs d’une substance donnée avec un
discernement catégoriel. Une partie (le noyau des dépendants) est
constituée des consommateurs à problèmes (et dont il semblerait que, même pour
les substances les plus addictives, il soit minoritaire) ; à sa périphérie
cohabite un groupe, plus large, d’usagers non dépendants mais dont la
consommation, régulière, pose problème en termes sanitaires ou sociaux ;
le cercle s’ouvre enfin en direction du groupe plus large des consommateurs
plus ou moins occasionnels qui maîtrisent leurs rapports avec le produit donné
et dont ils font un usage maîtrisé et essentiellement récréatif. La
désaffection pour la théorie de l’escalade des drogues qui faisait état
d’une corrélation dont le lien de causalité était plus que douteux et qui a
longtemps dispersé les forces préventives sur l’action contre les drogues dites
douces permet un recentrage du contrôle social sur les substances et les
catégories de personnes dont la consommation pose objectivement problème. Cet
axe d’analyse relativement récent est à l’origine de la révision de certaines
politiques publiques qui abandonnent la répression des usagers de drogue pour
entreprendre des programmes de traitement différenciés par catégories, dites de
réduction des risques (prévention de la dépendance et des maladies
transmissibles et/ou opportunistes, testing des produits du marché
informel, échange de seringues, substitution, centres de distribution contrôlée
d’opiacés).
C’est le large groupe des
usagers récréatifs qui intéresse le plus les producteurs et distributeurs de
drogues puisque ce segment du marché constitue le véritable débouché de masse.
Pourtant, la frange d’usagers dont la consommation devient problématique pose
une difficulté dans la gestion de l’image des produits. Face à l’inquiétude des
nouveaux entrants dans la consommation des produits, le marketing des
alcooliers, manufacturiers de tabac et distributeurs de psychotropes illégaux
ne peut répliquer qu’en mettant en avant la dimension positive de la
transgression et de la prise de risque tout en en tentant de rendre moins
visibles les comportements d’abus.
De gustibus non est disputandum
Les consommateurs
dépendants de drogues addictives (opiacés, tabac) sont-ils sensibles aux signaux
du marché, en d’autres termes, l’augmentation des prix entraîne-t-elle une
réduction, une interruption ou un abandon de la consommation ? Jusqu’au
début des années 1970, l’opinion était répandue que les drogués
n’étaient pas sensibles à l’accroissement des prix (inélasticité de la demande
au prix) et qu’ils régulaient leur budget à l’aide de l’augmentation d’une
activité essentiellement criminelle. Mais cette vision était insatisfaisante et
inadaptée à expliquer les comportements. Gary Becker, dans son article
« De gustibus non est disputandum »[20] pose les fondements de l’analyse
moderne des attitudes des consommateurs de drogues addictives à l’aide des
outils théoriques de la micro-économie (courbe d’offre et de demande modulée
par la variable du prix). Il affine plus tard sa thèse avec la mise à jour du
concept d’addiction rationnelle qui intègre une réaction à
l’augmentation des prix (espacement des prises et augmentation des demandes de
traitement). Cette théorie sert de base scientifique aux politiques de
réduction de l’offre (répression du trafic et réduction des capacités de
production). Ces dernières ont pourtant été remises en cause par l’observation
des effets pervers que peut entraîner une répression trop efficace de
l’offre : si les catégories d’usagers non dépendants réduisent ou
abandonnent effectivement leur consommation de drogue, les consommateurs
dépendants ne peuvent, eux, indéfiniment différer la leur. Les conséquences
sanitaires sont généralement désastreuses du fait de la multiplication des
surdoses due à la qualité et la pureté des produits qui deviennent très
hétérogènes. L’augmentation des prix déstabilise une population déjà très
précarisée que l’insuffisance de l’offre pousse à des comportements à risque
(partage de seringues, augmentation de la violence…) pour elle-même et pour le
reste de la société. Cette politique ne peut donc se concevoir que si des
possibilités d’institutionnalisation massives sont par ailleurs possibles
(emprisonnement des toxicomanes pauvres ou admission en centre de traitement).
Consumer life value
Cette notion est utilisée dans les
études de marché pour représenter la valeur dépensée par un consommateur sa vie
durant pour ses acquisitions d’une famille de produit. Il sert le plus souvent
à illustrer l’intérêt que peuvent avoir les entreprises commerciales à la
fidélisation de leurs clients. Concernant les produits stupéfiants, cette
notion prend une valeur encore plus significative dans la mesure où la plupart
des produits ont des propriétés addictives plus ou moins marquées et entraînent
des consommations pérennes pour une partie de la population pénétrée. Les
manufacturiers de tabac ont par exemple beaucoup fait appel à ce type de calcul
pour mettre en évidence la rentabilité à long terme de leurs investissements
promotionnels en direction de la jeunesse. On peut se risquer à
évaluer, très approximativement, le chiffre d’affaires que génère une longue
assuétude à l’héroïne : considérant que la consommation moyenne d’un
toxicomane dépendant est l’équivalent de 1 à 4 grammes d’héroïne pure par
semaine et que cette pratique peut s’étaler sur une période allant de 10 à 20
ans, si l’on retient la base d’un prix de 150 € par gramme, ce chiffre
d’affaires sera compris entre 80 000 et 624 000 €. Il est
raisonnable de retenir une valeur moyenne, l’importance des doses consommées
réduisant proportionnellement l’espérance de vie et, par conséquent, la durée
de consommation. Par ailleurs, ce calcul n’est valable que pour le groupe des
consommateurs dépendants et non pour les usagers plus ou moins occasionnels,
intégrer ces derniers impliquerait des calculs plus complexes que la
disponibilité actuelle des données ne permet pas. On notera tout de même la
relative faiblesse des montants obtenus, ce qui confirme la nécessité, pour les
distributeurs, de pénétrer les catégories plus importantes d’usagers non
dépendants pour développer des marchés conséquents.
Prenant en compte le fait que la
consommation de substances psychoactives est un phénomène présent dans toutes
les civilisations, présentes et passées, et que l’abstinence générale est un
mythe inaccessible, de nouvelles politiques de réduction des risques
sont progressivement adoptées dans la plupart des pays, en complément de
l’approche répressive traditionnelle. Bien menées, elles pourraient
radicalement changer la configuration des marchés de stupéfiants et remettre en
cause les modes de trafic, voire l’existence partielle des filières illégales,
en amorçant un mouvement de déprohibition.
1.1.5. Concentration des
acteurs
Rencontrer la demande en matière
de stupéfiants requiert la mise en place de filières complexes qui réclament
une organisation industrielle évoluée. Cette dernière s’est faite au fil du
temps en réponse à une forte croissance interne, auto-financée et dont le
processus de sélection n’est pas absent. Ce dernier est double. Il s’opère tout
d’abord une sélection économique classique où ne survivent que les acteurs
rentables les plus dynamiques. Les organes chargés de la répression y prélèvent
à leur tour un certain nombre d’acteurs qui, pour des raisons diverses qui
tiennent au contexte et à l’organisation des forces coercitives, n’ont pu leur
échapper. Ce « darwinisme économico-judiciaire » ne laisse survivre
que les plus aptes qui sont alors en mesure de s’approprier les parts de
marchés de leurs concurrents, en attendant de céder à leur tour la place à des
intervenants plus habiles ou plus chanceux. La spécificité du trafic et une des
causes principales de sa survie est que tous les intervenants exposés au risque
de disparition ainsi que la plupart des modes opératoires et infrastructures
sont parfaitement remplaçables. Ce polymorphisme est à la base de la
flexibilité et de l’adaptabilité des filières. La forte rémunération offerte
pour la participation permet un recrutement aisé propre à alimenter la rotation
rapide des participants qui a lieu à tous les niveaux de l’organisation. Notons
qu’au niveau de la distribution, cette rotation rapide est un des facteurs
d’élargissement constant du marché par la diversification permanente des
débouchés qu’il induit. Cette organisation empirique n’en requiert pas moins
une relative stabilité dans la maîtrise des processus de fabrication et c’est
principalement au niveau des capacités de transformation, étape la plus
critique, qu’ont lieu les phénomènes de concentration. La constitution
d’organisations permet en outre de mettre en place des systèmes d’assurance
mutuelle qui sécurisent financièrement les acteurs coalisés.
La tentative
de concentration la plus connue du public est celle des
cartels colombiens. Comme son
nom l'indique
un cartel est
une entente entre les acteurs
économiques d'un même secteur pour
influer sur les prix en
créant une situation oligopolistique. Cette entente semble avoir été inspirée par le modèle de la puissante Fédération des cafetiers de Colombie. Les cartels ont
regroupé des trafiquants qui disposaient des capacités de transformation et
d’exportation, la partie agricole n’étant généralement pas intégrée et la
distribution étant la plupart du temps faite en partenariat avec des
importateurs des pays destinataires. La demande très soutenue du marché
étasunien pendant les années 1980 a permis aux cartels de maintenir les prix de
gros à un niveau élevé et ce, en dépit de l’augmentation des capacités de
production et de leur surcapacité chronique. Cette surcapacité de production
était alors conçue comme un élément de sécurité face à la répression mais la
mise sur le marché des stocks restait contrôlée. Les termes de l’échange
pesaient sur les importateurs, contraints de limiter leurs marges et de
répercuter des prix de détail élevés. La répression qui s’abat sur ces
organisations à la fin des années 1980 et au début des années 1990 provoque
leur affaiblissement, voire leur disparition et a eu pour effet la
multiplication des acteurs indépendants, de considérables baisses des cours et
finalement un accroissement de l’offre globale dû à une surproduction
devenue endémique. C’est
également l’époque de la radicalisation de certains trafiquants à travers le
développement de la production massive d’héroïne et la réorientation d’une
partie de l’appareil productif de cocaïne vers le crack.
Dans
le même temps, les filières concurrentes des amphétamines, plus simples à fabriquer
et à distribuer ainsi que moins onéreuses, commençaient à se généraliser sur
les marchés de consommation, initiées par les distributeurs. Ces derniers se
concentraient ainsi à leur tour, mais verticalement. Ces phénomènes simultanés
ont entraîné de considérables baisses des prix de gros de la cocaïne,
répercutées sur les prix au détail, ce qui a été l’un des facteurs de
popularisation de cette substance en Europe ces dernières années (alors que sa
consommation était en net recul aux États-Unis, bien qu’elle y soit encore très
massive et que ce marché reste de loin le premier au monde).
L’Asie
n’est pas en reste dans ce phénomène de concentration des acteurs et abrite de
puissantes organisations centralisées, principalement au service de la
distribution des opiacés. Les Triades, représentées partout où sont
établies des communautés chinoises, organisent la distribution de drogues. Au
Japon, les Yakusa se sont arrogés le monopole de distribution des
amphétamines, très populaires dans le pays. Enfin, en Birmanie qui était encore
il y a peu le premier pays producteur d’opium (aujourd’hui dépassé par
l’Afghanistan), régnait jusqu’en 1996 sur les cultures et la transformation le
chef de guerre Khun Sa. Il a négocié la reddition de son armée en échange de
l’impunité auprès du gouvernement birman (voir la section 1.3.4. L’exemple
du Myanmar).
Toutes
ces organisations jouent en outre un rôle politique et il semble que ce soit
surtout la crainte de voir leur pouvoir s’étendre au-delà des limites du
tolérable plus que la volonté de lutter contre la drogue (ces deux objectifs
étant, comme nous l’avons vu, antinomiques) qui motive les États à leur mener
un âpre combat.
1.2. Contexte économique des zones de trafic
Le poids des stupéfiants dans
l’économie mondiale est bien entendu difficile à évaluer, certains acteurs
institutionnels ayant tendance à maximiser les montants évoqués, notamment
lorsqu’ils servent de base au calcul d’amendes ou bien à illustrer des
revendications émanant d’organes à vocation coercitive ; d’autres
cherchent au contraire à minimiser l’ampleur de trafics dont ils sont bien en
peine de contrôler le développement, malgré l’emploi de moyens parfois
considérables.
Comme nous l’avons déjà évoqué
plus haut, les principales sources statistiques émanent des diverses
organisations gouvernementales américaines et les estimations présentées sont
souvent influencées par des considérations de politique extérieure. Il est
néanmoins possible d’avancer des ordres de grandeurs, on parle suivant les
auteurs de montants annuels compris entre 100 et 600 milliards de dollars pour
le chiffre d’affaires mondial cumulé de tous les acteurs de l’économie des
drogues illicites[21], c’est à dire beaucoup plus que
le poids de l’industrie des boissons alcoolisées ou bien de celui de
l’industrie pharmaceutique, le seul secteur comparable en terme d’envergure
financière étant l’industrie du tabac. Cela revient à dire que si ce secteur
devait interrompre brusquement ses activités (ce qui est évidemment hautement
improbable), il en résulterait vraisemblablement des conséquences négatives sur
le taux de croissance mondiale, particulièrement sensibles pour les catégories
de population ou les zones qui sont plus ou moins directement impliquées dans
les différents métiers de la drogue.
Le coût social d’un tel abandon a
été évalué par certains économistes pour des pays particulièrement dépendants
de l’évolution des marchés de narcotiques et il semble qu’il soit assez
variable, le facteur principal étant constitué par la masse de main d’œuvre
occupée, c’est à dire que, paradoxalement, une telle crise serait
particulièrement douloureuse là où les marges sont les plus faibles (plus
spécialement pour la population agricole qui est loin d’être la principale
bénéficiaire dans la répartition des gains). Le coût de la consommation des
drogues en termes de santé publique et de nuisances induites de toutes sortes
serait donc à mettre en parallèle avec les conséquences directes et indirectes
de la reconversion ou de la disparition des acteurs économiques du secteur.
C’est là l’enjeu d’un affrontement
Nord/Sud, le rapport entre les bienfaits et nuisances de cette économie étant,
en apparence, en faveur des pays du Sud. Comme nous allons le voir et en dépit
de ce premier constat, la comparaison semble être plus subtile qu’elle n’y
paraît au premier abord.
Nous verrons dans ce chapitre que
la partie la plus importante des bénéfices réalisés reste ou revient au Nord
puis examinerons quels ont été les effets des Politiques d’ajustement
structurel sur le développement du trafic de drogue. Enfin, nous évoquerons
et discuterons cette forme de marasme appelée maladie hollandaise et
dont seraient atteintes certaines économies dépendantes du trafic.
1.2.1. Localisation des marges, l’exemple du marché européen de la
cocaïne (année de référence 1997[22]).
Les bénéfices les plus importants
sont, comme de coutume, engendrés par les activités de négoce et de
distribution, le marchand étant structurellement favorisé par l’organisation
capitaliste. Ces dernières ont principalement lieu dans les pays importateurs du
Nord. Décomposons le prix du kilogramme de cocaïne vendu au détail sur le
marché européen :
|
OPÉRATION |
PRIX DE VENTE |
MARGE BRUTE (pourcentage du prix final) |
COEFFICIENTS MULTIPLICATEURS |
COMMENTAIRES |
|||
DISTIBUTION |
Vente au détail |
100 000 € |
50 000 € (50 %) |
x2 |
x6,6 |
x50 |
Ce calcul n’inclut pas
l’adjonction d’excipient à laquelle se livrent certains revendeurs à ce stade
de la commercialisation. |
|
Vente en gros |
50 000 € |
25 000 € (25 %) |
x2 |
|
||||
Importation |
25 000 € |
10 000 € (10 %) |
x1,66 |
La marge entre l’exportation
et l’importation correspond à celle du transporteur. Il arrive fréquemment
que ces deux étapes soient contrôlées par les exportateurs. |
||||
Exportation |
15 000 € |
13 000 € (13 %) |
x7,5 |
- |
||||
PRODUCTION |
Vente en gros (1 kg) |
2 000 € |
- |
- |
Produit fini :
chlorhydrate de cocaïne. |
|||
Cocaïne base (1,2 kg) |
1 500 € |
- |
- |
Ces chiffres n’intègrent pas les
postes des composants chimiques, c’est pourquoi les marges et coefficients
multiplicateurs n’ont pas été calculés. Le prix des feuilles s’entend
« bord-champ ». |
||||
Pâte base (2,5 kg) |
700 € |
- |
- |
|||||
Feuilles (400 kg) |
250 € |
- |
- |
Nous pouvons observer que les
coefficients multiplicateurs sont les plus élevés dans les zones exportatrices
mais qu’en revanche 85 % du prix de vente final sont réalisés sur le lieu de
la consommation (en l’occurrence en Europe). Ce déséquilibre laisse aux
producteurs et exportateurs du Sud une substantielle marge de progression et
c’est sans doute dans le but d’obtenir une meilleure répartition des marges que
ces acteurs se regroupent et tentent d’exercer un meilleur contrôle des prix à
l’exportation (voir ci-dessus la section 1.1.5. Concentration des
acteurs).
Pour le cas de la cocaïne importée
d’Amérique andine, la récolte était, jusqu’à l’année de collecte de ces
chiffres, dans la plupart des cas effectuée en Bolivie ou au Pérou (une grande
partie des cultures est maintenant localisée en Colombie), puis exportée en
Colombie après avoir subi une première transformation sommaire (en pâte base de
cocaïne – PBC). Elle subissait la fin du processus de fabrication (raffinage en
chlorhydrate de cocaïne) et était conditionnée dans ce dernier pays avant
d’être expédiée en direction des zones de consommation.
La plus grande part de la valeur
ajoutée est donc créée sur le territoire des pays importateurs, ces fonds
alimentent la consommation et l’investissement sur place, après parfois un
détour par un circuit bancaire externe. L’importance des revenus du trafic de
stupéfiants au Nord est particulièrement nette dans les zones dites défavorisées
où les filières informelles de distribution constituent une des dernières
sources de subsistance qui alimente à son tour le commerce légal local. De
plus, les pays du Nord reçoivent sous forme d’investissements une grande partie
des capitaux accumulés au Sud, ce qui accroît d’autant le taux de profitabilité
des pays industrialisés dans la filière des stupéfiants.
1.2.2. Réciprocité des termes de l’échange avec les pays du Nord
La part que procure le trafic de
stupéfiants aux régions sources de produits narcotiques n’est pas à leur seul
bénéfice puisqu’elle permet également de solvabiliser la demande de biens et
services en provenance de pays du Nord. Examinons les importations des pays
sources :
Année 1997 : provenance des importations et
total en valeur absolue d’une sélection de pays impliqués dans le trafic de
stupéfiants[23]
PAYS |
COLOMBIE |
PÉROU |
BIRMANIE |
BOLIVIE |
Imports Union Européenne |
20,5 % |
30,7 % |
8,7 % (Asie : 87,4 %) |
15 % |
Imports États-Unis |
36,2 % |
19,5 % |
négligeable |
26,3 % |
Total imports en valeur absolue (exprimé en millions de $) |
15 378 |
10 282 |
2 261 |
1 810 |
PAYS |
TURQUIE |
MAROC |
NIGERIA |
PAKISTAN |
Imports Union Européenne |
54,6 % |
64,1 % |
48,8 % |
20,8 % |
Imports États-Unis |
7,8 % |
négligeable |
10,6 % |
10,6 % |
Total imports en valeur absolue (exprimé en millions de $) |
56 610 |
9 510 |
9 020 |
11 595 |
Ce tableau nous renseigne sur la
provenance des biens (principalement) et services importés par des pays dont les
économies sont, à des niveaux variables, tributaires du secteur d’activité des
stupéfiants. La plupart de ces pays consomme massivement en Occident (voire
également au Japon et en Asie du Sud-est) et finance partiellement ses
importations avec le produit du trafic. La drogue influence donc les économies
occidentales également à travers les exportations de biens en direction des
zones de production et de négoce (ces exportations étant constituées d’articles
anodins aussi bien que de biens de consommation intermédiaire rentrant dans le
processus de fabrication des narcotiques, comme les précurseurs chimiques mais
également tout le matériel nécessaire à la logistique des producteurs et des
circuits de distribution : navires, aéronefs, véhicules, installations
chimiques et agricoles, installations commerciales et industrielles...). On
peut évoquer les exemples les plus criants, comme la vente massive de produits
précurseurs par l’industrie chimique allemande (qui s’est livrée à un lobbying
très efficace auprès de son gouvernement jusqu’en 1994, date de l’adoption
d’une législation plus sévère), l’armement du Pakistan par les arsenaux
français ou bien encore la position très forte des constructeurs d’automobiles
français et allemands en Amérique andine. Nombres d’entreprises du Nord et donc
d’emplois nord-américains, japonais ou européens dépendent ainsi de la
prospérité du trafic de stupéfiant dans ces zones de chalandise, le trafic
étant directement consommateur de produits intermédiaires, sans oublier son rôle
dans la création d’une prospérité nouvelle qui permet d’assouvir les besoins
des populations concernées en produits manufacturés. Il doit également être
fait mention ici des prestations financières effectuées le plus souvent par des
filiales de grandes banques occidentales installées sur des territoires à la
législation libérale en matière d’offshore banking. On touche ici à la question du
blanchiment de l’argent, notion parfois obscure qui sera développée dans une
section spécifique (1.3.1. Recyclage des capitaux sur les places
financières).
Si l’économie de la drogue est
surtout visible dans les zones les plus pauvres (au Nord comme au Sud) du fait
de l’effet de contraste dû à l’absence d’autres secteurs économiques vigoureux
qui masqueraient le poids de ses retombées, il n’en reste pas moins que ses
revenus irriguent l’ensemble de l’économie mondiale. Si nous sommes en mesure
de déduire que le coefficient de retour au Nord de l’économie de la drogue est
tout à fait considérable, il reste néanmoins à déterminer la part des activités
liées aux stupéfiants dans les richesses nationales ainsi que les parts
respectives qui reviennent à la consommation, à l’investissement, à l’épargne,
puis aux caisses des États du Nord comme du Sud (à travers par exemple les taxes
à la consommation ou à l’importation), ce qui n’a pu à ce jour être déterminé
avec une précision suffisante.
Les pays développés se livrent
donc en cette matière à une captation de richesses produites au Sud. Cette
analyse témoigne de la difficulté pour les pays du Nord de sincèrement
souhaiter une éradication brutale du trafic illégal de stupéfiants, tant les
relations économiques internationales rendent interdépendantes des prospérités
qui a priori ne semblent pas avoir de
rapport entre elles. Les dirigeants des pays du Nord sont donc amenés à choisir
d’entre deux maux, le moindre, c’est à dire entre, d’une part, le risque
sanitaire que fait courir le développement de la consommation de certaines
drogues et, d’autre part, les risques sociaux du chômage dans les industries
d’exportation en direction des zones de trafic, ainsi que ceux que représente
l’accroissement de la pauvreté dans les zones où la distribution de drogue
constitue une des dernières sources de revenus privés.
1.2.3.
Dette extérieure et développement des activités informelles, corrélation
Les pays du Sud ont d’importants besoins en capitaux pour
financer leur développement, ces fonds ont bien souvent été procurés par la
contraction de dettes publiques et privées disproportionnées par rapport aux
capacités de remboursement réelles, soit que les gouvernements de ces États se
soient montrés à la fois trop dispendieux et déraisonnablement optimistes quant
à leurs prévisions de croissance (il est vrai souvent encouragés par leurs
bailleurs de fonds), soit que les investissements que ces emprunts aient servis
à financer se soient révélés maladroits.
Le surendettement a amené pendant
les années 1980 les institutions financières internationales (Banque mondiale
et, principalement, Fonds monétaire international) à réagir en imposant aux
pays concernés (c’est à dire à la plupart des pays du Tiers monde) les politiques
d’ajustement structurel dont la doctrine est connue sous le nom de
« Consensus de Washington ». Ces politiques consistent en l’adoption
d’un libéralisme libre-échangiste et en l’assainissement des finances
publiques. Elles sont parfois appliquées de manière brutale et alors perçues
comme de véritables thérapies de choc, préjudiciables aux groupes les plus
fragiles de ces sociétés. Les règles sont les suivantes : libre
circulation des biens et des capitaux (impliquant la levée des barrières
protectionnistes protégeant les productions locales de la concurrence
extérieure) ; réduction des déficits publics dans le but de parvenir à
l’équilibre budgétaire (politique d’austérité budgétaire friedmanienne) ;
mise en place de programmes de privatisations destinés à réaliser immédiatement
des liquidités et à éliminer la menace de déficits futurs ; augmentation
des taux d’intérêt pour attirer les capitaux et juguler l’inflation (la
stabilité de la monnaie revêt dans ces politiques une importance
primordiale) ; encouragement à l’adoption de législations garantissant
strictement le secret bancaire (afin de favoriser le rapatriement de capitaux
qui ont traditionnellement tendance à « s’évader » du Tiers monde).
Le but est de parvenir à présenter des finances publiques équilibrées et en
symbiose avec les économies réelles des pays. L’austérité sur le plan interne
permet ainsi d’alimenter les banques centrales en devises pour assurer
l’équilibre des balances des paiements et, par voie de conséquence, d’assurer
le service de la dette.
Le rapatriement des capitaux,
encouragé par la garantie du secret des provenances, la convertibilité et la
stabilité des monnaies (ou la possibilité de détenir des comptes en devises)
ont permis aux narco-capitaux de revenir s’investir en toute confiance dans les
pays d’où le trafic était originaire. Pour certains d’entre eux, l’afflux a été
considérable puisque des fonds accumulés depuis plusieurs années dans les
paradis fiscaux sont soudainement apparus sur les places financières en
question. Il est à noter que les programmes de privatisation qui étaient
proposés simultanément ont permis à ces mêmes capitaux de s’investir dans des
entreprises parfaitement honorables. Le cycle de blanchiment était ainsi
complet.
Dans le même temps, les coupes
budgétaires ont engendré un appauvrissement brutal des populations (larges
dégraissages dans les fonctions publiques et les entreprises privatisées,
faillites en série des entreprises du secteur privé incapables de faire face à
la concurrence étrangère, gel des salaires et diminution des pouvoirs d’achat)
et jeté des cohortes de chômeurs dans les rues. Une partie de cette main d’œuvre
dont une fraction était qualifiée s’est résignée à rejoindre l’économie
informelle, c’est à dire, dans les régions qui s’y prêtent, vers le trafic de
stupéfiants dont les organisations ont, à cette occasion, pu réaliser un
recrutement de grande qualité.
L’accroissement du poids politique
des organisations de trafic de drogue dans certains États date de cette période
pendant laquelle elles comptaient parmi les seules entreprises exportatrices,
génératrices de devises et rentables de ces économies en état de choc. Elles
étaient donc devenues indispensables à leur survie (comme c’était
particulièrement le cas en Bolivie au Pérou et, dans une moindre mesure, en
Colombie du début des années 1980 au milieu des années 1990).
Ces politiques ont été revues sous
la pression du G7 au milieu des années 1990 pour éviter de favoriser le
blanchiment des capitaux. Les législations en faveur du secret bancaire et de
l’importation de devises qui s’étaient multipliées sont désormais démantelées
ou en passe de l’être. Mais le libre échangisme et la réticence au financement
de programmes sociaux, comme à toute intervention de l’État, continuent à créer
les conditions du développement du trafic dont la seule répression est
incapable de venir à bout.
1.2.4. La maladie hollandaise
La maladie hollandaise est
le nom que les économistes ont donné au marasme qu’ont connu les Pays-Bas après
que l’économie du pays se soit assoupie sur la rente que procurait
l’exploitation des réserves de gaz naturel. Ce syndrome est fréquent et ancien,
il a touché les empires de la Péninsule ibérique après l’afflux de métaux
précieux qu’a entraîné la colonisation des Amériques. Plus récemment,
l’ensemble des pays qui ont disposé d’une manne (pétrolière ou provenant
d’autres ressources naturelles) a connu des problèmes de démotivation liés à
l’économie de rente et a perdu en dynamisme de leurs économies productrices
respectives. La maladie hollandaise se caractérise par un afflux de
devises qui entraîne une appréciation du taux de change, cette dernière favorisant
les importations au détriment de la production locale et des exportations. Les
investissements se reportent sur la spéculation, attirant à leur tour d’autres
capitaux qui accroissent la tendance. L’économie se financiarise,
principalement en faveur des produits boursiers et de l’immobilier et en
défaveur du secteur productif.
Certains auteurs ont posé la
question concernant l’économie de la drogue : les pays producteurs ne se
laissent-ils pas distraire par cette source de revenus faciles, négligeant des
secteurs qui induiraient un développement plus durable ?[24]
Cet argument est à nuancer, tout
d’abord concernant la pérennité des activités liées aux stupéfiants, au regard
de l’adaptabilité du secteur face à d’hypothétiques évolutions des termes du marché
(quels que soient les aspects qu’ils pourraient revêtir) ; ensuite, en
considérant les investissements secondaires dans le secteur productif que
permettent les bénéfices réalisés dans le trafic ; enfin, en fonction de
la place occupée par la région examinée dans la chaîne de production
(agriculture, transformation et production chimique, transport, distribution,
services financiers), le secteur connaissant une véritable division
internationale du travail. Concernant ce dernier aspect, la production et le
négoce des stupéfiants ont souvent été évoqués comme une économie de cycle
court, ce qui n’est pas toujours exact, en particulier dans ses aspects
productifs. Enfin, on ne peut sérieusement éluder l’accumulation primitive de
capital que permet le négoce des stupéfiants, dans des pays où il est souvent
difficile de s’appuyer sur des marchés locaux pour créer un premier
enrichissement. Une partie au moins des capitaux est investie sur place dans
des activités légales. On rencontre néanmoins une grande diversité des
situations : des femmes africaines qui utilisent le trafic local de
cannabis et de médicaments pour accumuler les sommes nécessaires à
l’installation d’un petit commerce, aux grands trafiquants sud-américains qui
investissent dans des entreprises de dimension nationale, voire internationale.
Le développement des pays
concernés se trouve ainsi moins dépendant des investisseurs et capitaux
étrangers, plus prompts à se délocaliser que les nouvelles bourgeoisies
locales, souvent en quête de reconnaissance sociale.
Enfin l’appréciation du taux de
change est souvent voulue et recherchée par les autorités publiques au titre
des politiques d’orthodoxie monétaires inspirées par les institutions
internationales. La lutte contre l’inflation (voire contre l’hyper-inflation)
passe par l’importation massive des capitaux que promeuvent des taux d’intérêt
élevés et des mesures en faveur du rapatriement des fortunes, bien ou mal
acquises. L’économie de la drogue est alors au service des politiques
d’assainissement de la situation financière et monétaire des pays sources mais
n’est aucunement la cause de la surévaluation éventuelle de la monnaie. Elle
permet en outre aux banques centrales de ne pas avoir recours à des taux de
refinancement exagérément élevés pour attirer les capitaux flottants.
La maladie hollandaise
n’est donc pas systématiquement développée dans les pays sources de
stupéfiants, chaque situation étant particulière. S’il est exact que des pays
trafiquant à grande échelle comme la Birmanie, le Laos ou le Cambodge ont été
maintenus à l’écart du Miracle asiatique, ce n’est pas en raison de la
surévaluation du taux de change (une monnaie légèrement surévaluée étant une
des conditions de ce miracle en permettant des importations de matières
premières à moindre coût, la surévaluation du prix à l’exportation étant
compensée par la modération salariale) mais plutôt en raison de l’absence d’un
cadre propice au développement d’une économie licite.
En revanche, la Colombie a effectivement
subi une concurrence meilleur marché dans le secteur fruitier et a connu une
spéculation immobilière néfaste. Il est également exact que le secteur des
stupéfiants peut accaparer des investissements qui auraient pu être dirigés
vers d’autres secteurs de l’économie. Mais ces placements sont généralement
auto-financés (le secteur étant excédentaire de capitaux) et correspondent à
des disponibilités qui seraient en tout état de cause inexistantes sans les
revenus que génère le trafic.
La notion reste cependant très
discutée par les différents auteurs et la question de l’apparition des
symptômes de la maladie hollandaise causée par l’économie de la drogue
n’est pas tranchée de manière satisfaisante.
Quelles
similitudes contextuelles y a-t-il entre les Pays-Bas où le développement
humain est un des plus avancé au monde, des territoires qui connaissent de
grands désordres comme l’Afghanistan, la Birmanie ou le Liban pendant la
guerre civile, des États très stables politiquement comme le Maroc ou bien
encore les espaces morcelés d’Amérique andine ? Apparemment aucune à
l’exception du fait que le commerce des drogues est une activité essentielle de
l’économie de ces pays. Y génère-t-il des mécanismes similaires en dépit des
différences de contextes ou bien s’adapte-t-il à ce dernier pour produire en
interaction des effets diamétralement opposés ?
Le développement de la production
de drogues vient faire face à la dégradation continue des économies de rente
héritées des ères coloniales et nombre de régions du Sud (notamment en Amérique
andine et dans la zone asiatique dite du « Triangle d’or ») ont pu
dynamiser leurs croissances et accélérer leur développement à travers
l’accumulation primitive de capital que permet l’économie de la drogue. On
évoquera la Colombie qui a connu une croissance continue de plus de 5 %
par an du début des années 1990 jusqu’à la crise asiatique de 1998 et ce, en
dépit de la chute sensible de la valeur des exportations légales qui s’est
produite durant la même période. Le Myanmar est le contre exemple du
narco-développement puisqu’en dépit d’une production massive de drogue depuis
des décennies, le pays n’a entamé un timide décollage économique que très
récemment et dans lequel les revenus de la drogue ne semblent jouer qu’un rôle
anecdotique. Cette économie de la drogue reste cependant précaire et soumise à
une connivence minimale du pouvoir, c’est pourquoi sa survie dans une zone
déterminée reste aléatoire. Une des conditions pour qu’elle participe au
développement de l’économie d’un pays est qu’une partie au moins des capitaux
soient réinvestis sur place dans le secteur légal. C’est pourquoi nous
examinerons en premier lieu la question du recyclage des capitaux.
1.3.1. Recyclage des capitaux
Le blanchiment d’argent est devenu
ces dernières années une infraction autonome dans la plupart des pays. La masse
des capitaux blanchis est en grande partie originaire du trafic de stupéfiants
où de fortes sommes en numéraire circulent. C’est ce constat qui avait été à
l’origine de la remise en question des circuits bancaires qui les prenaient en
charge. L’opération consiste à convertir des espèces en dépôts bancaires
utilisables pour l’épargne et l’investissement. Deux difficultés doivent alors
être surmontées, d’une part insérer les espèces dans le système bancaire et,
antérieurement ou postérieurement suivant la technique utilisée, justifier de
l’origine de ces capitaux. Avant d’arriver à l’examen des places offshore
sur lesquelles les capitaux s’abritent, voyons dans un premier temps quelles
sont les différentes figures du blanchiment.
Une des possibilités consiste à
acquérir avec des espèces, des biens de valeur facilement négociables, (œuvres
d’art, antiquités, bijoux, métaux et pierres précieuses, automobiles…) qui
seront ensuite revendus contre paiement par chèque. Un autre système classique
est d’avoir recours aux jeux d’argent (en jouant contre soi-même ou en
changeant ses « gains », qui ne seront en fait que la mise de départ,
contre un paiement officiel par chèque).
On peut procéder par amalgamage,
c’est à dire en insérant les revenus d’activités illégales dans les recettes
d’entreprises légales. On retrouve dans cette configuration le secteur du jeu
qui peut abriter des entreprises de blanchiment de grande ampleur (il suffit
alors que de faux joueurs, physiques ou purement comptables suivant le niveau
de contrôle des autorités de tutelle, perdent leurs mises), mais également
toutes sortes de commerces où l’on accepte les espèces. L’hôtellerie et la restauration
peuvent très facilement se prêter à ce type d’opération comme, plus
généralement, tous les secteurs d’activité où le chiffre d’affaires n’est pas
proportionnel avec les coûts de fonctionnement (principalement dans les
services). Dans cette catégorie, on peut également procéder par surfacturation
pour ristourner ensuite la partie excédentaire du paiement.
L’acquisition des quelques
produits financiers librement cessibles et anonymes encore existants (bons de
caisse, bons au porteur, emprunts d’État anonymes…) est possible mais ces
instruments sont devenus très rares. En revanche l’acquisition de Traveller’s
Cheque, de mandats télégraphiques ou d’effets de commerce (traites ou plus
largement rachats de créance) est envisageable.
Pour contourner les limites
légales du montant des dépôts en espèces (dans la plupart des pays ce montant
est équivalent à environ 10 000 dollars), les acteurs peuvent se livrer à
la pratique du smurfing (littéralement schtroumfage) qui consiste à
effectuer une myriade de dépôts de montants inférieurs (dépôt fractionné). Les
sommes collectées peuvent ensuite être concentrées, généralement par étapes,
avant d’être transférées à l’étranger.
Les transferts internationaux qui
permettent de rapatrier les gains du trafic dans les zones de production posent
des problèmes indépendants. Les transferts électroniques par les réseaux SWIFT
et CHIPS sont désormais étroitement surveillés par les autorités de contrôle et
n’offrent plus la confidentialité requise. Les trafiquants se sont donc tournés
vers des systèmes de compensation sur marchandises, ils consistent à acquérir,
dans le pays de distribution de la drogue , des biens à livrer dans le pays
source, où ils seront revendus (voir section suivante, La Colombie). Les
agents de change sont également mis à contribution et peuvent compenser et
changer directement pour leurs clients, sans pour autant passer par le circuit
bancaire pour peu qu’ils disposent d’un réseau international, ce qui est
fréquent. La surfacturation, évoquée ci-dessus, peut également être réalisée
sur des opérations d’import-export, ce qui permet de localiser les profits à
l’endroit souhaité (cette technique est utilisée par les entreprises
transnationales pour localiser les bénéfices là où l’impôt est le plus avantageux).
Certains trafiquants peuvent s’appuyer sur des systèmes de compensation
internationale traditionnels, le plus souvent à base ethnique (hawala en
Inde, fei ch’ien en Chine, tontines africaines...) qui permettent
d’échapper aux contrôles des circuits bancaires.
Certains États autorisent encore
les dépôts en espèces sur des comptes anonymes, ce sont les paradis bancaires.
Il est toutefois raisonnable de penser que ces législations sont appelées à
disparaître à moyen terme sous la forte pression qu’exercent les pays du G7
depuis quelques années. Dans ce cas, les banquiers peuvent organiser des
systèmes de compensation inter-clients, à l’intérieur du même pays alors que la
banque n’y dispose pas d’agence, pour éviter les transports d’espèces à travers
les frontières. Il est en outre fréquent de faire circuler les fonds entre
banques des différents paradis bancaires afin de compliquer d’éventuelles
recherches. Le retour des capitaux de ces pays peut poser problème s’il est
impossible à son détenteur de justifier l’origine des sommes. C’est dans ce cas
qu’il lui faut procéder à des transferts en direction de banques de plus en
plus respectables, en progressant par paliers.
Un des moyens de légitimer les
capitaux avant de les investir dans un pays disposant d’un arsenal
anti-blanchiment est de pratiquer le prêt adossé, c’est à dire qu’une banque
prête à concurrence des sommes détenues sur un compte anonyme en prenant une
sûreté sur ce capital. Ainsi le prêt est l’origine officielle des fonds et le
titre de sûreté peut rester occulte. Un autre est de jouer sur les marchés
boursiers en prenant des positions opposées (ce qui permet de faire sa propre
compensation), le jeu est à somme nulle pour l’investisseur mais permet de
transformer les gains artificiels en argent officiel. Cette pratique est
particulièrement adaptée aux marchés de produits dérivés où il est même
possible d’accroître les sommes réellement investies avec un risque minime, en
construisant par exemple des strangles (positions compensées non
symétriques).
Il est évidemment possible de
panacher toutes ces opérations, aucune n’offrant à elle seule de solution
complète et sûre au problème que pose aujourd’hui le blanchiment.
Précisons que les centres offshore
sont souvent des États du Sud où l’offre de services bancaires a été une des
sources de leur développement (avec souvent le tourisme qui permet d’attirer
les clients potentiels du secteur bancaire). Les micro-États du bassin caraïbes
en sont l’exemple type et les populations accueillent ces évolutions très
favorablement. On se doute qu’il est plus agréable d’exercer le métier
d’employé de banque dans un bureau climatisé que de couper la canne ou la
banane pour quelques dollars par jour, voire par mois. C’est pourquoi ce type
de législations s’est considérablement développé ces dernières années, allant
jusqu’à séduire de minuscules îles isolées du Pacifique (comme Niue qui n’est
desservie qu’une fois par semaine par un vol régulier). Si les centres les plus
anciens comme les Bahamas, Monaco, la Suisse et les autres sont en mesure de se
montrer regardants sur leurs nouveaux clients en se limitant aux prestations de
défiscalisation, nul doute que les nouveaux venus ne peuvent se permettre de
faire preuve de scrupules dans un domaine où la concurrence est de plus en plus
diversifiée.[25]
D’autre
part et contrairement à l’opinion des tenants d’une doctrine criminologique qui
milite en faveur de la moralisation de la vie financière, on peut réfuter la
thèse qui analyse l’existence de centres financiers laxistes comme une cause
essentielle du trafic massif de stupéfiants. Si ces circuits permettent
effectivement à certains trafiquants d’accumuler le capital sous sa forme
moderne, leur existence n’est en aucun cas une condition nécessaire de
l’existence du trafic, ni même de son développement. Il s’est agi en
l’occurrence d’une inversion logique, en posant l’existence des centres offshore
comme une cause du développement du trafic alors qu’il n’en est qu’une conséquence,
ce qui est bien différent. Des solutions de substitutions existent et le
passage par ces centres n’est nullement une obligation pour blanchir les fonds
du trafic de drogue ; bien au contraire puisqu’ils tendent à devenir de
véritables pièges où se multiplient les opérations de police (notamment dans le
Bassin caraïbe où les États ne sont pas en mesure de s’opposer aux prétentions
étasuniennes en matière d’opérations judiciaires extérieures). Ces solutions
reposent sur l’intégration déjà très avancée d’entreprises commerciales qui
permettent de se livrer aux opérations décrites ci-dessus.
Une lutte efficace contre le
blanchiment pourrait de plus avoir comme effet pervers de cantonner le
réinvestissement des bénéfices issus d’activités illégales dans le
développement de ces mêmes activités informelles au lieu de lui permette une
échappatoire en direction de l’investissement productif légal, ce qui ménage la
possibilité d’une reconversion progressive et profitable à la collectivité.
1.3.2. La Colombie
La Colombie représente l’un des
cas les plus typiques et les plus fameux de « narco-État ». La forte
médiatisation à laquelle ont été soumis ses « cartels » de
trafiquants et la guerre que les États-Unis leur ont officiellement déclarée
ont fait de la situation de ce pays de 40 millions d’habitants un exemple très
commenté. Cette république qui est la plus peuplée et de loin la plus prospère
des Andes offre une économie diversifiée et dynamique que promeut une
bourgeoisie traditionnellement entreprenante. Sa situation géographique est
avantageuse et variée avec deux façades maritimes (sur la Mer des Caraïbes et
l’Océan pacifique), le raccordement à l’Amérique centrale par sa frontière
commune avec le Panama au nord (autrefois province colombienne) et l’ouverture
intérieure sur l’Amazonie. Bordée par le Venezuela à l’est, le Brésil au sud,
le Pérou et l’Équateur au sud-est, la Colombie est une terre ouverte sur le
monde et qui jouit d’échanges commerciaux nourris.
C’est dans ce contexte que s’était
développé au début des années 1970 un vaste trafic de marijuana à destination
des États-Unis mais dont l’avenir commercial était à terme condamné du fait de
la concurrence des productions californienne et mexicaine[26]. Les trafiquants avaient alors
entrepris de réorienter leur activité en direction de la production et l’export
de chlorhydrate de cocaïne, offrant des marges bénéficiaires beaucoup plus
avantageuses bien qu’exigeant en contrepartie un processus de fabrication plus
complexe. Ces dernières années, une filière de production d’héroïne s’est
également mise en place, complétant l’offre du crack en direction de nouvelles
clientèles.
L’incidence des revenus de la
filière de transformation et d’exportation de drogues est considérable, il a
par exemple été évalué à près de 3 milliards de dollars pour l’année 1992[27]. Cette somme est à mettre en
rapport avec un produit intérieur brut de plus de 50 milliards de dollars et
des exportations légales qui atteignent près de 8 milliards de dollars. Une
grande partie des revenus du trafic revient s’investir en Colombie où les
trafiquants avaient développé jusqu’au début des années 1990 une stratégie de
conquête du pouvoir économique et politique avant de revenir à des prétentions
plus discrètes sous le poids d’une répression féroce encouragée par les
États-Unis. Ce rapatriement des capitaux était facilité par la législation
bancaire qu’avait instaurée le gouvernement Lopez-Michelsen (1974-1978) et qui
permettait de déposer au guichet de la banque centrale autant de dollars qu’on
le désirait sur un « compte de service » à la condition de les
convertir en pesos[28]. Ce système permit de blanchir
des masses considérables de narco-dollars mais surtout de mettre ces capitaux à
la disposition de l’économie du pays en l’accueillant dans son système
financier. Cet afflux était constitué non seulement par les revenus des
exportations en cours mais également par des capitaux déjà placés dans des
institutions bancaires étrangères, ce qui a d’autant accru leur masse.
Cette masse de capitaux détenue
par les trafiquants sur des comptes étrangers était si importante qu’elle a
permis à ces derniers de proposer en 1984 au gouvernement de prendre en charge
la totalité de la dette extérieure du pays (qui était encore relativement
faible à cette époque, équivalente à 3 milliards de dollars), de rapatrier un
milliard supplémentaire par an, ce après avoir démantelé toutes les activités
de trafic. Cet accord qui prévoyait l’annulation du traité d’extradition avec
les États-Unis n’a pas été accepté par le gouvernement mais cette négociation
témoigne de la surface financière qu’avaient déjà acquise les organisations de
trafic à cette époque[29].
Les trafiquants investissent
massivement dans l’économie colombienne dans les secteurs de la para-chimie et de
la pharmacie, dans les entreprises d’importation et de distribution
d’automobiles, dans l’immobilier et l’hôtellerie (ces deux derniers secteurs
d’investissements ne se sont pas toujours révélés très judicieux, les
« éléphants blancs » s’étant multipliés ces dernières années en
raison de la surcapacité engendrée par un afflux trop important de capitaux),
dans les jeux, dans l’agriculture, la grande distribution, les assurances, la
finance, les bâtiments et travaux publics, etc. L’économie officielle nationale
est donc pénétrée à son plus haut niveau par les investissements des
trafiquants. En 1997, le Département du Trésor des États-Unis a publié une
liste de 416 entités économiques (entreprises et individus) interdites de
transaction avec les entités de droit étasunien pour cause de lien avec le
narco-trafic[30]. Ces investissements peuvent
constituer des placements de rapports, rentables en eux-même ou bien des
éléments intégrés au système de trafic, déficitaires pris isolement mais qui
permettent de se procurer avec plus de facilité des produits précurseurs
(pharmacie et industrie chimique), de rapatrier les capitaux, éventuellement à
travers des opérations de compensation sur marchandises (prestataires de
services financiers, import-export), de faciliter le blanchiment (hôtellerie,
jeux).
Cet afflux de revenus a un impact
macro-économique très sensible sur la richesse nationale et a permis à la
Colombie d’afficher un taux de croissance moyen d’environ 4 % par an
pendant les 25 dernières années en dépit de la dégradation constante des termes
de l’échange de ses principales exportations légales, les produits agricoles
(fruits et surtout café) et le pétrole. Comme chez ses voisins, les capitaux
engendrés par le trafic ont permis de fournir suffisamment de liquidités pour
répondre aux programmes de privatisation et d’austérité budgétaire imposés par
les institutions financières internationales pendant les années 1980 et 1990.
Cette période est celle pendant laquelle la Colombie a effectué son décollage
économique, développé une industrie et un secteur tertiaire importants, toutes
choses qui n’auraient pas été possibles avec les seuls investissements directs
étrangers.
Le pays a été touché ces dernières
années par les répercussions de la crise asiatique et est entré en récession en
1998. La pression étasunienne qui s’accentue d’année en année ne handicape pas
le développement du trafic mais complique en revanche la pénétration de ses
revenus et son l’irrigation de l’économie locale. La Colombie reste en effet le
seul pays d’Amérique andine où les surfaces de cultures de coca et de pavot
aient augmenté ces dernières années (alors qu’elles sont proportionnellement en
recul en Bolivie et au Pérou, la capacité de production de la région restant
constante en raison de la forte progression colombienne). C’est pourquoi le
président étasunien William Clinton a proposé en août 2000 à son homologue
colombien Andres Pastrana le « Plan Colombie », dispositif qui
prévoit une aide internationale de 1,3 milliard de dollars pour poursuivre
et accentuer la lutte contre le trafic. Il semble malgré tout que le temps des
ambivalences de part et d’autre ne soit pas terminé, alors que Washington
continue d’associer explicitement le trafic à la subversion (tout spécialement
à celle de l’ELN[31], les FARC[32] étant entrés en phase de
négociation officielle avec les gouvernements colombiens et étasuniens en 1998)
et d’entendre venir prioritairement à bout de cette dernière. Le Plan pourrait,
sous prétexte de lutte contre la drogue, se transformer en une sanglante
expédition militaire contre les guérillas marxistes.
1.3.3. Le Myanmar
Le Myanmar (plus connu sous son
nom traditionnel de Birmanie) était jusqu’à ces dernières années le premier
producteur mondial d’opium (aujourd’hui dépassé par l’Afghanistan). Ancienne
colonie anglaise, située en partie dans le Triangle d’or (région qui recouvre
les zones frontalières communes du Myanmar, du Laos et de la Thaïlande), le
pays dispose d’une large façade maritime sur le Golfe du Bengale, ouvrant sur
l’Océan indien. A l’Est, il est bordé par la Chine, le Laos et la Thaïlande et
à l’Ouest par l’Inde et le Bangladesh. Les Birmans cultivent malgré tout une
tradition d’isolement, boudant l’usage des mers et se réfugiant derrière les
barrières montagneuses qui marquent les frontières terrestres. Le niveau de vie
est très bas, le produit intérieur brut par habitant atteignant à peine les
mille dollars par an en 1998. La population de 45 millions d’habitants est très
hétérogène et de multiples ethnies (environ 140) occupent le territoire,
certaines sont belliqueuses et ne reconnaissent pas l’autorité du pouvoir
central. Elles forment, sous le joug de chefs de guerre, des zones
effectivement autonomes où le gouvernement de Rangoon n’a qu’une influence
formelle[33].
C’est dans le Pays Shan, nation
séparatiste de 1 200 000 habitants à l’Est du Myanmar que Khun Sa, un
métis Sino-shan (de son vrai nom Chang Chifu), dirigeait jusqu’en 1996 la Mong
Taï Army, forte de plus de 16 000 soldats. Depuis la fin des années 1960,
le mouvement nationaliste se finance en prélevant des taxes sur le transit de
l’opium et en dirigeant les raffineries d’héroïne. Il contrôlait à la fin des
années 1980 la plus grande partie des 2500 tonnes d’opium produites
annuellement au Myanmar. Celui qu’on appelle le roi de l’opium est aujourd’hui
en résidence surveillée depuis sa reddition négociée de 1996. Le contrôle du
trafic d’opium est maintenant principalement assuré par la United
Wa State Army et par
la Myanmar National Democratic Alliance Army qui ont déplacé les zones de
production sous la pression du gouvernement.
Le Myanmar est dirigé depuis 1962
par des juntes militaires successives qui cooptent leurs membres selon un
mécanisme consensuel. Le gouvernement change régulièrement sa dénomination à l’occasion
de révolutions de palais qui ne remettent pas en cause la forme d’exercice du
pouvoir mais évolue en composition et en choix politiques. Ainsi, la ligne est
d’inspiration marxiste jusqu’à l’instauration du SLORC (State
Law and Order Restoration Committee) qui rétablit le capitalisme en 1988. L’économie s’ouvre
alors timidement sur l’étranger et cet axe est confirmé en 1997 lors de
l’instauration du SPDC (Conseil pour la paix et le développement), dernier
avatar du gouvernement militaire. Le processus de prise de décision reste
marqué par l’obscurantisme et la superstition, les avis des astrologues,
numérologues et autres mages étant régulièrement consultés et leurs
recommandations scrupuleusement respectées (par exemple, la prise de pouvoir
par le SLORC avait eu lieu le 8/8/88 à 8h08, on citera également l’émission de
coupures monétaires à la valeur faciale fantaisiste). L’intégration dans
l’ASEAN est malgré tout en cours, les voisins du Myanmar nourrissant l’espoir
de pacifier son gouvernement à travers un processus d’intégration économique.
La situation économique est
chroniquement déplorable, le pays étant déficitaire pratiquement depuis son
accession à l’indépendance en 1948. Il connaît toutefois depuis 1988 une
croissance soutenue, essentiellement alimentée par la production agricole dont
l’exportation de riz constitue la seule réussite avec celle de l’opium et de
ses dérivés. Les exportations de gaz du gisement offshore de Yadana en
direction de la Thaïlande rapportent 400 millions de dollars par an depuis 1998
et devraient permettre d’enfin équilibrer la balance des paiements, sans que la
question de l’énorme dette extérieure accumulée auparavant ne soit résolue. Le
service de cette dette ne pourrait sans doute être assuré sans les devises que
rapporte le trafic. Par ailleurs, l’hyper-inflation n’a été que très récemment
jugulée et si son taux était en 1998 limité à 10 %, il atteignait encore
50 % au milieu des années 1990.
Taux de
croissance du produit intérieur brut du Myanmar (en pourcentage, années
budgétaires du 1er avril au 31 mars)
Source : Ministry of
National Planning and Economic Development, Rangoon, cité
par Alain de Sacy in L’économie de la Birmanie. Une dépendance à la drogue,
Vuibert, Paris, 1997.
L’importance des taux de croissance
de cette dernière décennie ne doit cependant pas masquer le fait que le point
de départ en valeur absolue est manifestement bas, ce qui autorise une forte
progression relative. Cette croissance est, comme nous l’avons mentionné,
essentiellement fondée sur le secteur primaire et le Myanmar ne connaît pas de
décollage industriel comparable à ceux qui avaient permis à ses voisins de se
moderniser. Le secteur tertiaire est quant à lui essentiellement composé par
l’administration, un secteur touristique officiellement encouragé mais
balbutiant et un commerce encore embryonnaire.
Les revenus que le Myanmar tire
annuellement de l’opium ont été évalués, pour la période du début des années
1990 à un montant compris entre un et huit milliards de dollars[34]. Cette fourchette est
malheureusement très large, ce qui atteste de la difficulté d’avancer des
chiffres qui donneraient une indication plus précise qu’un ordre de grandeur
approximatif. Notons que, quelle que soit l’estimation que l’on retienne, une
partie seulement des capitaux est rapatriée. En l’occurrence, le trafic de
drogue du Triangle d’or a directement profité à des acteurs répartis dans au
moins quatre États (Myanmar, Laos, Thaïlande et, plus récemment, Chine) et ses
revenus ont été investis dans toute l’Asie du Sud-est et bien au-delà.
Le pays est selon toute
vraisemblance une place importante de blanchiment, le secteur bancaire étant
disproportionnellement développé par rapport aux besoins officiels. De plus, un
secteur du jeu (censé intégrer le complexe touristique) est en développement.
La production d’opium est en forte
baisse ces dernières années du fait des dérèglements climatiques (de 2500
tonnes en 1996 à 1100 tonnes en 1999[35]) mais laisse place au
développement spectaculaire de production d’amphétamines qui inondent les
marchés du Sud-est asiatique. En modernisant leur gamme de produits et
diversifiant leurs débouchés, les producteurs de drogues du Myanmar luttent
ainsi contre la réallocation des parts de marché de la filière de l’opium au profit
de la région du Croissant d’or et des producteurs de traitement de substitution
du Nord.
Il paraît discutable que la
production de drogue ait permis un quelconque développement au Myanmar. Au
contraire, le secteur a renforcé l’isolement du pays sur la scène
internationale et permis de différer le rétablissement des équilibres
macro-économiques. Quels qu’aient pu être les revenus du trafic, la conjoncture
politique n’était de toute façon et pendant longtemps pas propice à un
décollage économique. Il semblerait qu’en revanche la Thaïlande voisine ait
attiré à elle les capitaux amassés par les trafiquants de toute la région et
ait pu profiter de cet apport d’investissements tout en éradiquant les cultures
de son propre territoire. En l’occurrence, les politiques macro-économiques de
ces deux pays ont démontré leurs capacités à faire, par leur action, d’une même
situation un handicap ou un atout. Cependant, le chemin que prend le Myanmar
sur la voie d’une économie libéralisée peut désormais mettre à contribution la
filière de production de stupéfiants de manière plus profitable pour son
développement mais risque de poser le problème de son éradication ultérieure.
Le rôle politique du trafic comme générateur de profit, pour les élites de
Rangoon comme pour celles des régions en lutte, autorise à penser que son
utilité ne pourrait pas être remise en cause sans une vive résistance de la
part de l’ensemble des acteurs importants du pays.
2.
ENJEUX
POLITIQUES ET MODELE DE CIVILISATION,
UNE ETUDE DE CAS : LA BOLIVIE
La Bolivie, pays enclavé de la
Cordillère des Andes, peuplé de 8 millions d’habitants dont près de deux tiers
d’Amérindiens est l’un des plus pauvres d’Amérique latine (le produit intérieur
brut y était de 2 880 dollars par habitant en 1998). Entourée par le
Pérou, le Chili, l’Argentine, le Paraguay et le Brésil, la Bolivie a perdu
pendant les nombreux conflits qui l’ont opposée à ses voisins plus de la moitié
du territoire dont elle disposait lors de son accession à l’indépendance, dont
un accès à la mer, toujours revendiqué mais jamais restitué. La vie politique
se caractérise par une grande instabilité (plus de 150 coups d’État de 1850 à
nos jours) mais la démocratie semble s’installer depuis la fin des années 1980.
La population est encore largement analphabète et de nombreuses communautés
indigènes survivent dans une grande misère. A l’opposé du spectre social,
l’élite du pays ne regroupe pas plus de 50 000 personnes[36] tandis que les classes moyennes
étaient jusqu’à ces dernières années réduites à leur plus simple expression,
symptôme caractéristique de sous développement. Les ressources sont, depuis la
période précolombienne, les mines d’argent et d’étain ; s’y ajoute
aujourd’hui l’exploitation de quelques gisements d’hydrocarbures. Ce sont l’agriculture
et l’élevage qui fournissent un insuffisant complément de revenu pour le pays
mais son enclavement et le manque de voies de communication rendent les
exportations problématiques. La principale culture d’exportation était jusqu’à
ces toutes dernières années celle de la coca qui s’était considérablement
développée au cours des décennies 1970 et 1980. À côté d’un secteur légal, les
paysans ont développé des cultures à destination spécifique du trafic illégal
de cocaïne, principalement initié par des trafiquants colombiens. La situation
financière de l’État est constamment restée piteuse, une dette extérieure
astronomique et une hyper-inflation qui a sévi pendant de longues années ont
amené les institutions internationales à exiger un rigoureux assainissement au
milieu des années 1980. C’est dans ce contexte que le pays doit faire face à
des pressions contradictoires, tant internes qu’externes sur la question de la
production de drogue.
Nous examinerons tout d’abord le
rapport entretenu avec la culture de coca dans la civilisation andine et sa
spécificité en Bolivie. Nous verrons ensuite quel rôle a joué l’État dans le
développement des cultures illégales. Enfin, nous aborderons la question de
l’hégémonie des États-Unis et ses conséquences sur la souveraineté des
institutions nationales.
2.1. Rapport de la drogue aux cultures locales
L’usage
de la coca par les populations amérindiennes a laissé des traces remontant
jusqu’à 3000 ans av. J.-C. Il s’est répandu à l’époque précolombienne dans une
zone qui s’étend de l’Amérique centrale jusqu’au nord des actuels Chili et
Argentine, sur les deux versants de la Cordillère des Andes. Cette zone
recouvre de vastes territoires bordant la mer des Caraïbes et l’Océan pacifique
ainsi que l’ensemble de l’Empire inca. Sous ce dernier (1200-1533),
l’organisation de la production de l’Erythroxelum coca ou Erythroxelum
novogratanense (cocaïer) et sa consommation étaient réservés dans
certaines régions aux dignitaires du régime (clergé et noblesse) et
constituaient un privilège. L’administration de l’Inca en fit un tribut à
régler en nature par les communautés progressivement conquises. Les terres
étaient divisées en trois parties, l’une cultivée pour l’ayllu (la
communauté en langue quechua), la seconde pour le clergé (culte du
soleil) et la troisième pour l’Inca (Empereur de droit divin), ce dernier
prélevant sur sa part des réserves en prévision des calamités. C’est ainsi que
la culture du cocaïer s’est répandue sur toute l’étendue du territoire inca à
mesure de son expansion, y compris dans les régions du sud où elle était
auparavant inconnue.
Le mode
de consommation traditionnel consiste à chiquer les feuilles accompagnées d’une
pâte calcaire (chaux ou cendre végétale) qui permet la libération de
l’alcaloïde (principe actif). La mastication (cocada) dure environ 45
minutes et produit un effet successivement apaisant et dynamisant[37]. Elle
calme la faim, aide à lutter contre le froid (du fait de son effet
vasoconstricteur), favorise l’endurance et l’effort en altitude. Elle permet de
supporter de rudes conditions de vie comme les pénibles travaux des mines ou
des champs en constituant tout à la fois un produit dopant et un complément
nutritionnel riche en sels minéraux, vitamines et protéines végétales.
La coca
a dans la civilisation incaïque des fonctions rituelles, récréatives,
médicinales, économiques et politiques. Les légendes décrivent son apparition
originelle sur le lieu de dispersion du corps d’une jeune fille sacrifiée aux
dieux. La plante permet d’établir l’union spirituelle entre les êtres, la
Terre-Mère (Pachamama) et les forces protectrices de la nature. Elle est
également présente dans plusieurs rites prédictifs ou superstitieux qui
accompagnent les moments importants de la vie familiale ou de la communauté
(mariages, naissances, abondance des récoltes, etc.) ainsi que dans les rites
funéraires. Les jeunes adultes quechas subissent toujours de nos jours le hallpay,
rituel initiatique de la première mastication[38]. La
coca est également offerte en dot aux parents des jeunes filles convoitées et
est, comme l’alcool chez les Européens, un produit convivial que l’on propose
aux hôtes. Elle est utilisée en tant que préparation médicinale pour combattre
l’hypoglycémie, la déshydratation, la fatigue, le mal d’altitude (on conseille
encore aujourd’hui aux touristes et aux gens des vallées de boire des infusions
de coca lors de leurs excursions dans les montagnes). La stricte réglementation
qu’en fait l’Empire inca l’élève au rang de culture spécialisée et des colonies
temporaires sont dans ce but établies dans les vallées. Les récoltes sont
ensuite partiellement échangées avec des produits vivriers provenant d’autres
communautés. De manière plus générale, l’organisation agricole inca repose sur
un système d’échange vertical entre différentes altitudes, chacune étant
spécialisée dans la culture qui dispose du meilleur biotope. Le pouvoir central
développe un réseau de chemins pavés pour asseoir sa domination sur les
provinces éloignées et encourage simultanément la diversité agricole au niveau
local, veillant à ce que chaque communauté dispose de cultures vivrières et
cocaïères à proximité. Les routes occupent alors une fonction essentiellement
politique en facilitant le transport des tributs et la circulation des agents chargés
de leur prélèvement. L’échange économique vertical est ainsi physiquement
dissocié de l’échange politique horizontal. L’impôt de l’Inca est ensuite pour
partie stocké localement, en vue de l’approvisionnement de l’armée, de celui
des travailleurs recrutés pour de grands travaux, du secours aux pauvres et aux
victimes de famine. La cour est essentiellement alimentée par des exploitations
des régions voisines de Cuzco, la capitale, ce qui lui confère une certaine
autonomie vivrière et cocaïère.
L’effondrement
de l’Empire au XVIe siècle, soumis par Pizarro à la tête d’un corps
expéditionnaire de moins de 200 hommes, entraîne l’émergence de nouveaux points
de vue sur l’utilisation de la coca. L’Église est partisane de son éradication,
bien qu’elle prélève une dîme sur sa production. En revanche les colons et
l’administration comprennent que la plante peut convenir au soutien physique et
moral de la main d’œuvre astreinte à d’épouvantables conditions de travail et,
dans le même temps, constituer une substantielle source de revenus fiscaux.
C’est évidemment cette dernière opinion qui a prévalu et la culture de la coca
acquiert avec les mineurs et les ouvriers agricoles de nouveaux et importants
débouchés en plus des usages traditionnels qui perdurent chez les indigènes.
Passée sous contrôle créole, la production se pérennise dans certaines régions
mais disparaît dans d’autres, notamment dans celles où l’Église n’a pas eu à
affronter d’intérêts économiques ayant un besoin impératif de feuilles de coca,
essentiellement les mines. Les exploitations spécialisées, les haciendas cocaleras, se regroupent dans les Yungas
(vallées chaudes) orientales de la région de La Paz et dans les autres régions
minières, la production de proximité disparaît peu à peu. Cette nouvelle
organisation agricole oblige les populations à passer à une économie d’échanges
interrégionaux monétarisés. La circulation des biens constitue une rupture
radicale avec le système d’échange vertical inca et c’est l’un des éléments de
la brutale révolution culturelle et sociale que vivent les indigènes. La
métropole est très attentive au développement de l’économie de la coca
puisqu’elle y prélève une taxe majorée de 5 % (elle n’est que de 2 %
pour les autres produits agricoles). La baisse de l’activité minière à la fin
du XVIIe siècle a des répercussions immédiates sur la consommation
de feuilles de coca et entraîne à ce titre un rappel à l’ordre de
l’administration coloniale par la Couronne d’Espagne, inquiète pour la
stabilité des rentrées fiscales. La feuille de coca servait également de
monnaie d’échange puisque l’on pouvait la donner en paiement de l’impôt. Elle
permettait en outre de payer en nature les ouvriers qui la cultivaient, ces
derniers la négociant à leur tour pour couvrir leurs besoins[39].
Le
développement de nouvelles cultures de coca dans la région de Cochabamba
(aujourd’hui située dans le Chapare en Bolivie) à proximité immédiate de tribus
indigènes insoumises (notamment celle des Yucarare dont les membres ne
consomment pas la coca) est à l’origine d’incessantes attaques de villages de
colons par les Amérindiens rebelles. Ces derniers viennent à bout des récoltes
à la fin du XVIIe siècle et la zone principale de cultures redevient
celle des Yungas, située dans l’actuelle Bolivie. L’existence de poches
de résistance préfigure les révoltes amérindiennes de 1779-1781, menées en
Bolivie par Julián Apasa dit Tupac Katari. La Paz est assiégée en 1781 par les
rebelles. Ces derniers refusent de combattre sans avoir été ravitaillés en coca
et la plante devient en elle-même un enjeu de lutte. Les rebelles entreprennent
donc de s’emparer des haciendas, tant pour faire face à leurs propres
besoins de consommation que pour engendrer des revenus avec la
commercialisation du surplus, tout en privant les Espagnols de ces derniers.
Quelques années plus tard, les guerres d’Indépendance (commencées en 1809)
voient la coca endosser à nouveau un rôle géostratégique. Les forces loyalistes
en font un juteux mode de financement et imposent une taxe qui représente jusqu’à
30 % des contributions. Les troupes rebelles font également grand usage de
la coca comme stimulant pour les soldats.
L’Indépendance
de la Bolivie, proclamée en 1825 ne remet en cause ni les besoins, ni les
ressources du pays et le budget du jeune État fait largement appel à la coca
pour financer la reconstruction. Passé la période de flottement économique qui
a suivi l’accession à la souveraineté, les haciendas cocaleras prospèrent au XIXe
siècle sous le régime du système du latifundio (aboli par la réforme agraire de 1953) et la
production reste relativement stable jusqu’en 1970. Encore aujourd’hui, la
région des Yungas est une zone de culture légale de cocaïers, destinée à
l’usage traditionnel, à l’industrie agroalimentaire (préparation de divers dérivés
comme les infusions, appelées mate, et exportation des feuilles qui
seront décocaïnisées pour l’aromatisation des célèbres sodas) et à l’industrie
pharmaceutique (la cocaïne est utilisée comme anesthésique local et les dérivés
de la coca sont employés dans des préparations cosmétiques).
Les
communautés indiennes quechua et aymara qui représentent 60 % de la
population restent attachées à la culture et à la consommation de la coca sous
ses formes traditionnelles et en ont fait un enjeu politique. Les Nations unies
ont à ce titre prorogé en 1988 le délai de 25 ans fixé en 1964 pour une
éradication totale des cultures. Le faible gain réalisé au niveau agricole et
la relative absence du territoire bolivien de phénomènes de violence associée
au trafic plaident en faveur du maintien de cette culture et des traditions qui
y sont associées.
2.2. L’État, entre complaisance
et faiblesse
Les
bouleversements économiques et sociaux des années 1970 et 1980, tant en Bolivie
qu’à l’étranger, ont généré un contexte qui a donné lieu à des évolutions
spectaculaires dans le domaine de la culture de la coca. L’explosion de la
demande pour les paradis artificiels qu’a engendré dans les pays du Nord la
libération des mœurs des années 1960 suscite un intérêt nouveau pour la
cocaïne. Elle avait connu son heure de gloire de la fin du XIXe
siècle jusqu’à la crise de 1929 parmi une population d’artistes, de
scientifiques et de mondains plus ou moins interlopes, en Europe et en Amérique
du nord, avant de voir son influence décroître. La demande des négociants
colombiens pour des approvisionnements toujours plus importants en feuilles de
coca entraîne l’explosion des cultures dès 1970. Le contexte politique
spécifique de la Bolivie, son statut, partagé avec le Pérou, de producteur de
coca depuis des temps immémoriaux ont été les conditions du « boom de la
coca » et des profondes modifications que sa société connaît depuis une
trentaine d’années.
Un des
événements historiques qui a par la suite influencé l’enjeu politique de la
culture de la coca est la Révolution de 1952 menée par le Mouvement national
révolutionnaire (MNR) allié aux communistes. Les États-Unis qui avaient bloqué
les cours de l’étain (une des principales ressources en devises de la Bolivie)
pour garantir leurs approvisionnements pendant la guerre de Corée avaient, sans
le vouloir, engendré le renversement du régime oligarchique par les forces de
gauche. Le nouveau gouvernement nationalise le secteur minier et fonde, pour le
gérer, un établissement public national, le Comibol. Dans le même temps, une
réforme agraire est mise en place et de puissants syndicats sont créés (dont la
principale centrale ouvrière, la COB).
Le pays
est ensuite marqué par le retour d’une grande instabilité politique, l’armée
réalise un coup d’État en 1964 et la situation est très confuse de 1966 à 1971,
les révolutions de palais et les pronunciamientos se succédant. Le
général Hugo Banzer Suarez établit une dictature de 1971 à 1977, période
pendant laquelle une partie de la production de coca passe sous l’emprise du
trafic illégal. L’entourage du dictateur est très lié aux principaux
trafiquants qui jouissent de l’impunité et utilisent l’appareil répressif de
l’État pour réguler la concurrence. Dans le même temps, le régime encourage le
regroupement des producteurs officiels sous la houlette de l’Association des
producteurs de coton.
Les
années 1980 sont celles de l’âge d’or de la cocaïne, le marché nord-américain
entre dans sa phase de maturité et celui de l’Europe entame son décollage. La
succession de coups d’État qui marque les années 1977 à 1980 permet au trafic
de roder ses infrastructures sans craindre de réaction cohérente de la part
d’institutions accaparées par leur seule survie immédiate. La junte menée par
Luis Garcia Meza qui prend le pouvoir en 1980 est finalement l’aboutissement de
la collusion du pouvoir politique et des narcos. Roberto Suarez Gomez,
un des trafiquants les plus importants du pays, achète littéralement la charge
de ministre de l’Intérieur pour son complice, le général Luis Arce Gomez. Le
pays tout entier communie autour de l’exportation de la coca : les
Amérindiens sauvegardent une tradition à laquelle ils sont très sensibles, les
paysans s’assurent un revenu décent tandis que la bourgeoisie s’enrichit du
négoce et de ses retombées.
Les
facteurs les plus déterminants n’apparaissent pourtant que quelques années plus
tard, au milieu des années 1980, suite à l’aggravation de la situation
financière du pays. La dette publique démesurée que l’État a contracté depuis
1970 n’est plus supportable (la dette extérieure se monte à 670 millions de
dollars en 1970 et à 3 670 millions de dollars en 1981), le financement du
déficit budgétaire (il représente onze fois le montant des ressources en 1984)
par l’émission de monnaie a engendré une hyper-inflation qui atteint les
11 700 % en 1985. Le pays vit en effet largement au-dessus de ses
faibles moyens depuis de nombreuses années. Le taux de croissance de l’économie
est inférieur à celui de la population depuis 1978. Le pouvoir d’achat du
salaire moyen de 1985 n’équivaut qu’au tiers de celui de 1980. En 1984, la
moitié du produit des exportations est affectée au seul service de la dette en
dépit du moratoire sur une partie de cette dernière. Le flux net de la balance
des paiements est déficitaire de 1982 à 1985[40]. En
réponse à cette situation, le gouvernement réduit les importations légales, ce
qui a pour conséquence le développement de circuits de contrebande de biens et
de devises dont les infrastructures peuvent ensuite être mises au service du
trafic de drogue. L’obsolescence de l’appareil productif (notamment minier dont
la rentabilité a été considérablement obérée par le manque d’investissement),
la dégradation des termes de l’échange (effondrement des cours de l’étain) dans
un environnement mondial de plus en plus concurrentiel et la mauvaise gestion
de l’État amènent les créanciers à imposer en 1985 des réformes drastiques au
gouvernement de Victor Paz Estenssoro. Le vieux leader du MNR (il avait
participé à la révolution de 1952) achève le virage à droite de l’ancien parti
populaire et entreprend de conduire une politique ultra libérale dont le choc
est si sévère que le pouvoir doit décréter l’état d’urgence.
Le
secteur minier que Paz Estenssoro avait lui-même nationalisé en 1952 est
presque entièrement démantelé en 1986 et 20 000 salariés (sur les
26 000 que comptait la Comibol) en sont licenciés tandis que 50 000
employés des autres branches du secteur public s’apprêtent à subir le même sort
(les accords pris auprès des organismes internationaux prévoyaient la
privatisation de 158 entreprises publiques qui devait être achevée en 1992).
Dans le même temps, le FMI exige que la banque centrale attire les capitaux
pour rétablir l’équilibre de la balance des paiements, le décret suprême
21 060 qui autorise l’introduction et la détention de devises et interdit
la recherche de l’origine des dépôts est donc pris dès 1985[41]. Les
conditions sont alors réunies pour que le « boom de la coca »
connaisse son apogée et c’est à ce moment que 30 % de la population active
du pays sont poussés vers l’économie informelle[42].
L’explosion
que connaît la production de coca à partir de 1980 fait suite à une
augmentation moins marquée mais régulière au long de la décennie qui précède.
Les trois régions de production se situent dans les Yungas de La Paz (où
sont concentrées les cultures légales), dans le Chapare et, dans une moindre
mesure, dans l’Apolo. L’appauvrissement de contingents croissants de la
population associé à l’accroissement de la demande a engendré un exode massif
vers la région du Chapare. Dans cette dernière, les colons défrichent de
nouvelles terres vierges pour y planter la coca et deviennent cocaleros.
Le nombre de résidants de la région passe de moins de 50 000 personnes
avant 1980 jusqu’à 350 000 en 1989, année de l’apogée du peuplement. La
culture de la coca offre dans ce territoire de forêt tropicale peu fertile, de
réels avantages comparatifs et le Chapare supplante rapidement la région de
production historique des Yungas de La Paz. L’ouverture de ce
« front pionnier » lui permet de devenir la seconde région source de
feuilles de coca du monde, après la vallée du Huallaga au Pérou. Les
motivations d’exodes sont diverses et différents facteurs se sont succédés et
additionnés. Il y a au début des années 1980 la volonté de fuir la répression
politique de la dictature militaire puis, de 1983 à 1985, sévit la plus dure
sécheresse du siècle sur l’Altiplano, enfin,
les grandes vagues de licenciement de 1986 achèvent de populariser la ruée vers
le Chapare.
La
superficie moyenne des parcelles familiales est de 20 hectares dont seulement
1,5 à 4 hectares sont mis en culture. Une grande partie est affectée à des
plantes vivrières (riz, manioc, maïs) et un lopin (chaco) d’un demi à un hectare est généralement attribué à
la coca. Les colons se sont en outre organisés politiquement avec le retour de
la démocratie et sont affiliés à de puissants syndicats. Chaque ensemble de
parcelles donne lieu à la création d’une cellule (appelée
« syndicat », il en existait 600 au début des années 1980) qui
s’affilie à l’une des 60 centrales, elles-mêmes regroupées sous l’égide des
cinq fédérations paysannes du Chapare. Ces fédérations sont, dans l’ordre
d’importance, les suivantes : Fédération spéciale des paysans de la région
des tropiques de Cochabamba (FETCTC,
23 000 adhérents) ; Fédération des colons de Carrasco tropical (FCCT,
8 300 adhérents) ; Fédération spéciale des colons de Chimoré (FECCH) ; Fédération unique des centrales unies (FUCU) et Fédération spéciale des yungas du
Chapare (FEYCH). La FETCTC et la FCCT sont à leur tour affiliées à la Confédération paysanne (CSTUCB) et à la Confédération ouvrière
(COB). Il existe en outre un Comité de coordination des cinq fédérations ainsi
qu’un Conseil andin des producteurs de coca de Bolivie, du Pérou et de
Colombie, ces deux organismes étaient présidés en 1994 par le leader amérindien
Evo Morales[43]. Cette
conscience politique très développée chez les cultivateurs boliviens a fait du
Chapare un cas particulier, lieu de résistance, d’expérimentation et de
revendication face au discours des partisans d’une éradication pure et simple.
Les syndicats refusent la disparition de la coca sans compensation et sans mise
en place d’activités de substitution. Le FETCTC prélève par exemple une taxe sur la vente de la
coca qui permet de financer des programmes locaux de développement
d’infrastructures (routes, écoles, dispensaires, systèmes d’assainissement…)
que l’État refuse de prendre en charge, tant par manque de moyens que par peur
de paraître encourager la culture de coca auprès des bailleurs de fonds
étrangers. Les militants s’enorgueillissent d’avoir réalisé ces programmes à
des coûts bien moindres que ceux mis en place par les organismes internationaux
et étasuniens (PNUCID et USAID) et
ceci dans un climat de concertation optimal. Les organisations représentatives
paysannes ont depuis été intégrées au CONADAL
(organisme officiel qui gère la substitution des cultures par concertation) et
à ses succursales locales, les COREDAL.
Ce
succès des organisations syndicales en milieu rural résulte en grande partie de
l’attachement des Amérindiens aux systèmes de gestion agricole communautaires.
Il ravive d’autre part le souvenir des luttes des années 1950 contre les grands
propriétaires terriens créoles et métis ainsi que celui des années de
résistance à la dictature du général Banzer pendant lesquelles le syndicalisme
bolivien avait été une force déterminante. La production de coca par de petits paysans
pauvres a été l’opportunité pour les syndicats de revenir sur le devant de la
scène, en soutien d’une cause comprise et soutenue par une grande partie de la
population, très médiatisée et aux répercussions internationales.
Le boom
de la coca et la ruée qu’il a engendrée ne sont pas irréversibles et lorsqu’une
de leurs causes vient à disparaître, la tendance s’inverse. À partir de la fin
des années 1980, la baisse des cours de la feuille de coca, concurrencée par la
montée en puissance des mises en culture colombiennes entraîne un reflux
spectaculaire et la population du Chapare retrouve son niveau des années 1970.
En revanche, la production de coca ne diminue pas dans les mêmes proportions,
les exploitants restés dans la province ayant concentré et rationalisé leur
activité. Ce sont ces derniers qui, sous la conduite de leur leader et
désormais député Evo
Morales, se livrent depuis 1993 à la « Marche » des cocaleros.
Cette procession non violente des paysans du Chapare et de leurs familles vers
La Paz dure plus d’une vingtaine de jours et est chaque année un événement
politique, sorte de caravane itinérante du syndicalisme rural. Mais ces
démonstrations, comme l’activisme syndical paysan, sont en perte de vitesse et
les dernières marches ne rassemblent plus les milliers de cultivateurs et de
sympathisants qu’elles attiraient les premières années. L’amélioration des
conditions de vie d’une partie des cocaleros leur ôte le soutien d’une
partie de la population, sensible par ailleurs à la propagande du gouvernement
qui opte pour une politique de plus en plus répressive, génératrice d’une
violence qui avait jusque là épargné le pays (les campagnes d’éradication et la
volonté du gouvernement de réduire de 40 % la prime d’arrachage de
2 500 dollars par hectare ont entraîné des affrontements qui ont provoqué
la mort de onze paysans et de deux policiers et fait une centaine de blessés en
avril 1998). Les agriculteurs du Chapare dénoncent pour leur part une politique
visant à leur expulsion pour faciliter l’implantation de grandes entreprises
agro-industrielles.
Il n’en
reste pas moins que l’économie de la coca a permis à la population bolivienne
de survivre à la récession du début des années 1980 et aux violentes politiques
d’ajustement structurel qui ont suivi. L’exode vers le Chapare a évité à de
nombreuses familles de subir le chômage et la misère dans les agglomérations,
de retrouver une activité qui offrait la certitude de pouvoir alimenter une
famille (grâce aux cultures vivrières) combiné à un revenu pécuniaire décent
(qu’alimentait la vente des récoltes de coca). Ce dernier permettait de
constituer une épargne en vue d’envisager un retour en ville ou de pérenniser
l’exploitation agricole en y investissant.
L’impact
de la culture de coca et du trafic de ses feuilles et de leurs dérivés (pâte
base ou directement chlorhydrate de cocaïne) a fait l’objet de plusieurs études
macro-économiques par différents organismes dont voici une synthèse :
Estimations de l’importance relative
de l’économie de la coca en Bolivie (en pourcentage du PIB total)
Année |
Minimum |
Maximum |
1980 |
20,5 |
40,3 |
1984 |
44,9 |
48,8 |
1986 |
53,4 |
64,6 |
1987 |
24 |
26 |
1988 |
8,5 |
31 |
1990 |
3,7 |
12,9 |
1991 |
3,4 |
6 |
1993 |
2,9 |
n. c. |
D’après Roberto Laserna in
Bolivie, l’économie de la drogue, article pour le no 18
de Problèmes d’Amérique latine, p. 92.
Ce tableau présente
les écarts des estimations suivant un panel de huit sources distinctes
d’analyse économique. Il permet d’estimer l’incidence de la coca sur l’économie
bolivienne. Les chiffres les plus élevés correspondent aux années
d’hyper-inflation (1979-1985) pendant lesquelles l’économie légale subissait la
récession de plein fouet. En revanche, la baisse des chiffres des années
suivantes ne s’explique pas par une baisse des volumes produits mais, d’une
part, par une amélioration de la situation au niveau macro-économique et,
d’autre part, par une baisse des cours de la feuille de coca bolivienne qui
fait face à un environnement plus concurrentiel. Dans le même temps, le taux de
chômage évolue de 5 % en 1980 à plus de 35 % de la population active
en 1988.
En 1990, un
rapport gouvernemental annonce que l’économie de la coca procure plus de 325
millions de dollars de revenus (à mettre en rapport avec le milliard de dollars
d’exportations légales pour la même année) et emploie directement 350 000
personnes, soient prêt de 15 % de la population active. Il préconise de ce
fait d’éviter une éradication autoritaire des cultures qui rendrait
insupportables les difficultés sociales que connaissent beaucoup de Boliviens[44]. Un rapport du PNUCID estime
quant à lui qu’une augmentation de 10 % de la production de coca génère
une hausse de 2 % du taux de croissance et une baisse de 6 % du
chômage[45]. On a pourtant craint dans le
même temps que l’économie du pays ne commence à souffrir de maladie
hollandaise mais le soutien qu’offraient les revenus de l’export de coca et
de ses dérivés au taux de change ne pouvait constituer qu’un modeste frein à sa
dégradation. Quant à la lutte contre l’inflation, en permettant à la balance
des paiements un moindre déficit, la coca se révélait être un utile
adoucissement de la politique de rigueur monétaire. On estime à la fin des
années 1990 l’apport annuel de la filière de la coca à un milliard de dollars
pour un produit intérieur brut supérieur à 20 milliards.
On note
tout de même que l’impact de la coca en termes d’emplois s’est réduit à mesure
que les travailleurs se voient proposer des alternatives, même moins
rémunératrices, mais qui permettent de vivre décemment sans encourir le risque
de poursuites judiciaires. Parallèlement, les producteurs qui poursuivent la
culture illégale de la coca s’y spécialisent et intègrent les étapes
supérieures du processus de production de la cocaïne. Grâce à l’acquisition des
technologies de transformation, ces derniers s’attribuent la valeur ajoutée qui
leur échappait auparavant et tendent à s’internationaliser en établissant des
liens avec des négociants du cône Sud de l’Amérique (dans une zone où les
trafiquants du bassin caribéen sont moins influents). Cette tendance est celle
qui domine les années 1990 pendant lesquelles la situation économique et
sociale de la Bolivie s’est sensiblement améliorée. Il subsiste toutefois plus
de 50 000 familles qui vivent directement de la culture du cocaïer à la
fin de cette dernière décennie.
Sur le plan
politique en revanche, la question des cultures légales et illégales de coca
reste un des points qui domine le débat politique national. Elle touche tant à
la sensibilité patriotique face aux pressions extérieures qu’aux revendications
de classe comme nous l’avons énoncé plus haut pour ce qui concerne les
cultivateurs et leurs organisations représentatives. C’est en ce sens qu’il
faut par exemple analyser le relâchement de la répression par les services
anti-drogue du FELCN (l’administration chargée de la lutte contre les cultures
et le trafic illégaux) avant les consultations électorales, comme ce fut le cas
en 1993 alors que les producteurs de coca représentaient directement plus de
120 000 électeurs. D’autre part, les exemples de collusion entre le
pouvoir politique et les trafiquants n’ont pas manqué et ont été à l’origine de
nombreux scandales liés au financement de campagnes à ces mêmes élections. La
classe politique bolivienne est coutumière du fait, un scandale avait déjà
éclaboussé le ministre de l’Intérieur Guillermo Capobianco et entraîné sa démission en mars
1991. Quelques années auparavant, c’était le président Herman
Siles Zuazo (élu en
juin 1980 mais qui ne prit le pouvoir qu’en 1982, à la suite de sa restitution
par l’armée) qui était mis en cause par le trafiquant Roberto Suarez. Ce
dernier révéla à la presse que le président avait envoyé son ministre de
l’Intérieur négocier le retrait des forces de répression à la suite du raid de
1984 dans le Chapare et qu’au cours des discussions, les trafiquants proposaient
de prendre à leur charge la moitié de la dette extérieure du pays, en échange
d’un pacte de non-agression (ce type d’argument avait à la même époque
également été présenté par les cartels colombiens). Le scandale qui suivit
cette révélation coûta les élections de 1985 à la gauche. La droite n’est pas
épargnée par ce type d’affaires et, en 1999, l’entourage du général Banzer (élu
président en 1997) est à nouveau mis en cause pour son implication avec des
organisations criminelles.
Ces
révélations ne sont pas neutres sur la perception que la population a de la
filière de la coca ; en présentant cette dernière sous le jour de la
corruption et en insistant sur ses implications criminelles, l’opinion se
désolidarise des forces qui utilisent la coca comme un moyen de pression pour
la satisfaction de revendications sociales. Les incidences extérieures ne sont
évidemment pas étrangères à la plupart de ces campagnes, l’Ambassade des
États-Unis étant l’une des premières sources de révélations à destination des
journalistes et politiciens.
La plupart
des observateurs (dont le Département d’État des États-Unis) s’accorde
cependant pour reconnaître que la production de coca et son trafic n’ont pas
profondément affecté la structure du pouvoir comme c’est en revanche le cas en
Colombie, au Pérou ou au Mexique. Cette relative distance que les institutions
ont gardée avec le trafic tiendrait au fait que la partie la plus importante de
la plus-value de la filière de la cocaïne est réalisée à l’extérieur du pays.
Les quelques trafiquants nationaux d’importance ont par ailleurs toujours
refusé l’affrontement direct avec le pouvoir et se sont pliés à ses exigences
quand la situation l’exigeait. En contrepartie, ce dernier a longtemps ménagé
un espace politique aux organisations de cultivateurs et officiellement relayé
leurs thèses au niveau international.
2.3. Poids d’une hégémonie extérieure
La Bolivie, de par sa position de
pivot au cœur de l’Amérique du sud, a toujours été l’objet d’intérêts. C’est l’Empire
inca qui a, le premier, fait de ces régions de plaines d’altitude (les altiplanos)
et de vallées tropicales le pivot de son territoire, préparant la domination
coloniale de l’Espagne. Les guerres postérieures à l’Indépendance laissent
ensuite s’exprimer la convoitise des États voisins et, jusqu’en 1938, le Chili,
le Brésil et le Paraguay dépècent la Bolivie de 1 250 000 km² sur les
2 340 000 km² qu’elle comptait en 1831. L’espace qui subsiste est
celui qui est aujourd’hui l’objet d’une attention particulière de la part des
pays voisins comme de celle des puissances d’Outre-mer, États-Unis en tête. La
pauvreté du pays, la faiblesse de sa démographie et la cupidité d’une partie de
ses élites rendent envisageable un grand nombre de combinaisons géopolitiques.
L’enclavement qui est un de ses principaux handicaps est à mettre en parallèle
avec l’étendue du territoire (qui représente encore, à titre de comparaison,
plus du double de celle de la France métropolitaine) dont une grande partie
reste difficile d’accès. L’État bolivien n’a de plus pas toujours eu la pleine
maîtrise de son propre espace comme l’ont montré les attentats commis par la
guérilla anarcho-syndicaliste Tupac Katari (du nom du leader amérindien qui
avait conduit les révoltes contre l’occupant espagnol) finalement démantelée en
1992 ou, plus anciennement, la tentative de subversion armée qu’avait organisée
Ernesto « Che » Guevara en 1967.
La production massive de coca est
évidemment la cause principale des pressions des États du Nord et le prétexte à
un interventionnisme croissant des États-Unis qui souhaitent faire de la
Bolivie une base militaire arrière pour la région[46]. Cette revendication prend
actuellement une importance accrue du fait de la dispersion du Commandement Sud
de l’armée des États-Unis après la restitution du canal de Panama. Le Venezuela
avait été initialement pressenti pour accueillir le redéploiement des troupes
étasuniennes mais ce pays a désormais à sa tête le président Hugo Chavez dont
l’attitude pour le moins réservée à l’égard de la politique extérieure
étasunienne écarte une telle hypothèse. Cette situation fournit un argument de
poids en faveur de l’option bolivienne.
Le pays reste néanmoins un cas
singulier dans la mesure où, comme nous l’avons vu, la coca tient une place
particulière dans la culture et le débat politique boliviens. C’est sans doute
pour cette raison que les politiques d’éradication ont été mises en place avec
une relative nuance et de manière progressive depuis le milieu des années 1980.
La Bolivie est ainsi l’un des deux seuls pays (avec la Turquie au début des
années 1970) à avoir bénéficié d’un programme d’indemnisation pour la
destruction des cultures.
Le but des puissances extérieures
est donc d’éliminer les sources de plantes à drogue, espérant ainsi tarir
l’approvisionnement de stupéfiants dans leurs pays respectifs. Les relations
internationales ont été, au cours du XXe siècle un des lieux
d’expression du prohibitionnisme et la question des stupéfiants est devenue un
thème central sur la scène internationale depuis les années 1970. Cet enjeu
prend une ampleur croissante, à mesure du développement des consommations et la
fin de la guerre froide a permis d’y focaliser l’attention de manière encore
plus accrue, tant des points de vue idéologique que budgétaire (on peut
observer à titre d’exemple que l’armée américaine a réaffecté une grande partie
de ses disponibilités opérationnelles à la lutte contre la drogue afin de
conserver son niveau de financement, cette attitude entraîne une militarisation
de la lutte anti-drogue qui ne va pas sans poser des problèmes en termes de
niveau de violence et de respect des Droits de l’homme).
Ce sont évidemment les États-Unis
qui occupent, depuis l’établissement de la doctrine du président Monroe, le
rôle de puissance dominante sur l’ensemble des Amériques, la région des Andes
ne faisant pas exception. Les interventions des pays voisins ou européens, si
elles existent, n’ont pas la possibilité de s’opposer frontalement aux axes
prioritaires de la diplomatie étasunienne et n’en ont généralement pas
l’intention. C’est dans ce contexte qu’en 1985, le Département de la Défense
des États-Unis développe le concept de conflit de faible intensité qui
sert de base aux luttes anti-subversives en pointant l’ennemi intérieur,
cible de toutes les attentions. Cette doctrine identifie les désordres et
insurrections du Tiers monde comme la principale menace contre la sécurité des
États-Unis[47]. Elle comporte des volets
purement tactiques (écraser l’ennemi à l’aide d’une puissance de feu
disproportionnellement supérieure, mêler des actions de combats civiles et
militaires, etc.) ainsi que des volets idéologiques et psychologiques (préparer
les opinions locales et occidentales à l’action militaire, contrôler le flux
d’information et encadrer les médias de manière continue pendant toute la durée
de la crise). Ce dispositif tire les leçons de la défaite des forces
pro-étasuniennes au Vietnam et tente d’associer prudence à l’égard des opinions
publiques, force opérationnelle massive et pragmatisme politique. Le trafic de
drogue est ajouté en avril 1986 à la liste des menaces pour la sécurité
nationale par la directive secrète n°221 signée par le président Reagan. Elle
inclut la lutte anti-drogue aux objectifs des conflits de faible intensité
et permet l’action des forces étasuniennes à l’étranger dans ce but.
La « guerre à la
drogue » remise au goût du jour par le président Reagan[48] donne donc lieu à un
interventionnisme accru des États-Unis en Bolivie et, plus largement en
Amérique andine, dès 1980. La Maison blanche met, à cette date et après avoir
tergiversé pour reconnaître son régime, le président Luis Garcia Meza en demeure de s’attaquer à la
réduction des cultures et du trafic. La législation que ce dernier fait adopter
en ce sens en 1981 cause sa perte. Le gouvernement est déposé en août après
avoir tenté de prohiber la commercialisation de la coca et de ses dérivés. Son
successeur, le président Herman Siles Zazo, est victime des mêmes pressions
de plus en plus insistantes et Edwin Corr, l’ambassadeur des États-Unis alors
en poste à La Paz, lui fait savoir que l’aide économique étasunienne est
désormais conditionnée à l’adoption de politiques anti-drogues conformes aux
aspirations du Département d’État. Les autorités boliviennes reçoivent
2 470 000 dollars fin 1983 pour lutter contre la production et le
trafic de drogue, en échange de quoi les communistes sont éconduits de la
coalition gouvernementale. Cette relation entre la lutte anti-drogue et les
exigences des autres domaines de la politique extérieure est une constante de
la part des États-Unis et, plus généralement, des États du Nord où, malgré le
discours officiel, les nécessités géostratégiques sont presque toujours
prioritaires par rapport à la lutte contre la drogue, ce qui n’empêche pas,
comme dans le cas mentionné, que les deux objectifs puissent être atteints sans
que l’un ne porte préjudice à l’autre. Le « Tsar » anti-drogue, le
général Barry McCaffray, déclarait à ce propos en 1999 son inquiétude quant aux
informations qui circulaient concernant le recrutement de paysans boliviens par
les FARC (de Colombie). Les États-Unis évoquent fréquemment les liens entre
les guérillas subversives et le trafic mais restent souvent silencieux sur les
liens des paramilitaires d’extrême droite qui les combattent avec l’aide de ce
même trafic[49]. L’ordre des préférences de
Washington reste clairement lisible à travers la stigmatisation du discours
alors que la drogue est en fait une source de financement pour tous les
mouvements politiques, quelles que soient leurs idéologies de référence
respectives, à l’instar de bien d’autres secteurs d’activité économique dans
bien des pays.
Le président Victor Paz
Estensorro, élu en 1985, mène sur le terrain une politique qui est en tous
points conforme aux souhaits des États-Unis. En 1986 a en effet lieu en
Bolivie le premier déploiement militaire anti-drogue issu de la doctrine du conflit
de faible intensité, l’opération Blast
furnace. Raid
militaire de quatre mois dont les troupes au sol sont lourdement équipées et
soutenues par un appui aérien héliporté de dernière génération, il associe les
« Léopards » (UMOPAR) boliviens (unités anti-drogues
spécialisées dans les interventions en zone rurale), les agents de la DEA[50] et près de 200 soldats
étasuniens. Les résultats obtenus n’ont pas été à la hauteur des espérances,
quelques laboratoires et quelques tonnes de feuilles et de pâte base sont tout
de même détruits puis, la « fournaise » passée, la production
reprend. Bien loin de décourager les concepteurs de l’opération, une
intervention du même type, Snowcap, est exécutée deux ans plus tard
au Pérou, avec des moyens accrus[51].
La fin des années 1980 est la
période pendant laquelle se cumulent en Bolivie deux facteurs de pression contradictoires
sur la question des cultures de coca. D’une part, la Banque mondiale, le Fonds
monétaire international, les créanciers privés et publics exigent des rentrées
de devises accrues, des coupes budgétaires et la mise en œuvre de tous les
moyens possibles dans le but de parvenir à honorer les échéances. Les
États-Unis, pour leur part, exigent une réduction draconienne de la production
de coca et, à terme, son éradication totale. Ils préconisent une répression
renforcée et conditionnent l’ensemble des autres relations qu’ils entretiennent
avec la Bolivie à la satisfaction de leurs revendications prohibitionnistes,
notamment la destruction d’une superficie moyenne de 7 500 hectares de
coca par an. C’est dans ce contexte qu’est adoptée en juillet 1988 la loi 1008
dite « Loi du régime de la coca et des substances contrôlées ». Elle
prévoit l’éradication volontaire des cultures en contrepartie d’une
indemnisation de 2 000 dollars par hectare détruit (cette prime sera
ultérieurement portée à 2 500 dollars avant que le gouvernement ne prévoie
sa baisse de 40 % en 1998). Son bilan est mitigé dans la mesure où un
hectare de coca génère plus de 3 500 dollars de revenus par an et dissuade
donc les cultivateurs de procéder à l’arrachage « spontané », de
plus, certains agriculteurs replantent la coca après l’arrachage, sur le même
lopin où sur des zones nouvellement défrichées, plus en retrait. Les cultures
de substitution mises en place présentent parfois des difficultés d’adaptation
comme ce fut le cas des plantations de café mises en place par le FNULAD (entre
temps devenu PNUCID) dans les Yungas qui ont été décimées par un
parasite ou bien encore des cultures licites du Chapare, victimes du manque
d’infrastructures (on a ainsi vu pourrir des cargaisons de fruits, faute de
capacités suffisantes de transport). Cette loi qui se veut équilibrée consacre
en revanche la production traditionnelle de ces dernières Yungas en lui
conférant un statut légal. Il en résulte que si, fin 1992, la superficie de
cultures dans le Chapare était réduite d’environ 20 000 hectares
(40 000 hectares contre 60 000 en 1989), elle était compensée par le
détournement d’une partie croissante de la production légale, l’émergence de
nouvelles régions productrices (l’Apolo), l’amélioration des rendements à
l’hectare et surtout par l’augmentation considérable des surfaces dans les pays
voisins (y compris dans ceux qui ne connaissaient pas de culture traditionnelle
de coca). L’échec des programmes de substitution a contraint à l’exode de
nombreux paysans qui sont partis rejoindre leurs compatriotes dans les
bidonvilles argentins et les ghettos hispanophones d’Amérique du nord.
L’aide des États-Unis se limite à
environ 50 millions de dollars par an au début des années 1990, somme à mettre
en rapport avec les centaines de millions que rapporte la coca à l’économie
bolivienne et qui souligne la carence des fonds alloués à la substitution (voir
ci-après la section 2A- Bolivie : Statistiques délivrées par le
Département d’État des États-Unis). Cette enveloppe n’est de plus pas
affectée à la seule substitution, une grande partie va au financement d’organes
répressifs, une autre est destinée à directement subventionner la balance des
paiements (voir l’importance de cette dernière dans la section 1.2.3. Dette
extérieure). Il faut également tenir compte du fait qu’une grande partie
des sommes budgétées pour les programmes de substitution est affectée aux
dépenses d’entretiens des organes chargés de les répartir et le rendement entre
les sommes investies et celles finalement distribuées sur place est notoirement
exécrable. Les ONG qui observent la situation des Droits de l’homme ont en
outre signalé à de maintes reprises une nette aggravation des violations
commises par les forces de répression et les nombreux abus d’un système
judiciaire traditionnellement peu équitable. Rien d’inquiétant pour la Maison
blanche qui se complait quelques années plus tard (en 1994) à souligner les
progrès du bon élève bolivien dont l’appareil coercitif agit principalement
sous ses instructions mais qui a « réalisé des progrès au point d’être
capable de planifier et conduire unilatéralement de nombreuses
opérations »[52].
Le renforcement des capacités de
projection militaire des États-Unis s’accroît dans le même temps avec la
signature, en 1989, par le président Bush de la Directive de sécurité nationale
n°18 qui autorise les forces armées à s’aventurer « au-delà des zones
sûres » lors des opérations anti-drogues. La terminologie des opérations
est en outre révélatrice de l’état d’esprit dans lequel elles sont conçues par
le Département d’État : « Appui à la justice », « Appui à
la souveraineté » sont les éléments qui permettent aux spécialistes en
guerre psychologique du Pentagone de construire les campagnes de presse
différenciées et adaptées à chaque pays[53]. Comme nous l’avons évoqué plus
haut, le discours des administrations étasuniennes présente dans les pays
sources le comportement des trafiquants comme un empiètement à la souveraineté
de l’État (alors que ces derniers sont souvent des ressortissants locaux) qui
nécessite l’assistance ponctuelle ou permanente des forces étrangères. En
Bolivie, on met l’accent sur la présence de trafiquants « étrangers »
(en l’occurrence colombiens) qui salissent la réputation du pays qui les
accueille et concentrent l’essentiel des profits, agissant en parasites de
cultivateurs nationaux qui travaillent dur.
Les services diplomatiques ont
également à leur disposition un véritable stock de révélations sur le personnel
politique en place et en usent comme d’un efficace moyen de pression pour
parvenir à leurs fins. On observe à ce titre que ce sont souvent les mêmes
organes de presse qui mettent à jour les scandales impliquant des gouvernants
récalcitrants à la politique étasunienne. Au Nord on privilégie un discours
alarmiste sur les dangers de la consommation de drogue, toujours à l’affût de
nouveaux produits à diaboliser à outrance. L’exemple de la campagne qui a
accompagné le développement commercial du crack est caractéristique de cette
stratégie. Cette drogue a été l’élément inespéré qui a permis de mobiliser les
opinions du Nord comme du Sud contre la filière coca-cocaïne en dramatisant son
impact à travers une approche délibérément sensationnaliste.
La lutte anti-drogue est présentée
comme un soutien aux processus de démocratisation, ardemment souhaités par
Washington, pas seulement pour le bien être des populations mais également
parce que ce mode de gouvernement est celui qui offre actuellement la plus
forte probabilité de perméabilité aux prétentions de la puissance étasunienne.
Il présente également l’avantage de ne pas susciter d’opposition frontale de la
part des opposants à la politique extérieure des États-Unis comme ce fut le cas
par le passé pour le soutien offert par Washington à des gouvernements qui ne
présentaient pas de telles garanties de « correction politique ».
L’image est également soignée sur le terrain où les intervenants militaires
étasuniens et leurs « hôtes » se livrent à la construction
d’équipements publics, vieille recette dont le véritable but est d’améliorer la
réputation des forces armées. Elles ne sont alors plus seulement des organes de
destruction mais peuvent également être présentées comme capables de construire
pour le bien être des populations civiles.
En février 1990, le gouvernement
bolivien participe au Sommet de Carthagène (Colombie), exclusivement consacré à
la filière de la coca et qui rassemble également les délégations des
États-Unis, de la Colombie et du Pérou. Cette réunion se propose d’aborder la
question sous tous ses aspects et de permettre l’ouverture d’un champ de
discussion équitable, franc et ouvert. Le président Jaime Paz Zamora, élu
l’année précédente, entend mener une politique plus subtile que celles adoptées
par ses prédécesseurs qui, après être passés sous les fourches caudines du
Département d’État en s’engageant à intensifier la lutte contre les cultures,
reculaient bien souvent sur le front intérieur face à la pression politique
qu’exerçaient les cultivateurs. Le Sommet est pour la présidence bolivienne
l’occasion de réclamer des politiques de compensation d’envergure. Cela
constitue dès lors la ligne officielle de la Bolivie dans ses rapports
internationaux. Le gouvernement bolivien qui prend la tête de la défense des
économies andines soumet un plan de substitution qui propose non pas de
compenser la perte des revenus de la coca par le versement d'une aide
équivalente au manque à gagner mais d’investir un capital permettant de dégager
de manière pérenne des revenus similaires, ce qui requiert un investissement
initial beaucoup plus massif. Un courant d’analyse économique se développe dans
le même temps qui décrit la politique de prohibition défendue par les pays du
Nord comme une forme détournée de protectionnisme appliqué aux productions primaires
du Sud[54]. Cet argument qui peut paraître
outrancier au premier abord ne manque pas de pertinence lorsque l’on
s’intéresse à l’augmentation des productions de drogues (cannabis et
narcotiques de synthèse) au Nord au cours des années 1990. Le Sommet est
l’occasion de progrès politiques inespérés dans la reconnaissance de la
complexité des problèmes engendrés par les drogues. Les États-Unis admettent la
co-responsabilité des pays consommateurs et s’engagent à fournir un effort
substantiel en faveur de la réduction de la demande à travers l’amélioration
des programmes sociaux. De son côté, la Communauté européenne prend la décision
de lever ou d’alléger les taxes à l’importation d’une gamme de 700 produits en
provenance des pays andins.
Ces concessions de façades ne
semblent en fait destinées qu’à faire accepter la continuité de la politique
répressive qui a toujours eu la préférence des États-Unis. En fait de réduction
de la demande sur le plan intérieur, aux plans sociaux d’envergure sont
substitués une pénalisation à outrance de la consommation et de la revente de
drogue qui, à terme, alimente le boom de l’incarcération, dont les effets sont
particulièrement massifs auprès des classes déshéritées de la société
étasunienne[55]. Au Sud, l’Initiative andine,
adoptée dans la foulée du Sommet est l’occasion de confirmer la militarisation
des tâches judiciaires dans les pays andins, dotés pour cette cause d’un crédit
de 2,2 milliards de dollars sur 5 ans pour la modernisation des équipements en
matériel étasunien. Des manœuvres conjointes (UNITAS) sont régulièrement
organisées et les instructeurs étasuniens forment leurs homologues andins à
l’utilisation du matériel et à la mise en application des tactiques définies
par les manuels établis au Pentagone. Même si la Bolivie ne connaît pas
de problème chronique de subversion armée (mis à part l’épisode, apparemment
facilement réglé, de la guérilla Tupac Katari, évoqué plus haut), il semblerait
que le gouvernement des États-Unis, qui entretient une inquiétude traditionnelle
sur ce sujet, ait tenté au début de l’été 1992 d’installer une base permanente
dans la région du Beni en vue de projeter ses forces au-delà de la frontière
boliviano-péruvienne pour affronter la guérilla du Sentier lumineux[56]. Ce projet n’a échoué que suite
au tollé qu’a suscité dans le pays la découverte de la présence du corps
expéditionnaire étasunien sans l’autorisation du Parlement que prévoyait la
Constitution. Le président Jaime Paz Zamora compense alors immédiatement cette
maladresse en signant en août un accord bilatéral renforçant la coopération
militaire entre la Bolivie et les États-Unis et confirmant l’engagement de
l’armée dans la lutte anti-drogue[57]. L’option de la militarisation de
cette lutte n’est pourtant pas partagée par tous les officiels
étasuniens ; l’ancien directeur de la DEA en Bolivie, Don Ferrarone
déclare à ce sujet en 1992 que certaines unités de l’armée bolivienne sont au
service des trafiquants et que des combats avaient été engagés par leurs
soldats fin 1991 dans le Beni contre des agents de la DEA. Si l’incident est
probable, sa révélation aux médias est inhabituelle. Une telle déclaration
publique peut toutefois être mise sur le compte d’une rivalité entre services
concurrents, ce qui reste tout de même révélateur de la concurrence qui existe
entre les différents corps pour l’attribution des missions et des budgets
afférents.
D’autre part, l’aide à la
conversion économique des zones de productions reste dramatiquement
insuffisante, le ministère bolivien du Développement alternatif fait observer
en 1992 que la moyenne annuelle d’investissement dans les projets alternatifs a
été de 13 millions de dollars depuis 1987, que l’aide internationale directe en
1992 était de moins de 40 millions de dollars, alors que les services du ministère
de l’Agriculture évaluent les besoins annuels minimums des politiques de
substitution à 300 millions de dollars[58]. Un des exemples typiques d’échec
des politiques de substitution et du gaspillage des maigres fonds qui y sont
consacrés est la construction de l’usine de production laitière Milka dans le
Chapare. Sa conception surdimensionnée est la cause d’un important déficit
chronique, subventionné par le PNUCID (conçue pour traiter 50 000 litres
de lait par jour, elle n’en reçoit que 3 500 de la part des paysans
associés au projet) [59].
Le Sommet ibéro-américain de
Séville de juillet 1992 est l’occasion pour le président Jaime Paz Zamora
d’initier une offensive diplomatique d’envergue ultérieurement désignée sous le
nom de « diplomatie de la coca ». Cette dernière consiste à défendre
la spécificité culturelle du pays dans son rapport à la coca et à promouvoir
avec ardeur ses utilisations licites. Ces dernières que présente la délégation
bolivienne sont la consommation traditionnelle de chique mais également une
série de possibilités d’exploitation industrielle des dérivés encore
modestement développées et dont les débouchés restent limités à la région. Le
président de l’Uruguay et le Premier ministre espagnol Felipe González
soutiennent officiellement cette proposition qui passe par une réforme des
conventions des Nations unies en vigueur sur les stupéfiants mais les
États-Unis s’y opposent farouchement. Cette bravade soulève un espoir
considérable chez les cultivateurs andins et vient à point nommé pour revigorer
la fierté nationale bolivienne mise à mal par la très grave crise économique
des années 1980 mais reste, sur le plan des débouchés pratiques, sans
lendemain.
Après avoir obtenu la mainmise sur
l’exécutif, les pressions étasuniennes se concentrent désormais sur les
terrains judiciaires et législatifs. Ce sont par ces biais que le Département
de la Justice des États-Unis tente d’obtenir l’extradition des trafiquants
arrêtés en Bolivie afin de leur faire appliquer des condamnations en rapport avec
l’hystérie médiatique entretenue au sujet de la drogue sur le plan intérieur.
Cette pression considérable semble inspirer une telle terreur qu’elle entraîne
effectivement, au second semestre 1991, les spectaculaires et très médiatisées
redditions de sept trafiquants boliviens, en contrepartie de la garantie d’être
jugés et punis dans leur pays. Les États-Unis ne désarment pas et obtiennent
l’année suivante l’extradition de la sœur d’un trafiquant bolivien déjà détenu
aux États-Unis. Cette procédure qui repose sur de très contestables bases
juridiques soulève de vives controverses dans le débat public bolivien alors
que l’adoption d’un nouveau traité, qui permettrait, dans un premier temps,
l’extradition de 17 ressortissants boliviens en attente de jugement, est
envisagée. Or un incident survenu en juin 1992 permet à la population de
mesurer le peu de réciprocité à laquelle les États-Unis entendent se plier. Un
agent de la DEA qui, en état d’ébriété, avait accidentellement mais grièvement
blessé un habitant de Santa Cruz a été immédiatement rapatrié par son ambassade
malgré les garanties qu’avait donné le consul pour sa représentation devant la
Justice et qui avaient permis d’obtenir sa remise en liberté par la police. Cet
épisode fut l’occasion d’évoquer les brutalités policières auxquelles se
livrent les patrouilles rurales encadrées par la DEA sur les paysans et qui
entraînèrent le jugement de six policiers. L’ambassade des États-Unis a alors
fait savoir à la fin de l’année 1992 qu’elle demandait que les fonctionnaires
de la DEA bénéficient du statut d’agent diplomatique[60].
La fin des années 1990 est marquée
par le relatif succès de l’éradication des cultures de coca. L’élection, en
1997, de l’ex-dictateur Hugo Banzer Suarez à la présidence de la République (succédant
ainsi à Gonzalo Sanchez de Lozada qui s’était distingué par une
politique très proche des préoccupations étasuniennes) marque la fin des
revendications insolites de la part du gouvernement bolivien sur la scène
internationale. Le général Banzer montre d’autant plus d’entrain dans sa
politique en faveur de l’éradication que les liens que son proche entourage
avait entretenus avec les trafiquants pendant sa dictature sont régulièrement
évoqués par ses opposants et que les États-Unis sont en mesure de lui appliquer
des sanctions personnelles. Que l’on songe à l’arrestation du général Noriega,
alors président en exercice de la République du Panama, par le contingent
expéditionnaire de l’opération Juste cause, à celle de l’ancien ministre
de l’Intérieur bolivien Luis
Arce Gomez (tous deux purgent aujourd’hui des peines de 40 années d’emprisonnement
aux États-Unis) ou, plus récemment, à la suppression du visa d’entrée aux
États-Unis de l’ancien président Jaime Paz Zamora et à la condamnation en
Bolivie à une peine de prison de son vice-président Oscar Eid pour avoir
accepté le financement de leur campagne par les narcos. Ces deux
derniers dirigent le MIR qui participe à la coalition gouvernementale et le
message adressé au président Banzer par le Département d’État semble on ne peut
plus clair, il doit montrer une détermination sans faille dans la lutte contre
la coca pour faire oublier ses fautes passées[61].
L’argument est quasi-ouvertement avancé par le Département : qui, mieux
que le général Banzer, est en mesure de venir à bout des cultures
illégales ?
C’est
dans ce contexte que la présidence la République annonce qu’elle parviendra à
atteindre en 2002 le but qu’elle s’était fixée lors de la prise de fonction
d’Hugo Banzer en 1997, l’éradication totale des cultures illégales de coca sur
cinq ans, baptisé « Plan dignité ». La diminution a effectivement été
spectaculaire ces dernières années et il semblerait que la surface des cultures
soit tombée à 21 000 hectares fin 1999 contre plus du double deux ans plus
tôt[62],
reléguant le pays au troisième rang mondial en termes de capacité de production
(derrière la Colombie, où les surfaces s’accroissent proportionnellement à la
baisse chez ses voisins, et le Pérou, où la réduction est également sensible).
Ce plan, dont le coût est estimé à près d’un milliard de dollars, est
essentiellement financé par l’aide internationale, à la demande des États-Unis.
Dans le même temps, la dette a été renégociée et des accords pris en ce sens
avec le Club de Paris et le Fonds monétaire international. Mais la source
déterminante de devises qui devrait permettre au pays de véritablement
compenser la perte des revenus de la drogue est la prochaine mise en service du
gazoduc conçu pour exporter deux milliards de dollars de gaz naturel par an à
destination du Brésil.
La
multiplication des programmes de coopération avec les États-Unis sous la
présidence du général Banzer s’étend maintenant à la plupart des domaines de
compétence de l’État. Il apparaît que malgré les efforts des gouvernements
boliviens successifs de ces vingt dernières années, Washington a largement
utilisé l’argument de la production de drogue pour, inexorablement, étendre sa
surveillance de manière de plus en plus prégnante sur la politique intérieure
du pays, aboutissant à une quasi mise sous tutelle. C’est en ce sens qu’il faut
interpréter la réforme du système judiciaire dont l’adoption en 1999 d’un
nouveau Code de procédure criminelle représente l’achèvement. Ce texte, conçu
par des juristes étasuniens sur le modèle accusatoire anglo-saxon, nécessite un
coûteux programme de formation du personnel judiciaire, pris en charge au titre
de la coopération et qui est l’occasion de sensibiliser à nouveau les
magistrats locaux sur la nécessité de réprimer sévèrement le trafic. Le
Département d’État se félicite même d’être parvenu à la réforme du système de
nomination de ces derniers et d’avoir obtenu par ce biais la révocation ou
suspension de 23 juges[63]. Malgré
tout, la Cour suprême bolivienne fait de la résistance et a déclaré inconstitutionnelle
la disposition du Nouveau Code de procédure criminelle qui autorisait la vente
des avoirs saisis à titre conservatoire, avant l’obtention d’une condamnation
définitive. Après avoir obtenu de former et d’encadrer la police et l’armée, le
volet judiciaire n’échappe donc plus à la mainmise des États-Unis. Mais si
ceux-ci peuvent à présent se targuer d’avoir mis en place un « système
transparent et respectueux des Droits de l’homme », ils se félicitent
surtout de contrôler la totalité de l’appareil répressif bolivien. Le
dispositif est maintenant complet et, outre la possibilité de réclamer
l’extradition des trafiquants, il est désormais possible d’obtenir sur place un
rendement judiciaire équivalent.
Un autre
domaine d’intervention législatif est la demande faite au gouvernement de
réduire de moitié la surface de culture légale des Yungas. Le
Département d’État estime, semble-t-il à juste titre, qu’une partie importante
des cultures est détournée pour la production de cocaïne de contrebande. Mais
cette revendication pose le problème de la remise en cause de la consommation
traditionnelle qui n’a effectivement jamais eu la sympathie de Washington. On
peut imaginer qu’une fois l’ensemble des cultures illégales démantelé, les
États-Unis n’en viennent à exiger la prohibition de la chique des feuilles de
coca, ce qui constituerait un véritable « viol culturel »[64].
D’autre part, les organisations syndicales paysannes perdent progressivement de
l’influence avec l’avènement de mentalités plus individualistes qui a
accompagné le processus de libéralisation de l’économie et les succès de la
communication sophistiquée que développent les représentants étasuniens et
leurs alliés politiques locaux. La spécificité politique qui avait permis à la
Bolivie d’obtenir de réelles compensations, certes insuffisantes mais bien
meilleures que celles attribuées aux pays voisins est à présent menacée.
Cette
tendance à l’empiètement de souveraineté est accentuée par l’attitude de
certains pays européens, enrôlés dans la guerre totale à la drogue, qui mettent
à disposition des services répressifs étasuniens les informations qu’ils
recueillent dans le cadre de leurs propres procédures et enquêtes[65]. Une
fois encore, la réciprocité n’est pas de mise puisque la maîtrise des
informations et la gestion des fichiers échoit à la puissance américaine qui
est alors en mesure de pratiquer la rétention de données à l’encontre de ses
alliés. De leur côté, les pays voisins ne sont pas absents et organisent des
opérations conjointes de police judiciaire. Le Brésil, le Chili et l’Argentine
sont en effet devenus les principaux débouchés des produits, transformés ou
non, de la filière de la coca bolivienne, tant pour la réexportation que pour
la consommation locale qui se développe rapidement.
La question des compétences
effectives qu’exercent les États andins dont les derniers attributs formels
(pouvoirs de police, compétence judiciaire, politique législative) sont soumis
à des exigences et à un encadrement de plus en plus directs de la part de
l’administration étasunienne ne va pas sans soulever un véritable problème de
souveraineté. La répression à outrance des cultures et du trafic et sa
militarisation donne toutes les apparences d’une occupation étrangère
s’appuyant sur un gouvernement collaborateur. Cette situation pourrait, à
terme, glisser vers un système de régimes ouvertement fantoches dont
l’extraction démocratique ne fournirait plus qu’un alibi de façade. La
population bolivienne consultée lors des élections semble savoir à quoi s’en
tenir et parfois préférer le choix de la raison à celui de la défiance,
contrairement à ce qu’avaient fait en d’autres temps ses voisins chiliens en
élisant le président Allende. Si le contexte est aujourd’hui différent et la
gestion de l’hégémonie étasunienne plus subtile qu’elle ne l’était au temps de
la guerre froide, il n’en reste pas moins que les États-Unis s’affirment comme
puissance exclusive en Amérique andine. Son gouvernement affiche la conviction
d’être en mesure de régler ce qu’il définit comme des menaces potentielles par
la force, la domination et, si besoin est, l’intervention directe,
éventuellement ouvertement hostile. Cette attitude, traditionnelle en Amérique
latine, tend à s’étendre au reste du monde avec ou sans le consentement des
alliés et des puissances dissidentes. Le comportement adopté par le
Gouvernement des Etats-Unis en matière de drogue doit alors être examiné avec
soin en ce qu’il est symptomatique de la tendance générale de sa politique
étrangère depuis la fin de la guerre froide.
2A- Bolivie :
Statistiques délivrées par le Département d’État des États-Unis
Production de
coca
|
1999 |
1998 |
1997 |
1996 |
1995 |
1994 |
1993 |
1992 |
1991 |
Coca
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Net Cultivation(1) (ha) |
21,800 |
38,000 |
45,800 |
48,100 |
48,600 |
48,100 |
47,200 |
45,500 |
47,900 |
Eradication (ha) |
16,999 |
11,621 |
7,026 |
7,512 |
5,493 |
1,058 |
2,397 |
3,152 |
5,488 |
Cultivation (ha) |
38,799 |
49,621 |
52,826 |
55,612 |
54,093 |
49,158 |
49,597 |
48,652 |
53,388 |
Leaf: Potential
Harvest(2) (mt) |
22,800 |
52,900 |
70,100 |
75,100 |
85,000 |
89,800 |
84,400 |
80,300 |
78,000 |
HCl: Potential (mt) |
70 |
150 |
200 |
215 |
240 |
255 |
240 |
225 |
220 |
Seizures
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Coca Leaf (mt) |
56.01 |
93.72 |
50.60 |
76.40 |
110.09 |
202.13 |
201.25 |
188.90 |
5.45 |
Coca Paste(3) (mt) |
- |
- |
0.008 |
- |
0.05 |
0.02 |
0.01 |
0.33 |
0.94 |
Cocaine Base(4) (mt) |
5.48 |
6.20 |
6.57 |
6.78 |
4.60 |
6.44 |
5.30 |
7.70 |
3.12 |
Cocaine HCl (mt) |
1.43 |
3.12 |
3.82 |
3.17 |
3.59 |
1.02 |
0.31 |
0.70 |
0.32 |
Combined HCl & Base
(mt) |
6.91 |
9.32 |
10.39 |
9.95 |
8.19 |
7.46 |
5.61 |
8.40 |
3.44 |
Agua Rica(5) (ltrs) |
30,120 |
44,560 |
1,149 |
2,275 |
16,874 |
16,874 |
14,255 |
50,820 |
23,230 |
Arrests/Detentions |
2,050 |
1,926 |
1,766 |
955 |
600 |
1,469 |
1,045 |
1,226 |
1,003 |
Labs Destroyed
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Cocaine HCl |
1 |
1 |
1 |
7 |
18 |
32 |
10 |
17 |
34 |
Base |
893 |
1,205 |
1,022 |
2,033 |
2,226 |
1,891 |
1,300 |
1,393 |
1,461 |
Domestic Consumption |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Coca Leaf (licit)(6) (mt)
|
- |
- |
13,300 |
13,300 |
13,300 |
13,300 |
13,300 |
10,000 |
10,000 |
(1)The reported leaf-to-HCl
conversion ratio is estimated to be 370 kg of leaf to one kg of cocaine HCl in the
Chapare. In the Yungas, the reported ratio is 315:1.
(2)Most coca processors have eliminated the coca paste step in production.
(3)Includes dry cocaine content of agua rica (see subsequent footnote).
(4)In 1995, an additional 4.1 metric tons of cocaine HCl were seized in
(5)Agua Rica (AR) is a suspension of cocaine base in a weak acid solution. AR
seizures first occurred in late 1991. According to DEA, 37 liters of AR equal
one kg of cocaine base.
(6)Licit consumption estimates revised in 1993.
Budget
affecté à la lutte contre la drogue en Bolivie par le Gouvernement des
Etats-Unis
Bureau for International
Narcotics and Law - Budget ($000)
|
FY
1999 |
FY
2000 |
FY
2001 |
Narcotics Law Enforcement |
|
|
|
Ground
Operations Support |
9,119 |
10,570 |
10,820 |
Air
Operations Support |
2,453 |
4,900 |
4,900 |
Riverine
Operations Support |
648 |
1,200 |
800 |
Field
Support/GOB |
2,597 |
3,990 |
3,990 |
Subtotal |
14,817 |
20,660 |
20,510 |
Eradication Operations |
1,903 |
7,790 |
8,800 |
Alternative Development1 |
|
|
|
Alternative
Development |
15,000 |
10,000 |
15,000 |
Balance
of Payments |
3,000 |
4,000 |
2,000 |
Subtotal |
18,000 |
14,000 |
17,000 |
Drug Awareness Prevention |
800 |
870 |
800 |
Administration of Justice2 |
2,000 |
2,000 |
2,000 |
Program Development and Support |
|
|
|
|
|
|
|
Direct
hire (4) |
535 |
538 |
550 |
PIT/Contract
(2) |
45 |
45 |
50 |
Non-U.S.
Personnel |
|
|
|
Direct
hire (3) |
75 |
77 |
80 |
Contract
(44) |
720 |
875 |
950 |
Other
Costs |
|
|
|
International
Cooperative |
350 |
350 |
360 |
Program
Support |
755 |
795 |
900 |
Subtotal |
2,480 |
2,680 |
2,890 |
Total |
40,000 |
48,000 |
52,000 |
Emergency Supplemental Funds3 |
14,000 |
-- |
-- |
Total (Incl. Emergency Supp. Funds) |
54,000 |
48,000 |
52,000 |
1USAID administered.
2Beginning in FY 1999, AOJ funding came from INCLE funds.
3Includes $5 million for AD and $9 million for law enforcement
support.
La prohibition des drogues qui est
à l’origine des trafics illégaux résulte en fait d’un mode de représentation[66] occidentalo-centré. Les produits
issus des cultures et traditions du Sud n’ont pas droit de cité au Nord mais
s’y invitent malgré tout. Le mécanisme de répression est l’expression d’un rapport
de force civilisationnel qui entretient le statu quo et engendre un
point d’équilibre insatisfaisant pour tous les acteurs, à l’exception de ceux
qui se nourrissent directement du trafic, trafiquants et organes spécifiques de
répression. Ces derniers ont connu une incroyable croissance et sont parvenus à
un niveau d’hypertrophie spectaculaire. Aux États-Unis, le Commandement Sud de
l’armée, la DEA, le complexe carcéral, les forces de police ont atteint un
niveau inégalé de la part des richesses qu’ils ponctionnent pour leur
fonctionnement. Les forces de l’ordre deviennent un véritable État dans l’État,
animé d’une logique propre et développant des stratégies autonomes de conquête
de pouvoir et de ressources aux dépens d’autres institutions. En Amérique
andine, la sphère judiciaro-policière est de plus en plus militarisée, voire
privatisée. Les organisations para-militaires jouent dans certains pays un rôle
plus trouble encore que celui des armées dont est issue la plupart de leurs
membres mais dans un cadre évidemment plus relâché qui autorise toutes les
dérives. La priorité est toutefois donnée à la répression contre d’éventuelles
subversions, quitte à en assurer le financement par une ponction sur le trafic.
Cette ambivalence donne naissance à des zones où les enjeux politiques,
militaires et commerciaux deviennent inextricables comme c’est le cas au Pérou
avec la guérilla du Sentier lumineux que les militaires ont voulu couper du
trafic pour ensuite s’approprier le racket de celui-ci. En Colombie, la
situation reste confuse malgré les discussions entre le gouvernement et les
FARC et auxquelles assistent les représentants des Etats-Unis. Il semble que le
gouvernement étasunien se prépare à y mener une guerre ouverte comme le laisse
entendre le « Plan Colombie ». Le dernier rapport de l’Observatoire
géopolitique des drogues énonce à propos de la situation en Amérique :
« Alors que l’industrie de la drogue, loin de dépérir, confirme qu’elle
est l’un des piliers économiques de l’Amérique latine, sa répression fournit
une excuse à la mise en place d’un appareil militaro-policier fort peu efficace
mais de plus en plus violent »[67]. Les guerres à la drogue sont en
effet souvent « sales » et les exactions y sont légion. Si les
législations des pays du Nord balayent en matière de stupéfiants la plupart des
droits de la défense depuis l’adoption de la Convention de Vienne de 1988 qui
calque les dispositions qu’elle préconise d’adopter sur les mesures
anti-terroristes, on ne s’étonnera alors pas qu’au Sud, où il n’existe souvent
aucune tradition de respect des Droits humains par les appareils répressifs, on
assiste à la multiplication des cas posant problème. La pression des États-Unis
et de certains pays européens, dans la panique qui avait suivi la vague de
violence politique organisée par un cartel de Medéllín acculé par la remise en
cause du point d’équilibre que l’État colombien observait jusqu’alors, a
entraîné l’adoption d’une doctrine de lutte à outrance, les gouvernements
craignant qu’un problème de droit commun ne devienne un danger politique.
La création réelle de richesses
par le trafic a permis de prendre le relais des bailleurs de fonds impériaux du
conflit Est-Ouest, conférant aux organisations armées l’autonomie financière qui
assure leur survie. C’est principalement en ce sens qu’il faut appréhender la
violence qui existe dans certaines zones de trafic et dont ce dernier n’est pas
la cause mais un élément collatéral. La violence intrinsèque au trafic n’est
par ailleurs pas systématique, loin de là. Si sa cause peut s’expliquer par
l’impossibilité de faire appel à l’État pour régler les différends, il n’en
reste pas moins que proposant des rapports fondés sur le consensus, avec des
possibilités d’arbitrage hiérarchique, cette tendance est limitée. On observe à
ce sujet dans beaucoup de zones de trafic, une violence d’un niveau normal,
voire bas, comme c’est le cas en Bolivie ou en Europe dans la plupart des
situations. A l’inverse, en Colombie, où il existe une grande tradition de
violence dans tous les domaines (en politique, dans les rapports privés ou
commerciaux…), le trafic est violent, à l’instar de la société qui l’abrite. De
même aux États-Unis où il existe une culture populaire de violence, la
distribution de drogues s’accompagne de brutalités, une fois encore à l’instar
des autres domaines de la société où la lutte sans merci pour le bien-être
individuel (struggle for life) est un trait persistant des
mentalités.
Il serait
par ailleurs naïf, dans une civilisation marchande qui modèle le monde de telle
sorte que les offres et les demandes puissent être mises en contact de manière
toujours plus fluide, de prétendre que les seules forces de répression
pourraient être en mesure d’endiguer un flux de marchandises qui fait l’objet
d’une demande si soutenue. Qui plus est dans des systèmes politiques d’où le
contrôle social préventif a été banni et alors qu’on encourage officiellement
les derniers régimes totalitaires à adopter la démocratie et les libertés
publiques qui en découlent. Le Nord qui a créé cette conjoncture en refuse
maintenant les conséquences et tente de les résoudre par la force, ce qui
permet d’éviter une remise en cause plus large de ses valeurs morales et de sa
suprématie économique. L’utilisation de la force dans la lutte contre le trafic
montre cependant ses limites et l’augmentation massive des moyens ne permet
plus que des améliorations marginales des résultats obtenus. La cause en est
sans doute qu’outre la limite d’efficacité vers laquelle tend un système
au-delà d’une certaine énergie qui lui est impartie (saturation), la drogue
reste un mode privilégié de création de richesses qui compense la dégradation
des termes de l’échange des productions traditionnelles du Sud.
Deux
tendances sont pourtant en passe de remettre en cause ce modèle. Tout d’abord
le développement spectaculaire des drogues synthétiques, souvent produites à
proximité immédiate des marchés de débouchés, elles ne nécessitent pas d’autre
infrastructure de production que du matériel domestique tel qu’on en trouve
dans presque toutes les cuisines du monde. Alors que quelques récipients et de
quoi chauffer suffisent, la répression devra entamer une sérieuse mutation avec
la disparition programmée des complexes agrochimiques de production de drogues
industrielles qui nécessitaient de contrôler des territoires et des armées pour
les protéger. Ce passage des circuits longs qui impliquent un nombre important
d’agents à des circuits courts où les chimistes astucieux sont en mesure de
développer un petit commerce à l’échelle de leur cercle de fréquentation risque
de ruiner les pays producteurs de plantes à drogue et de disperser l’action des
services de police envers une multitude de micro-réseaux. Cette tendance est
également très nette pour la production de cannabis qui est aujourd’hui
fréquemment cultivé en intérieur (en ville) ou sur des domaines publics (en
zone rurale), permettant de démarchandiser la distribution par
l’auto-approvisionnement de petits cercles d’amateurs.
Dans le
même temps, certains États se sont lancés dans des politiques de déprohibition
sélective. Les programmes de substitution pour les toxicomanes dépendants des
opiacés se multiplient et privent le trafic de leur noyau de clients qui
étaient surtout des promoteurs, obligés de se livrer au prosélytisme pour
assurer leur propre approvisionnement. Allant plus loin et sur les traces des
Pays-Bas, la Suisse met en place une filière de production et de distribution
entièrement légale de cannabis. Mais les stocks nécessaires à l’approvisionnement
du marché suisse seront produits sur place et en aucun cas acquis au Maroc,
principal fournisseur des marchés européens. Ainsi, si ces politiques se
répandaient, les pays du Sud risqueraient d’être privés de l’essentiel des
revenus qu’ils tirent de la production et de l’exportation de stupéfiants.
Heureusement pour les cultivateurs du Rif, la France tient bon et, de concert
avec les États-Unis, avides d’imposer leurs conceptions vertueuses au monde,
ces États se refusent pour l’instant à toute réévaluation de leurs politiques.
Mais les États-Unis peuvent, comme ce fut le cas lors du conflit vietnamien,
capituler sous la pression de leur propre population puisque certains de leurs
États avaient autorisé la distribution de cannabis sous contrôle médical pour
des applications analgésiques, avec pour perspective plus ou moins avouée la
dépénalisation de l’usage[68].
En
intensifiant la lutte contre les trafics issus des pays les plus faibles et par
conséquent les moins en mesure de protéger leurs acteurs économiques, les
interventions des pays du Nord obligent les trafics à se relocaliser dans des
pays moins déshérités et bénéficiant de spécificités propres à assurer leur
défense. Ces pays abritent généralement des économies émergentes dont le poids grandissant
dans les échanges internationaux empêche que l’on puisse s’y livrer à une lutte
aveugle qui risquerait de déstabiliser par ricochet les partenaires
commerciaux. On assiste ainsi à une captation des richesses par ceux qui
bénéficient déjà des infrastructures pour les faire prospérer. Ce mécanisme
n’est pas propre au trafic de stupéfiants mais se trouve accentué par
l’interventionnisme prohibitionniste. Les perdants de ce mécanisme sont des
pays comme le Pérou ou le Nigeria (dont les vols en direction des États-Unis
sont régulièrement suspendus) et les gagnants des territoires comme Hong Kong,
la Thaïlande, le Mexique ou l’Afrique du sud. Ce problème d’accueil de la
richesse et de sa transformation au service des autres secteurs de l’économie
(phénomène d’entraînement) est caractéristique du sous développement. Que l’on
songe aux mines qui, en Europe, avaient permis l’émergence de la civilisation
la plus prospère de tous les temps alors qu’au Sud, l’activité minière ne va
souvent pas au-delà de la prédation de richesses naturelles sans qu’aucun
décollage n’en résulte, faute d’infrastructures et surtout, de possibilités
hégémoniques propres à assurer des débouchés. De ce mécanisme résulte un
surappauvrissement des pays pauvres producteurs de stupéfiants, incapables de
protéger un de leurs seuls secteurs économiques compétitifs et générateurs de
devises.
Les
livres étudiés pour la confection du mémoire de DEA font chacun l’objet d’un
bref commentaire dans la présente section. Cette liste de fiches de lecture
n’est pas exhaustive, les textes courts (articles, documents de travail, brèves
publications) n’y figurant pas. L’ensemble des textes consultés figure dans la
section suivante, Bibliographie générale du DEA.
Droit
Monique Chemillier-Gendreau, Humanité et souverainetés,
La Découverte, Paris, 1995.
Cet essai sur la démocratie mondiale propose une
réflexion sur les institutions internationales, le projet qu’elles défendent et
le conflit qu’elles entretiennent avec le respect des civilisations et de leurs
coutumes. La recherche de valeurs communes et leur acceptation,
préalable à toute convergence sincère et durable sur des règles qui doivent
pacifier les rapports qu’ont entre elles les nations souveraines est le défi
que doit relever le droit international. Il se heurte malheureusement à
l’inertie des puissances détentrices d’un siège permanent au conseil de
sécurité qui craignent la remise en cause de situations hégémoniques. La
difficulté de faire adopter puis respecter des textes équitables et générateurs
de progrès humain naît de la résistance conjuguée de ces facteurs dont il
faudra, à terme, triompher.
R.-J. Dupuis, Droit international, PUF,
Paris, 1996.
Ce
texte beaucoup plus succinct (publié dans la collection « Que sais-je ? ») que
le manuel de Serge Sur et Jean Combacau (ci-dessous) évoque de manière plus
concise la philosophie du droit international. La dimension contractuelle des
relations entre les États y est développée et le système de relations intégrées
des Nations unies largement évoqué. Cette présentation s’effectue à l’aide de
nombreux rappels historiques insérés dans l’analyse synthétique que ce texte
s’est donné pour vocation de présenter.
M. Lebrun, Interpol, PUF, Paris, 1997.
L’histoire de l’Organisation internationale de police criminelle est retracée dans ce livre. Depuis sa création à l’issue de la Première guerre mondiale, la période des années 1930 et 1940 pendant laquelle elle est dominée par les nazis, jusqu’à la confirmation de son rôle après la victoire des Alliés et l’universalisation qui en suivra, les différentes périodes de son existence sont évoquées. Son fonctionnement technique y est abordé en détail ainsi que ses statuts. Le rôle, les possibilités et les limites de l’organisation sont donc examinés. Les critiques ne sont pas omises, tant au regard des abus commis (par exemple, dans le fichage ethnique) qu’à celui des limites du système propres à son caractère inter-gouvernemental.
G. Pica, La criminologie, PUF,
Paris, 1996.
Cet
ouvrage présente la science criminelle à travers ses évolutions historiques,
son actualité, sa pertinence et les conflits et débats qui l’animent.
L’ensemble des notions utilisées par la sociologie de la transgression pénale
est évoqué et développé. Il ne s’agit pourtant pas d’un manuel et encore moins
d’un précis bien que l’ensemble de la matière soit abordé, mais de manière
concise.
Serge Sur, Jean Combacau, Droit international public, Monchrestien-Domat,
Paris, 1993.
Ce
manuel est l’un des rares ouvrages publiés en français qui embrasse l’ensemble
de la matière complexe et mouvante qu’est le droit international. Il ne traite
que brièvement des conventions relatives aux produits stupéfiants et ses
auteurs font le choix de rester sur le plan technique, puisqu’il se destine
essentiellement aux juristes. Les problèmes soulevés par le droit international
sont abordés successivement, la présentation se divisant logiquement suivant
ses différentes branches et subdivisions afin de présenter leur examen
systématique.
Économie
Michel Devoluy, Économie politique, Hachette supérieur, Paris, 1994.
Ce traité regroupe exclusivement les aspects macro-économiques. Les questions liées à la monnaie notamment sont abordées en détail (masse monétaire, création, cours…). La section traitant du commerce extérieur s’est également révélée utile pour notre travail.
Jacques Lendrevie et Denis Lindon, Mercator,
Dalloz, Paris, 1997.
Ce manuel est l’ouvrage francophone le plus complet sur les méthodes et techniques d’analyse de marché et de promotion. Il s’inspire largement des règles définies aux États-Unis pendant la période de l’après-guerre et qui constituent le fondement des stratégies marchandes adaptées à la société de consommation (c’est en fait une adaptation des ouvrages anglophones classiques sur la question). Il s’agit donc d’une compilation et non d’une recherche originale. Les grandes lignes du savoir en matière commerciale y sont recensées mais ce livre se limite strictement au marketing, c’est à dire à la connaissance rationnelle des attentes présentes où à venir des consommateurs et ne traite ni de publicité, ni de stratégie industrielle et encore moins de gestion.
A. Silem (dir.), Encyclopédie de l'économie et de la gestion, Hachette, Paris, 1994.
Comme
son nom l’indique, ce livre présente de manière complète la connaissance
économique sous forme d’articles. Il permet de consulter un thème ou sujet en
particulier et, ainsi, de vérifier ou acquérir une connaissance. Il présente la
particularité de regrouper macro et micro économie et de reprendre l’ensemble
des théories (classique, libérable, marxiste, keynésienne, analyse de l’offre
et de la demande…). Il présente également un grand nombre d’outils d’analyse
pratique et des précisions sur leur mode d’utilisation.
Géographie
G. Chaliand, J.-P. Rageau, Atlas géostratégique :
géopolitique des rapports de forces dans le monde,
Éditions Complexes, Bruxelles, 1988.
Cet
ouvrage quelque peu ancien (il a été publié antérieurement à la chute de
l’empire soviétique) fait principalement référence à un monde bipolaire. Il
reste malgré tout d’un apport précieux grâce à ses sections d’analyse
géographique pure ainsi qu’à celles se référant aux aires de civilisation. Les
points de contact civilisationnel (Proche-Orient, Asie centrale, Chine,
Amérique centrale, Méditerranée, grandes îles de la Mer de Chine méridionale…)
y sont décrits et clairement commentés à l’aide de nombreuses cartes inédites.
Yves Lacoste (dir.), Dictionnaire de géopolitique (réed.),
Flammarion, Paris, 1995.
La géopolitique, après sa mise à l’écart comme
concept scientifique dans l’après-guerre pour cause d’affiliation avec les
doctrines national-socialistes renaît en Europe occidentale dans les années
1970. Le géographe Yves Lacoste est l’un des promoteurs de cette approche qui
associe la géographie et le spectre des sciences politiques et se livre en
introduction de l’ouvrage à une érudite tentative de définition de ce concept. Rédigé
par une équipe de spécialistes, le corpus du dictionnaire est constitué
de l’ensemble des entrées qui alimentent la matière tant d’un point de vue
technique que conceptuel, de manière objective ou subjective (comme c’est par
exemple le cas pour les représentations). Malgré la qualité des
articles, on regrettera tout de même l’absence de références bibliographiques
(bien qu’il ne soit pas de coutume d’en prévoir dans un dictionnaire)
qui auraient permis d’approfondir les recherches sur certains sujets.
Ouvrage collectif, L'état du monde, éditions 1999 et 2000, La Découverte, Paris.
Les
éditions annuelles de cette série d’annuaires géopolitiques dynamiques font
depuis longtemps autorité. De nombreuses informations statistiques (par pays et
par aire géographique) sur la situation économique et sociale du monde
permettent de suivre les grandes tendances de transformation ainsi que les
accidents historiques qui sont largement commentés. Cet ouvrage constitue une
base de travail très universelle mais parfois trop succincte sur les zones qui
font l’objet des consultations. Il constitue néanmoins un intéressant point de
départ de recherche, notamment grâce à de riches notes bibliographiques.
Ouvrages et publications spécifiques à l’étude de la drogue
Questions juridiques et politiques
Olivier Brouet, Drogues et relations internationales,
Éditions Complexes, Bruxelles, 1991.
Le
livre d’Olivier Brouet retrace de manière très complète l’histoire des
relations internationales autour de la drogue, de l’Entre-deux-guerres au tout
début des années 1990 (date de sa publication). Les problématiques des rapports
Nord/Sud et Est/Ouest rencontrent la question des stupéfiants et en sont un des
thèmes, consensuel ou conflictuel, suivant les contextes. L’auteur met en
évidence la subordination des politiques de lutte contre la drogue aux visées
géopolitiques, plus larges, des nations impliquées dans les conflits de leur
temps. Il tire, en conclusion, les conséquences de l’échec des politiques de
lutte contre la drogue et ouvre la réflexion sur un renouveau des doctrines.
Jean-Pierre Galand, Fumée
clandestine. Tome 1. Il était une fois le cannabis,
Éditions du Lézard, Paris 1995.
Cet ouvrage militant, rédigé par l’un des animateurs
du Collectif d’information et de recherche cannabique, est ouvertement
anti-prohibitionniste. Il propose une légalisation générale du cannabis et des
autres drogues, s’appuyant sur les travaux de Francis Caballero et sur les
prises de position du procureur Georges Apap. Tous les aspects du cannabis
sativa (nom scientifique du chanvre indien) et de sa consommation sont
évoqués, des points de vue botanique, pharmacologique, historique géographique
et politique.
Jean Rivelois, Drogue et pouvoir : du Mexique au
paradis, L’Harmattan, Paris, 1999.
L’auteur,
chercheur à l’Institut de recherche pour le développement, a mené une
recherche de trois années au Mexique sur les implications et les conséquences
politiques de la production et du trafic de drogues. Il aborde l’ensemble des aspects
de cette problématique complexe à travers le biais des sciences politiques, de
manière très détaillée et documentée. Le rôle du trafic dans les relations de
pouvoirs qui s’expriment au sein de la société mexicaine, l’instrumentalisation
de la rente qu’il procure par le Parti révolutionnaire institutionnel et
son utilité dans le schéma de reconduction du pouvoir sont finement détaillés
et analysés. Les mécanismes qu’il décrit ne sont pas propres au Mexique et
peuvent être appliqués à la plupart des pays institutionnellement impliqués
dans le trafic de stupéfiants.
Sciences économiques et sociales
Marie-Christine Dupuis, Stupéfiants, prix, profits : l'économie
politique du marché des stupéfiants industriels, PUF, Paris, 1996.
Cet
ouvrage est une méticuleuse et exhaustive analyse du marché des stupéfiants. Il
se limite malheureusement aux filières de la cocaïne et de l’héroïne.
L’ensemble des données statistiques disponibles a été compulsé pour donner lieu
à une série de recoupements, d’analyses et de commentaires critiques.
L’important travail effectué a permis d’obtenir des résultats à l’exactitude
surprenante (ce qui est chose rare en la matière tant le caractère secret de
l’activité et les intérêts divergents des organismes chargés de le surveiller
rendent les études aléatoires). L’auteur fait état d’une formation commerciale
(HEC) et a pris le parti d’une approche très influencée par les techniques
d’analyse des marchés. La question des drogues est donc traitée ici
essentiellement sous son aspect industriel. Les stratégies des entrepreneurs du
secteur ressortent clairement des chiffres et commentaires qui se rapportent à
l’organisation des deux filières présentées.
Marie-Christine Dupuis, Finance criminelle. Comment le crime organisé
blanchit l’argent sale, PUF, Paris,
1998.
L’auteur s’est lancé dans ce qui semblait être la
suite naturelle du livre présenté ci-dessus, toujours en collaboration avec l’Institut
de criminologie de l’Université Paris II. Paradoxalement, cette étude du
monde financier et bancaire est bien moins documentée que la précédente et les
informations statistiques y sont rares. Les principales figures du blanchiment
sont toutefois décrites avec précision, à travers l’étude et le commentaire de
cas concrets. Les acteurs (institutions bancaires, compagnies d’assurance,
intermédiaires divers, systèmes de compensation communautaires…) et leurs modes
de fonctionnement sont présentés. Les différentes places d’offshore banking et leurs
législations sont également étudiées ainsi que la tendance législative
mondiale. Cette dernière voit s’accentuer la pression des grands États depuis
le début des années 1990 (notamment de la part des pays du G7 qui ont créé le
GAFI, Groupe d’action financière contre le blanchiment) pour que les situations
les plus flagrantes soient résorbées, c’est à dire pour que de telles places se
limitent à traiter des montages financiers de défiscalisation tout en se
gardant d’offrir un refuge au produit de la délinquance, ce qui suppose de
subtiles distinctions.
Guilhem Fabre, Les prospérités du crime,
UNESCO / Éditions de l’Aube, La Tour d’Aigues, 1999.
L’auteur
décrit dans cet ouvrage quels sont les phénomènes économiques qui résultent de
l’interaction entre une économie informelle hautement lucrative (principalement
la production et le négoce de stupéfiants) et ses conséquences du point de vue
macro-économique. Cette étude se limite à des régions et époques bien
déterminées, à savoir la Chine au XIXe siècle et à la période
contemporaine, la récente récession japonaise, le développement mexicain, la
recomposition des luttes politico-financières en Thaïlande, le rôle des paradis
fiscaux dans le processus de blanchiment. Cet assemblage quelque peu
hétéroclite dont la cohérence est très succincte présente néanmoins un intérêt
réel pour l’analyse qui est faite de l’évolution historique de la question des
stupéfiants en Chine. L’auteur est sinologue et socio-économiste et se trouve
donc, en cette matière, sur son terrain de prédilection.
Pierre Kopp, L’économie de la drogue,
La Découverte, Paris, 1997.
L’auteur
a repris l’ensemble des travaux et recherches concernant l’économie des
stupéfiants prohibés (essentiellement les nombreux et très intéressants travaux
américains de ces trente dernières années) pour en faire une présentation
comparée puis une synthèse critique. La formation des prix, l’incidence de leur
niveau sur le volume de la consommation, l’influence de la répression sur les
marchés ainsi que d’autres critères sont étudiés à l’aide des outils de
l’analyse économique. La rente que constituent les revenus de la drogue dans
les pays producteurs est également étudiée, bien que très partiellement. Dans
le même temps, Pierre Kopp dirigeait une étude sur le coût financier des
politiques de lutte contre la drogue en France qui est également évoquée. Il
établit un système de comparaison entre les différentes politiques menées de
part le monde développé et donne les clefs statistiques qui permettent de juger
de leur efficacité.
Alain
de Sacy, L’économie de la Birmanie. Une dépendance à la drogue,
Vuibert, Paris, 1997.
Cet ouvrage se présente comme un tableau de l’économie birmane, envisageant ses aspects officiels et informels, rédigé à destination des investisseurs étrangers. L’auteur, spécialiste des économies du Sud-est asiatique et enseignant à HEC, entreprend de démonter les facteurs politiques et macro-économiques qui conditionnent les difficultés que connaît le pays pour se développer. Le rôle des trafiquants dans la reconduction de la situation politique interne n’est pas étranger au blocage de la société civile du Myanmar, cause du retard qu’accuse le pays sur ses voisins en termes de richesse nationale.
F. Thoumi, P. Kopp, C. Castilla, D. Betancourt, M.
Garcia, R. Laserna, A. Labrousse, « Socio-économie de la
drogue dans les pays andins », numéro 18 de Problèmes d’Amérique latine,
La Documentation française, Paris, juillet-septembre 1995.
Ce
numéro spécial de la revue consacré à la place de la drogue dans les sociétés andines
fait appel à six auteurs, parmi les plus compétents sur la question. Alain
Labrousse (directeur de l’Observatoire géopolitique des drogues) évoque
la collusion de l’armée et des élites politiques avec les acteurs du trafic de
stupéfiants au Pérou sur fond de guerre civile menée par les guérillas
révolutionnaires. Pierre Kopp (économiste) rédige une étude socio-économique du
fonctionnement des cartels colombiens. Francisco Thoumi (directeur du Centre
d’études internationales de l’Université de Bogotá) analyse les politiques
de lutte contre la drogue menées sur l’initiative des pays occidentaux et tire
le constat de leur échec. Il propose d’en étudier les raisons, notamment
l’inadaptation des mesures préconisées par le gouvernement américain en parfaite
méconnaissance des réalités locales. Dario Betancourt et Martha Garcia (tous
deux chercheurs en sciences sociales à Bogotá) se livrent à une analyse des
facteurs historiques et sociologiques qui ont fait de la Colombie la terre
d’élection de puissantes organisations criminelles. Camilo Castilla (économiste
à l’Université de Colombie) relate le développement de la production de pavot
en Colombie et s’interroge sur son incidence sur les mouvements revendicatifs
armés. Roberto Laserna (chercheur au Centre d’études sur la réalité
économique et sociale de Cochabamba) étudie l’apparition d’une vigoureuse
économie de la drogue qui se développe en Bolivie dans les années 1980, en
réaction à la désorganisation de l’économie légale engendrée par une crise
profonde et durable.
Questions sanitaires et éthiques
Louis Lewin, Phantastica (réed.),
Édifor, Paris, 1996.
Pharmacologue
berlinois du début du XXe siècle, l’auteur a rédigé le premier
traité exhaustif sur les drogues, leur histoire et leur usage. Il fait encore aujourd’hui référence bien
qu’ayant été édité en 1925pour la première fois.
Rapport
du Pr Parquet, Pour une politique de prévention en matière de
comportements de consommation de substances psychoactives, coll.
Dossiers techniques du Comité français d’éducation pour la santé et Mission
interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, Paris, 1997.
Ce
rapport fait état de la recherche en matière de politiques de prévention. Les
tendances et l’évolution de la consommation y sont étudiées au regard des
différents modèles d’analyse produits par la recherche internationale. L’accent
est mis sur l’adoption en France des modèles définis par l’Association
américaine de psychiatrie et repris par l’OMS établissant la distinction entre
usage, usage nocif et dépendance. L’auteur émet en conclusion une série de
recommandations pour l’harmonisation des actions menées par les différentes
catégories d’intervenants (sociaux, sanitaires, répressifs…).
Pr Roques, Rapport sur la dangerosité des drogues,
Éditions Odile Jacob / La Documentation française, Paris, 1999.
Le rapport du Pr Roques commandé par le gouvernement français en 1997 a été rendu public en 1998. Il fait état de la recherche sur la consommation de produits psychotropes et de l’incidence de cette dernière sur la santé des consommateurs. Les mécanismes de plaisir et d’assuétude sont encore mal compris, de grands pans de la neurologie restant obscurs. L’ensemble des travaux pharmacologiques et neurobiologiques menés dans le monde sur les drogues ont été étudiés et ce rapport en établit une synthèse. Les grandes questions y sont exhaustivement abordées, comme la prédisposition génétique et la comparaison entre la dangerosité des substances, nonobstant leur statut légal. Mais ce texte constitue avant tout une source d’information très technique et requiert une bonne connaissance médicale et biologique pour être compris. Sa conclusion reste tout de même accessible à tous, la recherche en ce domaine est indigente (ce, tout spécialement en Europe), la connaissance ne progresse que très lentement et est encore très imparfaite.
Dr Andrew
Weil et Winifred Rosen, From chocolate to morphine, Houghton Mifflin Co, Boston, 1993.
L’histoire
des substances psychoactives est exhaustivement retracée dans ce livre de
vulgarisation scientifique qui se donne pour but d’aborder toutes les drogues
(légales, illégales, naturelles, chimiques…). Leurs effets, leurs modes de
consommation à travers les âges et civilisations ainsi que leurs dangerosités
respectives constituent la trame de ce volume. Les auteurs font usage d’une
grande liberté de ton et le texte est totalement dépouillé de tout a priori moral. Le rôle des industriels
dans la création et la diffusion des drogues (notamment au XIXe
siècle) est longuement abordé et l’accent est mis sur la responsabilité
occidentale, à contre courant des doctrines officielles généralement admises.
Le texte est richement documenté avec une bibliographie très complète et une
iconographie abondante. Signalons qu’il a été récemment traduit en français et
édité sous le titre Du chocolat à la morphine par les Éditions du
Lézard, Paris.
Ouvrage collectif, « Numéro
spécial toxicomanie » de la revue Combat face au SIDA,
avril 1998, Paris.
Cette revue militante a publié ici un numéro de grande qualité. Le thème de la toxicomanie et l’aspect médical sont abordés en profondeur puis dépassés pour évoquer l’ensemble des questions que pose la présence de la drogue dans la société. De nombreux articles d’opinion sont également présents et la question des stupéfiants y est abordée du point de vue politique, essentiellement en faveur d’une meilleure promotion des politiques de réduction des risques, mal acceptées en France et surtout trop timidement appliquées. Les rédacteurs font montre d’une excellente connaissance du problème, ce qui n’est malheureusement que très rarement le cas quand ce sujet est traité de manière idéologique.
Ouvrage collectif, «
Dossier : usage de drogues et toxicomanie »,
n°22 de la revue trimestrielle du Haut comité de la santé publique Actualité et dossier en santé
publique, Paris, mars 1998.
De
nombreuses informations statistiques sont reprises et commentées dans cette
revue médicale. Les articles sont signés par des chercheurs et praticiens hautement
qualifiés. Une fois encore, le cadre est largement dépassé puisque les aspects
économiques et sociaux sont également évoqués.
Ouvrage collectif, Drogues : Savoir plus, risquer moins,
Mission Interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie et
Comité français d’éducation pour la santé, Paris, 2000.
Ce
fascicule est destiné à être largement diffusé, notamment auprès des
adolescents ainsi qu’auprès des enseignants et des parents. Il fait œuvre de
vulgarisation des risques encourus par la consommation des différentes drogues
disponibles en Europe, légales ou illégales (il traite donc longuement des
risques liés à la consommation d’alcool et de tabac et aborde également le
problème de l’abus de médicaments psychotropes chez les personnes âgées), des
points de vue sanitaire, social mais aussi judiciaire. Il reprend et commente
un certain nombre de statistiques européennes et présente des comparaisons
entre les pays de l’Union. Il a également vocation à expliquer la politique,
récente en France, de réduction des risques liés à l’usage de drogue et se veut
plus objectif que les campagnes alarmistes menées par le passé, dont l’effet
avait été de décrédibiliser le discours des pouvoirs publics sur la question.
Géographie et histoire
Jean-François Bayart, Stephen Ellis et Béatrice
Hibou, La
criminalisation de l’État en Afrique, Éditions Complexes,
Bruxelles, 1998.
Cet ouvrage regroupe quatre textes, une
introduction collective suivie d’un essai de chacun des chercheurs. Le propos
est d’analyser le mode d’exercice du pouvoir en Afrique subsaharienne et ses
dérives à travers les évolutions contemporaines et les racines historiques. Le
problème de la drogue (trafic et consommation) y est abordé au même titre que
celui des différents trafics et désordres qu’abrite le continent. Les pratiques
de prédation économique auxquelles se livrent les élites africaines et la
multiplication des recours à la violence qui en découle constituent l’axe
central de ce travail de recherche en sciences politiques.
Louis
et André Boucaud, Birmanie. Sur la piste des seigneurs de la guerre,
L’Harmattan, Paris, 1985.
Les
frères Boucaud livrent dans cet ouvrage le résultat d’un long travail d’enquête
sur le terrain. Aux confins de la Birmanie se trouvent les régions où
s’expriment les revendications ethniques et politiques qui servent de toile de
fond au cœur des trafics d’opium du Triangle d’or. Ce texte, malheureusement
quelque peu ancien, est l’un des seuls travaux francophones sur les désordres
politiques et militaires contemporains de la Birmanie. Il brosse néanmoins un
tableau instructif des enjeux auxquels sont confrontés l’État birman et ses
voisins.
Antoine Boustany, Drogues de paix, drogues de guerres,
Hachette-Pluriel, Paris, 1998.
L’auteur, professeur en psychiatrie libanais,
a mené une recherche sur le rôle des drogues dans les processus de violence à
travers les âges et principalement dans le monde méditerranéen. Cette
description historique, très empreinte de références religieuses, pose la
question du rapport de cause à effet entre la violence et la prise de drogues
(sans pour autant établir de distinction claire entre les substances) mais
laisse l’interrogation en suspens quant au facteur déclenchant. Un long
épilogue retrace l’expérience du médecin dans sa consultation de
désintoxication à Beyrouth pendant la guerre du Liban et dénonce les
responsabilités des puissances intervenantes dans le conflit dans le
développement de la consommation de drogues.
Chantal Descours-Gatin, Quand l’opium finançait la colonisation en
Indochine, L’Harmattan, Paris, 1992.
L’auteur se livre à une étude exhaustive des
circonvolutions de l’administration coloniale en Indochine pour développer une
source de revenus autonome à travers l’affermage (dans un premier temps) puis
la mise en régie de la distribution de l’opium. On peut isoler trois phases
dans l’histoire de la gestion de l’opium dans la colonie française, la première
est l’établissement d’un monopole pour s’assurer le contrôle de son négoce, la
seconde est la politique de développement de la consommation et d’optimisation
du profit à travers la mise en régie, la troisième est le chemin que
l’administration prendra à contre cœur vers la réduction de la toxicomanie,
sans que la prohibition ne soit jamais instaurée. Après que la Grande-Bretagne
ait la première mis en place des politiques similaires, les puissances
coloniales ont répandu de manière durable et massive la toxicomanie aux opiacés
parmi les populations indigènes d’Asie, créant les sources d’un trafic prospère
et massif qui s’est progressivement réorienté vers les anciennes métropoles
dans les années qui suivirent la décolonisation.
Publications de l’Observatoire géopolitique des drogues (OGD)
(dirigé par Alain
Labrousse)
Charles-Henri de Choiseul Praslin, La drogue, une économie
dynamisée par la répression, Presses du CNRS, Paris,
1991.
Le texte de Charles-Henri de Choiseul Praslin
se présente en trois parties. La première analyse l’économie du marché des
drogues illicites et démontre le paradoxal et indispensable rôle de la
répression dans le développement du trafic. La seconde partie s’intéresse à la
dimension politique des organisations criminelles et à l’influence qu’elles
acquièrent face aux États ou à l’intérieur des institutions. La troisième et
dernière partie relate le rôle des produits psychotropes à travers les étapes
du développement humain, depuis les groupes primitifs jusqu’aux sociétés
contemporaines et tente d’en extraire des similitudes. L’auteur prend en conclusion
fermement parti en faveur d’une dépénalisation complète des drogues mais admet
qu’un tel revirement est très difficile à envisager politiquement. Ce texte est
contemporain de la création de l’Observatoire géopolitique des drogues dont
l’auteur est un des fondateurs.
La planète des
drogues. Organisations criminelles, guerres et blanchiment,
Le Seuil, Paris, 1993.
Alain Labrousse réunit pour la rédaction de ce volume nombre d’auteurs qui se sont intéressés à la question des stupéfiants. Juristes, sociologues, économistes, géographes et journalistes ont chacun abordé un thème à l’occasion du premier colloque de l’OGD qui s’est tenu à Paris fin 1992. La vingtaine d’articles rassemblée à cette occasion et qui est publiée ici constitue un panel d’analyses qui est regroupé par thèmes : organisations criminelles, marchés, relations Nord/Sud, conflits. Les points de vue diffèrent, ce qui permet d’envisager les différents courants de pensée qui traversent la matière. Tous s’accordent néanmoins pour reconnaître la grande complexité des enjeux et leur étroite imbrication avec de nombreuses autres questions d’ordre plus général.
La drogue,
nouveau désordre mondial, Hachette-Pluriel, Paris,
1993.
Sous
ce titre est publié le rapport 1992/1993 de l’Observatoire. La situation dans
chacun des pays concernés est traitée de manière détaillée et suivant un plan
géographique. Certains aspects anecdotiques se retrouvent ainsi isolés de tout
commentaire géopolitique. Il s’agit donc d’un texte d’information et non pas d’analyse.
Les articles concernant certains pays font néanmoins preuve d’un plus grand
sens pédagogique et retracent l’évolution historique qui a donné naissance aux
situations contemporaines.
État des
drogues, drogues des États, Hachette-Pluriel, Paris,
1994.
C’est
ici le rapport 1993/1994 de l’OGD qui est publié. Il fait appel au même plan
géographique que le précédent et vient le compléter et le mettre à jour.
Géopolitique
et géostratégies des drogues, Economica, Paris, 1996.
Cet
essai tente une esquisse de la définition de règles propres à la géopolitique
des drogues. Au travers d’une analyse historique et géographique des flux de
drogue et de leurs incidences, les auteurs dégagent des similitudes et les
utilisent à des fins prospectives. Certains exemples sont décrits en détail
telles les situations birmane, colombienne, nigériane, péruvienne et
caucasienne mais toujours dans le contexte de la recherche d’une logique propre
au trafic des stupéfiants illégaux.
Michel Koutouzis, Atlas mondial des drogues,
PUF, Paris, 1996.
L’Atlas
est, comme son nom l’indique, agrémenté de nombreuses cartes qui sont
indispensables à la compréhension des facteurs géographiques et de leur
incidence sur le trafic. Ces cartes sont largement commentées et englobent tous
les aspects du trafic (historique, militaire, financier, culturel…). Il s’agit
de l’ouvrage le plus complet publié à ce jour bien qu’il pêche parfois par une
approche excessivement synthétique.
Les drogues en
Afrique subsaharienne, Karthala, Paris, 1998.
Cet ouvrage est la publication des actes du
colloque du même nom et qui s’est tenu sous l’égide conjointe de l’OGD et du
programme MOST dans les locaux de l’UNESCO à Paris en 1998. Les participants,
chercheurs en sciences humaines, médecins, fonctionnaires africains et
occidentaux, représentants d’organisations multilatérales, d’ONG et de la
société civile se sont livrés à diverses allocutions sur la production, le
trafic et la consommation de drogues en Afrique subsaharienne. Il ressort de
leurs constations que tous les indicateurs de pénétration des drogues sont en
forte hausse dans les sociétés africaines et que les États ne sont pas en
mesure de réagir, faute de moyen mais également de modes d’action efficaces.
Les participants expriment leurs plus vives préoccupations quant à la capacité
de succès des gouvernements africains dans un domaine où les nations les plus
prospères ont échoué.
La
géopolitique mondiale des drogues 1998/1999, OGD, Paris, 2000.
Sous
ce titre est publié la dernière édition des rapports annuels de l’Observatoire.
Avec le temps, ces derniers se sont faits plus étoffés et, en plus de la
traditionnelle présentation par pays regroupés en aires géographiques, ils
consacrent une large place à des textes d’analyse synthétique concernant les
divers aspects de la géopolitique des drogues. Citons entre autres exemples le
problème de l’inflation carcérale aux États-Unis, en grande partie lié à
l’incarcération massive de petits revendeurs et de consommateurs de drogues
pour de longues peines ; la montée en puissance du blanchiment dans les
pays du Sud qui n’étaient jusque là pas spécialisés dans les services
financiers ; le problème posé par l’Ayahuasca, breuvage hypnotique
utilisé lors des cultes amérindiens et dont la consommation se diffuse en
Occident à travers l’expansion de sectes chrétiennes brésiliennes, etc. Ce
rapport reste précieux dans la mesure où il est le seul à être produit par un
groupe de chercheurs indépendants et apporte un regard critique sur les données
présentées par les principales sources mondiales (États-Unis, PNUCID, États
concernés).
Alain
Labrousse, Drogues, un marché de dupes, Éditions Alternatives,
Paris, 2000.
Dernière
publication en date de l’OGD, ce livre se propose de faire une synthèse compacte
(140 pages) mais complète et très claire des travaux de l’Observatoire depuis
sa création. Les tendances lourdes de la fin du XXe siècle en
matière de substances psychotropes apparaissent désormais de manière beaucoup
plus nette. L’augmentation des quantités de drogues
« traditionnelles » produites se destine désormais aux marchés du Sud
tandis qu’au Nord, la production de drogues chimiques (légales et illégales)
sur place ou à proximité immédiate des marchés a explosé ces dernières années
et est la principale responsable de la nouvelle croissance de la consommation.
Ces nouvelles pilules inondent également les marchés du Sud sous la pression
des grands laboratoires pharmaceutiques qui exploitent résolument les
situations provoquées par la désorganisation des structures sanitaires
officielles (notamment en Afrique). L’auteur tire également le constat de
l’échec des politiques de réduction de l’offre (éradication des cultures,
substitution...) qui ont été le prétexte à de nombreux abus en matière de Droits
de l’homme et ne sont de toute façon plus d’actualité du fait de la perte
d’influence programmée des drogues non synthétiques. Alain Labrousse se livre
en conclusion à un exercice de prospective sur les politiques de déprohibition,
détaillant les espoirs qu’elles suscitent et les pièges auxquels elles se
trouveront inévitablement confrontées.
Publications d’organes
officiels
PNUCID, World drug report 1997,
Vienne, 1998.
Ce rapport très complet du Programme des Nations
unies pour le contrôle international des drogues est un état général de la
recherche en matière de drogues, des points de vue médical, social,
criminologique, politique et économique. Les tendances du trafic et de la
production, les théories de l’usage, les conséquences sanitaires et sociales de
l’abus ainsi que les différentes politiques publiques sont décrites et
analysées. Le rapport a l’ambition d’être un outil d’aide à la décision à
destination des responsables publics (administratifs et politiques).
Département
d’État des États-Unis, Bureau for International
Narcotics and Law Enforcement Affairs, International Narcotics Control
Strategy Report, 1999, Washington, DC, www.state.gov, mars 2000.
Le
Département d’État édite chaque année un très volumineux rapport sur la
situation mondiale du trafic de stupéfiants. Ce texte, très complet, passe
méthodiquement en revue la situation par filière, par organe de contrôle
(étasuniens et internationaux), par catégorie d’infraction (consommation,
trafic, fourniture de produits précurseurs, blanchiment), par pays (les États
sont évoqués et envisagés suivant leur niveau d’action contre la drogue et le
niveau de coopération de leurs propres services avec ceux des États-Unis).
L’accent est mis sur l’évolution des législations (le Gouvernement des
États-Unis militant pour l’adoption de textes très répressifs auprès des pays
étrangers) et sur le degré de coopération avec les agences fédérales
étasuniennes. À titre d’exemple le rapport se félicite d’une « poche et
effective collaboration de la DEA et du FBI avec les police judiciaire et
gendarmerie belges […] ainsi qu’avec les magistrats nationaux » mais
évoque à propos des autorités cubaines « le manque d’informations fiables
qu’elles transmettent [et qui] rend difficile l’appréciation de la sévérité des
problèmes de drogue de ce pays ». Ce rapport est donc soumis à l’influence
des exigences de la politique étrangère que mènent les États-Unis, nonobstant
la situation effective du strict point de vue du trafic et est, à ce titre,
l’objet de nombreuses critiques. Il reste néanmoins indispensable, tant pour
l’analyse des pays qui ne connaissent pas de différend avec les États-Unis que
pour les évaluations exclusives qu’il propose grâce à des capacités humaines et
matérielles de surveillance que les agences étasuniennes sont seules en mesure
de déployer.
Département
d’État des États-Unis, Bureau for International
Narcotics and Law Enforcement Affairs, Fiscal Year 2001, Budget
Congressional Presentation, Washington, avril 2000.
Ce
document est le rapport comptable de l’International
Narcotics and Law Enforcement Affairs présenté devant le Congrès pour le vote des budgets
afférents à son fonctionnement. Son activité pour la période en cours et pour
l’exercice fiscal à venir sont détaillés. Les budgets de coopération avec les
États étrangers sont notamment détaillés et motivés.
Travaux universitaires
Laurent Tavignot, Le marché
international de la drogue, mémoire dirigé par Alain
Labrousse pour le DEA de Développement et civilisation, Université Paris II,
1991.
Ce travail brosse de manière très synthétique l’état
des différentes filières (héroïne, cocaïne, cannabis) à la fin des années 1980.
Les données disponibles sur le sujet étaient à l’époque de la réalisation de
cette recherche beaucoup plus succinctes qu’elles ne le sont aujourd’hui, ce
qui explique le traitement parfois trop superficiel de certains points. Le
tableau est tout de même complet et la prospective (en ce qui concerne le
développement des marchés émergents et les canaux de blanchiment) s’avère
rétrospectivement pertinente.
L’ensemble des textes consultés pour la confection du mémoire de recherche figure dans cette section. Il comprend les livres (y compris ceux qui ont fait l’objet d’une fiche de lecture dans la section précédente, la référence est dans ce cas suivie du symbole [F]), les articles de presse et d’encyclopédie, les documents de travail ainsi que les brèves publications.
Droit
Monique Chemillier-Gendreau, Humanité et souveraineté,
La Découverte, Paris, 1995. [F]
R.-J. Dupuis, Droit international, PUF,
Paris, 1996. [F]
M. Lebrun, Interpol, PUF, Paris, 1997. [F]
G. Pica, La criminologie, PUF,
Paris, 1996. [F]
Serge Sur, Jean Combacau, Droit international public,
Monchrestien-Domat, Paris, 1993. [F]
Économie
Michel Devoluy, Économie politique, Hachette supérieur, Paris, 1994. [F]
Jacques Lendrevie et Denis Lindon, Mercator,
Dalloz, Paris, 1997. [F]
A. Silem (dir.), Encyclopédie de l'économie et de la gestion, Hachette, Paris, 1994. [F]
Géographie
G. Chaliand, J.-P. Rageau, Atlas géostratégique :
géopolitique des rapports de forces dans le monde,
Éditions Complexes, Bruxelles, 1988. [F]
Yves Lacoste (dir.), Dictionnaire de géopolitique (réed.),
Flammarion, Paris, 1995. [F]
Ouvrage collectif, L'état du monde, éditions 1999 et 2000, La Découverte, Paris. [F]
Ouvrages et publications spécifiques à l’étude de la drogue
Questions juridiques et politiques
Olivier Brouet, Drogues et relations internationales,
Éditions Complexes, Bruxelles, 1991. [F]
Jean-Pierre Galand, Fumée
clandestine. Tome 1. Il était une fois le cannabis,
Éditions du Lézard, Paris 1995. [F]
Jean Rivelois, Drogue et pouvoir : du Mexique au
paradis, L’Harmattan, Paris, 1999. [F]
Sciences économiques et sociales
Marie-Christine Dupuis, Stupéfiants, prix, profits : l'économie politique
du marché des stupéfiants industriels, PUF, Paris, 1996. [F]
Marie-Christine Dupuis, Finance criminelle. Comment le crime
organisé blanchit l’argent sale,
PUF, Paris, 1998. [F]
Guilhem Fabre, Les prospérités du crime,
UNESCO / Éditions de l’Aube, La Tour d’Aigues, 1999. [F]
Pierre Kopp, L’économie de la drogue,
La Découverte, Paris, 1997. [F]
Alain
de Sacy, L’économie de la Birmanie. Une dépendance à la drogue,
Vuibert, Paris, 1997. [F]
F. Thoumi, P. Kopp, C. Castilla, D. Betancourt, M. Garcia,
R. Laserna, A. Labrousse, « Socio-économie de la
drogue dans les pays andins », numéro 18 de Problèmes d’Amérique latine,
La Documentation française, Paris, juillet-septembre 1995. [F]
Questions sanitaires et éthiques
Louis Lewin, Phantastica (réed.),
Édifor, Paris, 1996. [F]
Rapport
du Pr Parquet, Pour une politique de prévention en matière de
comportements de consommation de substances psychoactives, coll.
Dossiers techniques du Comité français d’éducation pour la santé et Mission
interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, Paris, 1997. [F]
Pr Roques, Rapport sur la dangerosité des drogues,
Éditions Odile Jacob / La Documentation française, Paris, 1999. [F]
Dr Andrew
Weil et Winifred Rosen, From chocolate to morphine, Houghton Mifflin Co, Boston, 1993. [F]
Ouvrage collectif, « Numéro
spécial toxicomanie » de la revue Combat face au SIDA,
avril 1998, Paris. [F]
Ouvrage collectif, «
Dossier : usage de drogues et toxicomanie »,
n°22 de la revue trimestrielle du Haut Comité de la santé publique Actualité et dossier en santé
publique, Paris, mars 1998. [F]
Ouvrage collectif, Drogues : Savoir plus, risquer moins,
Mission Interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie et
Comité français d’éducation pour la santé, Paris, 2000. [F]
Géographie et histoire
Jean-François Bayart, Stephen Ellis et Béatrice
Hibou, La
criminalisation de l’État en Afrique, Éditions Complexes,
Bruxelles, 1998. [F]
Louis
et André Boucaud, Birmanie. Sur la piste des seigneurs de la guerre,
L’Harmattan, Paris, 1985. [F]
Antoine Boustany, Drogues de paix, drogues de guerres,
Hachette-Pluriel, Paris, 1998. [F]
Chantal Descours-Gatin, Quand l’opium finançait la colonisation en
Indochine, L’Harmattan, Paris, 1992. [F]
Publications de l’Observatoire géopolitique des drogues (OGD)
(dirigé par Alain
Labrousse)
Charles-Henri de Choiseul Praslin, La drogue, une économie
dynamisée par la répression, Presses du CNRS, Paris,
1991. [F]
La planète des
drogues. Organisations criminelles, guerres et blanchiment,
Le Seuil, Paris, 1993. [F]
La drogue,
nouveau désordre mondial, Hachette-Pluriel, Paris,
1993. [F]
État des
drogues, drogues des États, Hachette-Pluriel, Paris,
1994. [F]
Géopolitique et
géostratégies des drogues, Economica, Paris, 1996. [F]
Michel Koutouzis, Atlas mondial des drogues,
PUF, Paris, 1996. [F]
Les drogues en
Afrique subsaharienne, Karthala, Paris, 1998. [F]
La
géopolitique mondiale des drogues 1998/1999, OGD, Paris, 2000. [F]
Alain
Labrousse, Drogues, un marché de dupes, Éditions Alternatives,
Paris, 2000. [F]
Publications et documents de travail des organes de l’Organisation des Nations unies
(sauf UNESCO)
UN General Assembly, Declaration on the Guiding
Principles of Drug Demand Reduction, résolution adoptée par l’Assemblée générale,
10 juin 1998, New York.
Economic and Social
Council, World
situation with regard to illicit drug trafficking and action taken by
subsidiary bodies of the Commission on Narcotics Drugs, Report of the Secretariat, décembre 1999. Document préparatoire à la 43e
session de la Commission on Narcotic Drugs,
Vienne, mars 2000.
UNODCCP (Office for
Drug Control and Crime Prevention), Leading the global fight against illicit drugs and crime, document de présentation,
Vienne.
UNDCP (PNUCID – Programme des Nations unies pour le
contrôle international des drogues), World drug report, 1997,
Vienne, 1998. [F]
UNDCP Regional Centre for East Asia and the Pacific, Drug Abuse Trends in
East Asia, juin 2000.
UNDCP Regional Centre for East Asia and the Pacific, Demand Reduction, juin 2000.
UNDCP Regional Centre for East Asia and the Pacific, Law Enforcement, juillet 2000.
UNDCP Regional Centre for East Asia and the Pacific, Money Laundering, juin 2000.
UNDCP Regional Centre for East Asia and the Pacific, Precursor Control in
East Asia, juin 2000.
UNDCP Regional Centre for East Asia and the Pacific, Economic and Social
Consequences of Drug Abuse and Illicit Trafficking, juin 2000.
UNDCP Regional Centre for East Asia and the Pacific, Opium and Derivatives, juin 2000.
UNDCP Regional Centre for East Asia and the Pacific, Regional Drug Abuse
Update, juillet 1999.
UNDCP Regional Centre for
East Asia and the Pacific, Precursor Control in East Asia, juin 2000.
Publications
du programme MOST de l’UNESCO (Paris)
(coordonné
par Carlos S. Milani)
Ce
programme intitulé Management Of Social Transformations (Gestion des
transformations sociales) gère (entre autres) un réseau international de
recherche sur les « transformations économiques et sociales liées au problème
international des drogues ». A ce titre, de nombreux chercheurs de différents
pays (Brésil, Chine, France, Inde, Mexique, Nigeria) collaborent au programme
et établissent différentes publications internes et externes (documents de
travail, rapports, livres) pour rendre compte de leurs travaux.
Ouvrage
collectif, Globalization
and the international drug problem in central Asia and Pakistan, retranscription des
interventions à la Convention de Tachkent, décembre 1998.
Laurent Laniel, Cannabis in Lesotho: a preliminary survey, Discussion paper
n°34, 1999.
Alba Zaluar,
Violence related to illegal drugs, easy money and justice in Brazil:
1980-1995, Discussion paper n°35, 1999.
Luis Astorga, Drug trafficking in Mexico: a first general assessment,
Discussion paper n°36, 1999.
Guaracy Mingardi, Geography of illicit drugs in the City of São Paulo, Discussion
paper n°39, 1999.
Thierry
Colombié, Impact économique et social
de la culture du pavot sur la communauté des Yanaconas au sein du Massif
colombien, Discussion paper n° 43, 1999.
Laurent Laniel, The relation between research and drug policy in the United States,
Discussion paper n°44, 1999.
Publications et documents du
Département d’État des États-Unis, Bureau of International Narcotics and Law Enforcement
Affairs
(www.state.gov)
Rand Beers (Assistant Secretary of State for International
Narcotics and law Enforcement Affairs), US efforts to combat
international narcotics and crime, Remarks to the Hispanic Council on
International Relations, Washington, avril 2000.
Rand Beers, Counternarcotics Cooperation
With Panama, Remarks before the Criminal Justice, Drug Policy and Human
Resources Subcommittee, House Committee on Government Reform, Washington, 9
juin 2000.
International Narcotics Control strategy
Report, 1999, Washington, mars 2000. [F]
Fiscal Year 2001, Budget Congressional
Presentation, Washington, avril 2000. [F]
Narcotics and Crime Control, The Role of United States Agencies, Washington.
Crime
programs, Washington, septembre 1999.
Articles
(presse et revues)
Pino Arlacchi, The case against
legalization, article in Newsweek International, novembre 1999.
Christian
de Brie, États, mafias et
transnationales comme larrons en foire et Descente aux enfers
des paradis, articles in Le
Monde diplomatique, avril 2000.
André
et Louis Boucaud, En Birmanie, un coup d’État feutré, article in
Le Monde diplomatique, novembre 1998.
André
et Louis Boucaud, En Birmanie, répression sur fond de narcotrafic,
article in Le Monde diplomatique, novembre 1998.
André
et Louis Boucaud, La Thaïlande, cheval de Troie de la Birmanie, article
in Le Monde diplomatique, janvier 2000.
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pays du joint libre, reportage aux Pays-Bas pour Foreign Affairs, traduit et édité sous ce titre in
Jeune Afrique n°2040, février 2000.
Guilhem
Fabre, Du blanchiment aux crises,
article in Le Monde diplomatique,
avril 2000.
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veut garder ses champs de marijuana, article pour le Financial
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Maurice
Lemoine, La guérilla colombienne rêve
d'une paix armée, article in
Manière de voir n°43, janvier-février 1999.
Maurice
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diplomatique, mai 2000.
Éric
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industrie planétaire et perfectionnée, article in Le Monde, 21 août 1999.
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de Maillard, Le marché de la loi rend
les délinquants prospères, article in
Le Monde diplomatique, avril 2000.
Claude
Olievenstein, Le toxicomane domestiqué,
article in Le Monde diplomatique,
novembre 1997.
Rafael Pampillon et Gérard Verna, Ley del
mercado y narcotrafico : el caso de Colombia, article in Politica
exterior, Madrid, septembre 1995.
Marc-Antoine
Pérousse de Montclos, La drogue au Nigeria, une « affaire
d’État », article in Le Monde diplomatique, juin 1998.
Olivier
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article in Politique Internationale
n°86, hiver 2000.
Stop the war in Colombia, article in The Progressive, Madison, Wisconsin, septembre 1999.
Articles in Encyclopædia Universalis 1995
Olivier
Juliard, Alain Labrousse, Drogue.
Oruno
D. Lara, Aire des Caraïbes, Honduras, Jamaïque, Guyanes.
Bernard
Cassen, A. Labrousse, Olivier Dollfus et Marcel Niedergang, Colombie.
Olivier
Burgelin et Philippe Besnard, Sociologie de la mode.
Jean-Pierre
Bernard, O. Dollfus et A. Labrousse, Bolivie.
A.
Labrousse, Pérou.
Michel
Paris, René-Raymond Paris et Hélène Moyse, Morphine.
Françoise Barthelemy, Panama, Venezuela,
Porto Rico.
Étienne
Gilbert, Pakistan.
Yves
Hardy, République de l’Équateur, République orientale de l’Uruguay, Guatemala,
République dominicaine.
Christian
Lechervy, Thaïlande.
O. Juliard, Tabac
Xavier
de Planhol, Ali Kazancigil, Turquie.
René
Truhaut, Toxicologie.
Éric
Meyer, Sri Lanka.
Pierre
Dabezies, Guérilla.
André-Jean
Festugiere, Grèce Antique, l’homme
grec.
Gabriel
Wackermann, Agriculture et mutations
mondiales.
Pierre Gabert, Mezzogiorno.
Louis
Favoreu, Île Maurice.
Jacques
Brasseul, Amérique latine (économie et
société).
Denis
Szabo, Sociologie de la délinquance.
Christophe
Chiclet, Bulgarie.
Gaston
Gaudard, Politique du commerce
extérieur.
Sergio
Spoerer, Chili.
Pierre
Dabezies, Terrorisme.
Rubén Barbero-Saguier, Paraguay.
Pierre
Fistié, Birmanie.
Équipe
rédactionnelle de l’éditeur, Hippy, Héroïne, Réserpine, Coca,
Cocaïne, Codéine, Mescaline, L.S.D., Medéllín, Pavot,
Dopage, Beeka, Chanvre indien, Amphétamines, Opium,
République du Tadjikistan, République du Kirghizstan.
Travaux universitaires
Laurent Tavignot, Le marché
international de la drogue, mémoire dirigé par Alain
Labrousse pour le DEA de Développement et civilisation, Université Paris II,
1991. [F]
Les trois films suivants ont retenu notre attention
et permettent d’élargir le champ des sources disponibles :
Au nom de la drogue, film documentaire de
Michael Busse et Maria-Rosa Bobbi, coproduction
Arte / ARD / NDR, 1998, Allemagne, 58’.
Ce film
fait le point sur la situation de la consommation et du trafic de drogue en
Europe en insistant sur les effets pernicieux de la pénalisation. Les exemples
de la Suisse, de l’Allemagne et de la France (ces trois États étant cités dans
l’ordre croissant de répressivité) sont présentés. Les auteurs prennent
clairement parti en faveur de la politique de déprohibition menée en Suisse où
les autorités ont mis en place des programmes de distribution gratuite
d’opiacés pour toxicomanes dépendants. Ces derniers voient leur état de santé
se stabiliser, n’ont plus besoin de jouer les revendeurs prosélytes pour payer
leur consommation et sont à même de reprendre une activité. Prenant acte de
cette politique qui est en passe de venir à bout de l’héroïnomanie, ils
estiment que « la guerre menée contre la drogue [dans les autres pays] est
chère et inefficace et [qu’elle] représente un danger pour les libertés
publiques ».
Les
blanchisseurs, film
documentaire d’Yves Billy, coproduction Arte / Les films du village,
1998, France, 72’.
Un tableau très large de la
question du blanchiment est brossé dans ce film, à travers des interviews d’experts
américains et européens, des images d’opérations de police judiciaire et un
commentaire très didactique sur les modes opératoires des blanchisseurs. Ce
sont les profits liés au trafic de drogue qui sont principalement évoqués, dans
la mesure où ceux-ci constituent la partie la plus importante de l’argent
« sale » inséré dans le circuit financier (abstraction faite des
sommes provenant de l’évasion fiscale). La plupart des experts interrogés
(chercheurs, policiers, magistrats, économistes…) expriment leur inquiétude
quant à la pérennité des systèmes démocratiques face au pouvoir que peut
procurer une telle accumulation de capital, qui plus est amassé en dehors des
lois.
L’argent
sale : l’empire du joueur d’échecs, film documentaire de P. Mallay, BBC, 1994, Royaume-Uni, 40’.
Ce film retrace l’opération Green Ice, menée
par la DEA, qui aboutît en 1992 à la déstabilisation du Cartel de Calí. Ici
encore, le problème du contrôle des flux financiers est abordé mais l’accent
est mis sur les méthodes d’investigation des services anti-drogues (notamment
l’infiltration et le recrutement de « repentis ») et sur les
difficultés que ces derniers rencontrent face aux organisations de trafic. Ce
film, plus sensationnaliste que les précédents, permet toutefois de bien
appréhender les ambiguïtés du travail de police.
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[1] Marie-Christine Dupuis, Stupéfiants,
prix, profits : l'économie politique du marché des stupéfiants industriels, PUF, Paris,
1996.
[2] Christina Johns citée par Rosa del
Olmo, « Drogues et conflit de faible intensité en Amérique latine » in
La planète des drogues, Seuil, Paris, 1993.
[3] Charles-Henri de Choiseul Praslin,
La drogue, une économie dynamisée par la
répression, Presses du CNRS, Paris, 1991.
[4] Le Fonds monétaire international a
mis au jour pendant les années 1980 des incohérences dans la comptabilité
internationale des balances des paiements qui ne pouvaient être imputables qu’à
une vaste économie souterraine.
[5] National Household Survey on Drug Abuse,
US Government Printing Office, NIDA,
[6] Respectivement : Programme
des Nations unies pour le contrôle international des drogues et Organisation
mondiale de la santé.
[7] Jacques Lendrevie et Denis Lindon, Mercator, Dalloz, Paris, 1997.
[8] Lionel Fournier, « La
consommation de drogues », article in « Dossier : usage de
drogues et toxicomanie », n°22 de la revue trimestrielle du Haut comité de la
santé publique Actualité et dossier en
santé publique, Paris, 1998.
[9] NHSDA cité par Pierre Kopp in
L’économie de la drogue, La
Découverte, Paris, 1997.
[10] Tendance des consommateurs à associer
différents produits, simultanément ou non.
[11] Le drug design est une
expression empruntée à l’industrie pharmaceutique ; elle signifie la mise
au point de substances par déclinaison de structures moléculaires dont les
principes généraux sont déjà connus.
[12]
[13] Jacques Lendrevie et Denis Lindon, Mercator, Dalloz, Paris, 1997.
[14] Guilhem Fabre, Les prospérités du crime, UNESCO /
Éditions de l’Aube, La Tour d’Aigues, 1999.
[15] Chantal Descours-Gatin, Quand
l’opium finançait la colonisation en Indochine, L’Harmattan, Paris, 1992.
[16] Rapports de l’OGD.
[17] OGD, Les drogues en Afrique subsaharienne, Karthala, Paris, 1998.
[18] Rapport du Pr Parquet, Pour
une politique de prévention en matière de comportements de consommation de
substances psychoactives, coll. Dossiers techniques du Comité français
d’éducation pour la santé et Mission interministérielle de lutte contre la
drogue et la toxicomanie, Paris, 1997.
[19] Maxime de droit romain : l’abus
n’est pas préjudiciable de l’usage.
[20] Les goûts ne se discutent pas,
cité par Pierre Kopp in L’économie de la drogue, La Découverte, Paris,
1997.
[21] Une des sources est le GAFI,
Groupe d’action financière crée en 1989 par le G7. Il se donne pour objectif de
déterminer le poids des flux de capitaux d’origine douteuse et d’évaluer
l’incidence du blanchiment sur le système financier international mais ne
travaille pas spécifiquement sur les revenus du trafic de drogues. Les méthodes
d’appréciation incluent l’analyse des déséquilibres comptables internationaux,
signalés par les experts du Fond monétaire international depuis les années
1980.
[22] Données collectées lors
d’observations in vivo et corrélées avec celles de Marie-Christine
Dupuis (in Stupéfiants, prix,
profits : l'économie politique du marché des stupéfiants industriels, PUF, Paris, 1996) et de Pierre Kopp
(in L’économie de la drogue,
La Découverte, Paris, 1997).
[23] Chiffres extraits de L'état du monde, ouvrage collectif,
édition 1999, La Découverte, Paris.
[24] Pour la défense de cette thèse, on
verra (entre autres) :
Guilhem Fabre, Les
prospérités du crime, UNESCO / Éditions de l’Aube, La Tour d’Aigues,
1999 ;
ainsi que les rapports du PNUCID et du Département d’État
des États-Unis.
[25] Marie-Christine Dupuis, Finance criminelle, PUF, Paris, 1998.
[26] « La diffusion des
narcoactivités en Amérique latine (1960-1994) » in Michel Koutouzis,
Atlas mondial des drogues, PUF, Paris, 1997.
[27] Salomon Kalmanovitz, Documento
de discussion,
CIDE, Bogotá, 1993 cité par Pierre Kopp in L’économie de la drogue, La
Découverte, Paris, 1997.
[28] Laurent Tavignot, Le marché
international de la drogue, mémoire du DEA « Développement et
civilisation » de l’Université Panthéon-Assas, Paris, 1991.
[29]
[30] Marie-Christine Dupuis, Finance
criminelle, PUF, Paris, 1998.
[31] Armée de libération nationale,
d’inspiration castro-guevariste.
[32] Forces armées révolutionnaires de
Colombie, d’inspiration communiste, partiellement financées par le trafic de
drogue.
[33] Louis et André Boucaud, Birmanie.
Sur la piste des seigneurs de la guerre, L’Harmattan, Paris, 1985.
[34] Alain de Sacy, L’économie de la
Birmanie. Une dépendance à la drogue, Vuibert, Paris, 1997.
[35]
U.S. Department of State, Bureau for International Narcotics and Law
Enforcement Affairs, International Narcotics Control Strategy Report, 1999,
[36] « Pays andins : l’échec
des politiques anti-drogue », article de
[37] Louis Lewin, Phantastica (réed.), Édifor, Paris, 1996.
[38]
[39] « Histoire de la coca » in
Michel Koutouzis, Atlas mondial des drogues, PUF, Paris, 1997.
[40] Voir « Bolivie :
l’économie de la drogue », article de Roberto Laserna, in
« Socio-économie de la drogue dans les pays andins », Problèmes
d’Amérique latine n°18, La Documentation française, Paris,
juillet-septembre 1995.
[41] Michel Chossudowsky, « Le FMI et l’argent de la drogue », in OGD, La planète des drogues, Paris, Seuil, 1993.
[42]
[43] Voir « Indiens, colons et
syndicats dans le Chapare bolivien » in Michel Koutouzis, Atlas
mondial des drogues, PUF, Paris, 1997.
[44] ENDA, Estrategia
nacional de desarrollo alternativo, Presidencia de la Republica, La Paz,
1990.
[45] UNDCP Regional Centre for
[46] OGD, La géopolitique mondiale
des drogues 1998/1999, www.ogd.org, Paris, 2000.
[47] Rosa del Olmo, « Drogues et
conflits de faible intensité en Amérique latine » in OGD, La
planète des drogues, Seuil, Paris, 1993.
[48] Le président Nixon avait le
premier énoncé ce concept en 1971.
[49] À propos des priorités
géopolitiques en conflit avec la lutte contre le trafic de drogue, on pourra
lire
[50] Crée en 1973, la Drug
Enforcement Administration est l’administration fédérale du Département de
la Justice des États-Unis chargée de la répression du trafic de stupéfiants.
Elle dispose de compétences judiciaires internes et externes et jouit à ce
titre de capacités propres en matière de politique extérieure.
[51] Olivier Brouet, Drogues et
relations internationales, Éditions Complexes, Bruxelles, 1991.
[52] « La politique anti-drogue
des États-Unis en Amérique latine » in OGD, État des drogues,
drogues des États, Hachette, Paris, 1994.
[53] Rosa del Olmo, « Drogues et
conflits de faible intensité en Amérique latine » in OGD, La
planète des drogues, Seuil, Paris, 1993.
[54] Jos
Antonio Quiroga, Coca / Cocaina : una vision boliviana,
AIPE/PROCM-CEDLA-CID, La Paz, 1990.
[55] Loïc Waquant, Les prisons de la misère, Liber - Raisons d’agir, Paris,
1999 ;
« Des pauvres qui rapportent : l’impact
économique et social de la guerre à la drogue aux États-Unis » in
OGD, La géopolitique mondiale des drogues 1998/1999, www.ogd.org, Paris,
2000 ;
Human Rights Watch,
« Cruel and usual: Disproportionate Sentences for New York Drug
Offenders » in Human Rights Watch Report, vol. 9, #2(B), Human
Rights Violations in the United States, New York, mars 1997, cité par Laurent Laniel
in The Relationship between Research and Drug policy in the United States, Discussion
paper #44, MOST,
UNESCO, Paris, 1999.
[56] Quelques mois plus tard, en
septembre 1992, avait lieu l’arrestation de son leader Abimaël Guzman à
l’occasion d’une massive opération anti-subversion au Pérou voisin.
[57] OGD, La drogue, nouveau désordre mondial, Hachette-Pluriel, Paris, 1993.
[58] Idem.
[59] OGD, La drogue, nouveau désordre mondial, Hachette-Pluriel, Paris, 1993.
[60] Idem.
[61]« Bolivie : une réussite
ambiguë de la guerre à la drogue » in OGD, La géopolitique
mondiale des drogues 1998/1999, www.ogd.org, Paris, 2000.
[62] U.S.
Department of State, Bureau for International Narcotics and Law Enforcement
Affairs, International Narcotics Control Strategy Report, 1999,
[63] Idem.
[64] Cette expression avait été employée par les organisations de cultivateurs
turcs à la suite de l’exigence par le président Nixon d’abandonner les cultures
millénaires d’opium.
[65] Ainsi les services allemands ont-ils
versé un rapport au dossier de l’ancien consultant italien en sécurité Marco
Diodado, accusé d’appartenir à la mafia et d’avoir couvert d’importants trafics
de drogue lorsqu’il conseillait le gouvernement bolivien.
[66] Voir un développement de cette
notion dans le préambule d’Yves Lacoste au Dictionnaire
de géopolitique (réed.), Flammarion, Paris, 1995.
[67] OGD, La géopolitique mondiale
des drogues 1998/1999, www.ogd.org, Paris, 2000.
[68] Ces dispositions ont été
sanctionnées par la Cour suprême fédérale en mai 2001.